À contre-courant. Mieux valoriser les prairies réservées au pâturage des vaches, c’est ce qu’ont décidé Sophie et Olivier Moreau. De 33 ha l’an dernier pour 60 vaches au printemps, la surface est passée à 20,5 ha pour 65 vaches, organisés en paddocks.
Des éleveurs agrandissent aujourd’hui la surface pâturée pour réduire leur coût alimentaire et gagner en autonomie protéique. Sophie et Olivier Moreau font l’inverse… pour le même objectif. De 33 hectares, l’année dernière, réservés aux vaches en lactation, ils sont passés à 20,5 hectares.
« L’un des effets bénéfiques de la construction de la stabulation de 119 logettes en 2017 est la remise à plat du pâturage. Nous nous sommes rendu compte que nous gaspillions l’herbe », confient-ils. De l’ancienne stabulation (juste à côté de la nouvelle), les vaches accédaient à quatre grandes parcelles de 5 à 11 hectares.
« Nous avons reconfiguré les parcelles »
« Elles n’étaient pas divisées en paddocks. Quand le lait baissait dans le tank, nous les changions de parcelles mais il y avait beaucoup de refus. » Travaillant déjà avec Littoral Normand, ils ont saisi l’opportunité du nouveau service sur le pâturage qu’offre l’organisme : des propositions d’amélioration et un suivi de la pousse de l’herbe tous les quinze jours pour adapter en continu la gestion des parcelles (voir encadré). « Dans la foulée des travaux liés à la construction de la nouvelle stabulation, en concertation avec Littoral Normand, nous avons reconfiguré les parcelles. » Une réflexion facilitée par un parcellaire groupé tout autour du bâtiment. Le point le plus éloigné est à 800 mètres.
2 000 mètres de fil déroulés pour la clôture électrique
Pour leurs premiers pas vers un pâturage tournant plus organisé, Sophie et Olivier choisissent des paddocks de jour de 1,8 à 2,3 ha et un de 2,9 ha. Les vaches y restent deux ou trois jours. Pour la nuit, une parcelle de 3 ha est en libre accès à 15 mètres de la stabulation. « Nous n’excluons pas à l’avenir un pâturage tournant avec un paddock par jour. Comme il réclame un gros travail en amont de mise en place des clôtures, nous avons préféré une formule plus light. »
Malgré tout, il a fallu créer un chemin en U empierré, faire passer les canalisations d’eau, installer les bacs à eau, planter 200 piquets et dérouler 2 000 m de clôtures électriques, le tout pour 6 000 €. « Tout n’est pas encore bien calé. Par exemple, j’ai un bac à eau pour trois paddocks. Il en faudrait deux. De même, nous avons oublié de prévoir l’électricité partout. Il fallait faire vite. »
D’avril à juin, 65 vaches ont tourné sur 15,5 ha. Tarissement oblige, leur nombre est tombé à 55 têtes en juillet et août sur 20,5 ha. L’entrée dans le circuit d’une parcelle de 5 ha mi-juillet a été bienvenue pour résister à la sécheresse. « C’est une association de ray-grass anglais, fétuque élevée, trèfles blanc et violet, semée après un maïs ensilé fin août. Dans le prolongement des 15,5 ha, elle complète bien le dispositif et libère une parcelle de 11 ha située de l’autre côté de la stabulation, dédiée aujourd’hui aux élèves de 6 à 15 mois. » Même si la volonté de Sophie et Olivier d’une meilleure valorisation de l’herbe ne se traduit pas forcément par une nette baisse du coût alimentaire au printemps et en été, ils sont satisfaits de leur saison (voir page suivante). Les problèmes de santé qu’a connus Olivier en début d’année et le printemps pluvieux ont retardé la mise à l’herbe de trois semaines.
« Pour la première fois, des stocks faits par une prairie débrayée »
Le coût alimentaire du mois d’avril a certes baissé de 22 €/1000 litres mais peu par l’introduction de l’herbe. La mise à l’herbe s’est effectuée le 21 avril pour quelques heures par jour. À partir de juin, le manque d’eau a fortement ralenti la pousse, obligeant à introduire 8 kg, puis 10 kg de matière sèche de maïs-ensilage. La réelle économie s’est faite en mai. Le couple a pleinement profité de la pousse en réduisant le maïs-ensilage à 5,5 kg de MS. « Le correcteur azoté a été maintenu à 1,6 kg par vache puis remonté à 3,1 kg les mois suivants », indique Amandine Houssaye, la conseillère de Littoral Normand qui les accompagne. « Les vaches sont inséminées au printemps. Il ne faut pas qu’elles maigrissent. »
« Mi-mai, en pleine pousse de l’herbe, j’ai débrayé une prairie de 4 ha pour enrubanner 14 t de MS, ajoute Olivier, enthousiaste. C’est vraiment nouveau pour moi. C’est la première fois que je constitue des stocks sur des surfaces réservées au pâturage. »
Il doit ce surplus d’enrubannage aux mesures des hauteurs d’herbe réalisées de la mi-avril à la mi-juillet dans le cadre du service Pâtur’Plus proposé par Littoral Normand (1 080 € subventionnés à 80 %). Les éleveurs ont l’intention de renouveler leur démarche avec l’organisme de conseil pour la pousse d’automne. « Les hauteurs d’herbe sont mesurées par un opérateur ou l’éleveur. C’est à la carte », précise Olivier Leray, responsable de ce service à Littoral Normand.
« Les paddocks classés par priorité »
Avant la mise à l’herbe, Olivier Moreau et Olivier Leray ont défini ensemble un circuit de mesures, qui doit être respecté à chaque fois. « Il faut compter une cinquantaine de mesures sur 2 ha », indique le conseiller.
À partir de mai, ce mode opératoire est observé tous les quinze jours pour un total de cinq suivis de mai à la mi-juillet. Au lancement en avril, le couple a préféré confier cette tâche à un opérateur de Littoral Normand puis ils l’ont faite eux-mêmes. L’herbomètre mécanique utilisé à deux compteurs - un pour la hauteur d’herbe, un pour le nombre de mesures - la facilite. « Il faut y consacrer un peu de temps, une heure trente à chaque fois, pour parcourir 2,5 km. Si c’est un peu fastidieux, nous voyons ainsi toutes nos parcelles et nous en profitons pour observer nos animaux. »
Les hauteurs d’herbe enregistrées sont transmises à Olivier Leray qui estime une croissance de l’herbe de chaque paddock à sept jours et à quatorze jours en s’appuyant sur les prévisions météorologiques locales. « Un petit logiciel classe ainsi les mini-parcelles par priorité de pâturage. C’est rassurant, déclare l’éleveur. J’ai une vision à deux semaines et les informations en main pour être plus réactif. Sans ces prévisions, je n’aurais pas débrayé les 4 ha pour l’enrubannage. »
« 7 kg de MS d’herbe consommés malgré la sécheresse »
Pour Amandine Houssaye, tout ce qui consolide les stocks fourragers est une bonne nouvelle. « L’an passé, il a fallu compenser le maïs-ensilage insuffisant par de l’enrubannage et du concentré de production, au détriment du coût alimentaire. » Le maïs de l’automne 2017 les a reconstitués mais, selon ses calculs, les prairies produisent en deçà de leur potentiel. « Le bilan 2017 donne un rendement moyen de 4,2 t de matière sèche par hectare sur les 101 ha de prairies, à 95 % naturelles, pour un potentiel de 6 à 7 t de MS/ha. » La modification de la conduite du pâturage va dans ce sens. Rien que du 17 avril au 31 juillet, Littoral Normand estime le rendement des 20,5 ha pâturés à 4,5 t de MS par hectare : 2,2 t enrubannées et 2,3 t pâturées… C’est deux tiers de plus que l’an passé. Les vaches avaient consommé près de 1,5 kg de MS d’herbe en plus mais sur 33 ha jamais débrayés pour du foin, de l’ensilage ou de l’enrubannage. « Cette année, cela revient en moyenne à 7 kg de MS pâturés par vache et par jour de la mi-avril à juillet, malgré les mois de juin et juillet secs. »
À ce bilan du printemps 2018 encourageant, il faut ajouter les 20 tonnes de foin récoltées en mai sur les 11 hectares libérés. Cinquante élèves de 6 à 15 mois les occupent depuis.
« 2018 est une année de transition »
Sans doute la consommation d’herbe pourrait-elle être un peu plus élevée en avançant la mise à l’herbe de quinze jours à trois semaines. C’est l’un des objectifs de 2019. Un autre est de faire pâturer dix vaches de plus sur la même surface. Sophie et Olivier travaillent à produire 100 000 litres de plus.
Les éleveurs n’imaginaient pas une telle incidence de la nouvelle stabulation sur la conduite de leur troupeau.
Car, outre le virage pris sur le pâturage des vaches, des changements sont en cours sur les génisses avec des vêlages planifiés en mars et avril pour produire plus de lait à l’herbe. Ainsi, l’an prochain, dix vêlages sont prévus en mars et quinze en avril, contre zéro cette année. L’autre objectif est de diminuer l’âge au premier vêlage à 29 ou 30 mois. Il est à 36 mois sur la campagne 2017-2018. « Cela passe par une meilleure surveillance des génisses pour les inséminer à partir 15 à 16 mois. Elle est plus facile aujourd’hui grâce à la nouvelle stabulation. Elle compte vingt-trois logettes pour les accueillir, les inséminer, les échographier, etc. »
« Ensiler 38 ha de maïs, c’est rentrer l’équivalent de 75 000 € de stock »
L’Europe cède sa place à l’Amérique du Sud sur le marché des broutards au Maghreb
Au Gaec Heurtin, l’ensilage de maïs 2025 déçoit avec seulement 9 t/ha
John Deere, Claas, made in France… À Innov-Agri, il pleut aussi des nouveautés
Maïs fourrage : « Un silo mal tassé monte rapidement à 15 % de freinte »
« Pas d’agriculture sans rentabilité ! », rappelle la FNSEA
Quelle évolution du prix des terres 2024 en Provence-Alpes-Côte d’Azur ?
La « loi Duplomb » est officiellement promulguée
Biométhane ou électrique, les alternatives au GNR à l’épreuve du terrain
Facturation électronique : ce qui va changer pour vous dès 2026