
Les mélanges du Gaec du Jet d’eau, semés il y a six à dix ans, reposent sur des ray-grass anglais et trèfle blanc, complétés par une graminée adaptée à la parcelle. Ils sont toujours là.
Le sud de la Manche appartient à ce triangle vert Mayenne-Ille-et-Vilaine-Manche réputé pour ses sols argilo- limoneux profonds et bien arrosés. Avec de telles conditions, pas besoin de réfléchir longtemps au choix des espèces dans les mélanges prairiaux. Le ray-grass anglais et le trèfle blanc s’y épanouissent. « Dans dix-huit des vingt-trois hectares réservés au pâturage des vaches laitières, mon associé, Laurent Genest, et moi avons construit un fond de prairie sur un mélange de ray-grass anglais diploïde et tétraploïde, associé au trèfle blanc », dit Philippe Dorenlor. Mais pas seulement. Selon les parcelles, on y retrouve aussi du ray-grass hybride, de la fétuque élevée ou du dactyle. Du côté des génisses, sur les 8 ha de prairies temporaires plutôt séchants, il préfère une part de dactyle plus importante que de ray-grass. Il y associe aussi au trèfle blanc du trèfle violet qu’il juge un peu plus résistant aux conditions séchantes.
Philippe, qui est en charge de la gestion des prairies dans le Gaec, connaît bien ses parcelles. Au bout de vingt-cinq ans de pratique, il en détaille les nuances, dessinant même des zones à l’intérieur de chaque prairie : plus humide, plus séchante, sur du schiste, du tuff, de l’argile, etc.
« La conduite de la prairie fait 80 % de sa réussite »
Il fait du « cousu main » pour répondre à trois objectifs. Le premier : des prairies productives qui facilitent la fermeture du silo de maïs de début mai à la mi-juillet et qui prolongent le pâturage jusqu’à début décembre. Le deuxième : une exploitation qui allie pâture et fauche. Le troisième : des prairies qui durent au moins six à sept ans. « Je suis favorable à des mélanges de quatre ou cinq espèces pour permettre à la prairie de s’adapter aux différentes conditions météo et ainsi sécuriser sa production. En revanche, les mélanges plus complexes me laissent sceptique. »
Pour Philippe, c’est la conduite de la prairie qui fait sa réussite. Elle instaure et préserve un équilibre entre les espèces, et non un savant dosage entre six à dix graminées et légumineuses. Il faut dire aussi que les conditions pédoclimatiques de son secteur favorisent les ray-grass qui contiennent l’agressivité de la fétuque élevée et du dactyle. Cela ne l’empêche pas de reconnaître, par exemple, le pouvoir couvrant de la fléole à l’implantation d’une prairie et son intérêt contre les mauvaises herbes.
« Déprimer au fil partout où c’est accessible »
La mise à l’herbe a lieu généralement vers le 5 mars. « L’épisode de pluie début mars l’a un peu retardée. Les vaches et les génisses sont sorties le 14 mars. » Elles passent sur les trois quarts des prairies. Le quart restant n’est généralement pas accessible car trop humide. Ce déprimage n’est pas une promenade. Il est demandé aux animaux d’abaisser le niveau de la prairie à 3,5 ou 4 cm de hauteur d’herbe pour favoriser le tallage et l’accès à la lumière des trèfles blanc et violet. Les vaches sont même lâchées le matin après avoir seulement consommé 1 à 2 kg de foin. « Elles doivent pâturer de façon intensive. Dans ce but, je découpe chaque parcelle en mini-paddocks d’une journée en installant un fil avant, puis un fil arrière pour protéger du piétinement la partie déjà consommée. » Tous les ans, une parcelle précoce de 4 ha échappe malgré tout au déprimage. Elle est ensilée vers le 20 avril pour rejoindre le parcours des laitières en mai. « C’est une précaution. Si la pousse d’herbe est insuffisante, elle le renforce. S’il y en a trop, cela ne me gêne pas d’en débrayer une autre. »
Le pâturage intensif est poursuivi après le déprimage. Dix-sept paddocks de deux ou trois jours jalonnent le circuit. « En mai, c’est plutôt un ou deux jours régulés par un fil avant. Là encore, cela ne me gêne pas d’ensiler une fin de parcelle si l’herbe est abondante. J’évite le risque de débordement et une herbe de mauvaise qualité le cycle suivant. Cela fait partie des contraintes liées à la fermeture du silo de maïs », ajoute-t-il. La même conduite est appliquée aux génisses qui, elles, évoluent sur des paddocks de quatre à cinq jours. De toute façon, Philippe fauche presque toutes les prairies une fois par an. Objectif : abaisser le niveau des gaines pour faire entrer la lumière dans le tapis végétal et ainsi maintenir l’équilibre entre les différentes espèces.
« Le trèfle est le moteur de notre autonomie en intrants »
Les prairies, qui constituent les trois quarts de la SAU, fondent le système de production que les deux associés veulent le plus possible autonome en intrants. « Les trèfles blanc et violet en sont le moteur. Nous n’apportons pas d’azote minéral sur les prairies. Du lisier est épandu sur celles destinées à être déprimées et après une fauche. » Ils poussent d’ailleurs la démarche plus loin sur les quelques hectares de prairie naturelle. Elle ne bénéficie que des restitutions des animaux. Là, le trèfle blanc ne s’y trompe pas : mi-mars avant le déprimage, il représentait la moitié de la flore. « Je suis évidemment vigilant par rapport au risque de météorisation. Les vaches reçoivent toujours du foin avant de quitter le bâtiment. » Le fumier est réservé au maïs et aux prairies de foin.
Un coût alimentaire sous les 65 €/1 000 litres
L’autre contribution du trèfle, en particulier du trèfle blanc, à l’autonomie en intrants porte sur les herbicides. Son pouvoir couvrant fait concurrence à l’implantation des mauvaises herbes. Et bien sûr, le Gaec s’appuie sur la forte proportion de la légumineuse pour supprimer le correcteur azoté pendant la saison de pâturage. En 2015, il a ainsi distribué 627 kg de concentrés par vache (résultats 2016 pas encore disponibles). Ses résultats technico-économiques sont à l’image des systèmes autonomes : 6 233 litres vendus par vache avec des taux élevés (34,5 de TP et 42,8 de TB) pour un coût alimentaire faible : 64 €/1 000 1, dont 38 € de concentrés.
« Ensiler 38 ha de maïs, c’est rentrer l’équivalent de 75 000 € de stock »
L’Europe cède sa place à l’Amérique du Sud sur le marché des broutards au Maghreb
Au Gaec Heurtin, l’ensilage de maïs 2025 déçoit avec seulement 9 t/ha
John Deere, Claas, made in France… À Innov-Agri, il pleut aussi des nouveautés
Maïs fourrage : « Un silo mal tassé monte rapidement à 15 % de freinte »
« Pas d’agriculture sans rentabilité ! », rappelle la FNSEA
La « loi Duplomb » est officiellement promulguée
Quelle évolution du prix des terres 2024 en Provence-Alpes-Côte d’Azur ?
Biométhane ou électrique, les alternatives au GNR à l’épreuve du terrain
Facturation électronique : ce qui va changer pour vous dès 2026