
L’Association française pour la production fourragère a mis à jour son guide de préconisations conçu pour aider l’éleveur à composer un mélange prairial en cohérence avec son milieu et ses objectifs. La règle : pas plus de six espèces et de 30 kg de semences.
Très courant en agriculture biologique, le semis de prairies multi-espèces se généralise. En témoigne la part des semences fourragères en mélanges, qui représente 22 % du total des ventes de semences au cours des deux dernières campagnes. Cet engouement correspond à la recherche d’une plus grande autonomie, à la fois fourragère et protéique, mais aussi azotée. En effet, on estime qu’avec 25 % de trèfle au printemps, les besoins en azote de la prairie pâturée sont couverts.
« Dans tous les cas, la prairie multi-espèce s’avère plus productive qu’une association binaire ou qu’une espèce pure, rappelle Didier Deleau, ingénieur fourrages, à Arvalis-Institut du végétal et président de l’Association française pour la production fourragère (AFPF). De plus, la présence de légumineuses a tendance à tamponner la baisse de valeur alimentaire au cours des différents cycles d’exploitation et l’introduction de graminées plus fibreuses dans le mélange (dactyle, fétuque, fléole) facilite le séchage du fourrage, tandis que certaines espèces riches en tanins (chicorée, lotier, sainfoin) présentent un intérêt métabolique au pâturage, bien que difficile à chiffrer. » Mais le choix d’un mélange adapté à un contexte pédoclimatique donné est complexe et la dose de semences a un coût élevé (200 à 250 €/ha). C’est pourquoi l’AFPF a remis à jour son guide de préconisations pour les prairies de longue durée (1).
Six espèces au maximum
Cet outil vise à orienter les utilisateurs dans leurs choix, afin de composer un mélange d’espèces en cohérence avec les contraintes du milieu (sol, climat) et le mode d’exploitation des prairies (fauche, pâture ou mixte).
Tout d’abord, la dose de semis ne doit pas dépasser 30 kg/ha, afin que chaque variété puisse s’exprimer. « Plus la dose est élevée, plus il y a un risque de concurrence, sans que la productivité soit forcément améliorée, souligne l’ingénieur. En outre, dans un couvert trop dense, le risque de maladies est souvent plus élevé. » De la même manière, il n’est pas utile d’associer plus de huit variétés au total, parmi six espèces au maximum. Ainsi, chacune doit pouvoir exprimer ses qualités et corriger les défauts de l’espèce principale.
Ray-grass anglais : tardif et non remontant
À l’exception de certaines parcelles exclusivement réservées à la fauche, le ray-grass anglais (RGA) est toujours présent dans le mélange. C’est la graminée la plus appétente et la plus riche. Quelque 150 espèces sont inscrites au catalogue français. À l’instar des index bovins, les caractéristiques de chacune sont répertoriées au Herbe Book (2). Didier Deleau en distingue cinq en priorité.
Ploïdie : plus appétentes et plus riches d’un point de vue nutritionnel, les tétraploïdes sont aussi plus pauvres en matière sèche, donc difficiles à sécher et davantage destinées au pâturage. Les diploïdes (tallage plus important) sont choisies pour une utilisation mixte (fauche, pâture).
Précocité : les variétés tardives à très tardives sont globalement mieux adaptées au pâturage, car elles montent à épis plus tard (en région Centre, les RGA très tardifs épient entre le 16 et le 23 juin et les très précoces entre le 1er et le 8 mai). Les variétés précoces sont plus résistantes en sols froids et démarrent plus vite en végétation, dans la perspective d’un rendement maximum en première coupe. À condition de pouvoir faucher de bonne heure sur des parcelles portantes.
Départ en végétation : lorsque l’on peut sortir tôt en saison, le choix de variétés avec un indice de démarrage précoce en végétation est un second critère d’intérêt.
Remontaison : choisir parmi les variétés ayant les notes de remontaison les plus basses, en particulier pour la pâture. La remontaison est la capacité à refaire des épis après les avoir sectionnés au cycle précédent.
Résistance : viser les variétés les moins sensibles à la rouille.
Les dernières variétés inscrites vont plus loin et proposent des données telles que les valeurs UF ou les teneurs en sucre soluble. « Lorsque l’on décide de ressemer une prairie, il y a tout intérêt à miser sur le progrès de la sélection à travers des variétés récentes et àfaire part deses exigences à son fournisseur. »
Dactyle et fétuque : gare à l’épiaison
En association, le choix se portera sur des variétés de ray-grass anglais dont les dates d’épiaison sont proches. C’est-à-dire une variété demi-tardive à tardive avec de la fétuque des prés ou de la fléole en conditions froides ou humides. Le choix de l’association avec du dactyle et de la fétuque élevée correspond aux conditions séchantes. Mais attention, ces deux espèces épient plus tôt que les autres graminées et perdent rapidement de la valeur après épiaison. Dès qu’elles sont introduites dans le mélange, une première exploitation tôt en saison doit permettre de sectionner l’épi. Ensuite, les repousses seront exclusivement feuillues et de qualité. À noter que la sélection de fétuques élevées à feuilles souples permet de se rapprocher de l’appétence du ray-grass.
Toutes ces espèces pérennes sont souvent d’implantation lente. Aussi, pour éviter la multiplication des mauvaises herbes dans le jeune semis, on intégrera des espèces d’implantation rapide (ray-grass hybride, trèfle violet, voire ray-grass italien). Celles-ci ont par ailleurs l’avantage d’être très productives dès la première année. Ray-grass anglais, dactyles et autres fétuques prendront ensuite le relais. Sur le modèle des mélanges suisses, il est aussi possible d’intégrer des espèces ayant vocation à couvrir le sol pour limiter le développement des adventices et des mousses : pâturin des prés, fétuque rouge, minette…
Trèfle blanc : indissociable du pâturage
Parmi les espèces majeures de légumineuses à intégrer au mélange, le trèfle blanc est incontournable pour le pâturage. Le lotier est adapté au pâturage, mais aussi à la fauche dans les sols pauvres et superficiels. La luzerne est la plus productive en conditions séchantes. Elle aime les sols calcaires bien drainés, mais peut s’adapter, après inoculation, dans des sols relativement acides grâce au chaulage. Dans la moitié nord de la France, le choix portera sur des variétés avec des notes de dormance faibles (de 3 à 5). Cet indicateur correspond à la capacité de la plante à résister au stress de l’hiver. « Si l’on veut pérenniser la prairie, il est important de ne pas faucher en dessous de 6 à 7 cm, de laisser la luzerne venir à floraison une fois au cours de la saison et d’effectuer la dernière coupe au moins un mois et demi avant les premiers gels afin que la plante reconstitue ses réserves avant d’entrer en dormance », explique Didier Deleau.
Enfin, le trèfle violet offre une alternative là où la luzerne est inadaptée. Mais les deux espèces peuvent aussi être associées : plus facile à implanter, le trèfle violet prend alors le dessus en première, voire deuxième année, puis la luzerne prend le relais.
Dans le mélange, les légumineuses pèsent de un tiers à la moitié de la dose. Les travaux de l’AFPF ne permettent pas encore d’émettre des recommandations de doses de semences adaptées à la diversité des situations rencontrées en France. D’ailleurs, le semis ne reflète pas toujours la composition finale de la prairie. « La gestion de la prairie, surtout son exploitation au bon stade, reste un critère de réussite technique au moins aussi important que le choix d’une variété à fort potentiel », assure Didier Deleau.
(1) Mélange de semences pour prairies de longue durée en France, téléchargeable sur le site de l’AFPF (www.afpf-asso.org).(2) www.herbe-book.org.
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