
Autonomie. L’augmentation de la surface accessible pour le pâturage se heurte à des freins qui, bien souvent, ne résistent pas à une étude économique. Jean-François Guitton, éleveur, propose des solutions.
L’intérêt du pâturage pour réduire le coût alimentaire n’est plus à démontrer. Mais encore faut-il disposer de suffisamment de surface accessible pour les laitières. En Loire-Atlantique, une région où la sècheresse estivale revient quasiment chaque année, Jean-François Guitton, établi à Saint-Gildas-des-Bois, atteint presque l’autonomie alimentaire grâce au pâturage. Il constate que quelle que soit la météo, la production totale de ses prairies varie peu d’une année sur l’autre. « Je note tout depuis plus de dix ans, parcelle par parcelle. Les creux ponctuels sont toujours compensés par une meilleure pousse à un autre moment. » Il dispose de 110 ha pour 80 normandes et seulement 10 ha sont implantés en maïs ou céréales. Tout le reste est en herbe. L’élevage produit entre 300 000 et 350 000 l de lait bio par an. « J’achète quatre tonnes de concentrés azotés par an. J’ai 53 ans, et je gagne ma vie avec mon métier », précise l’éleveur. Jean-François travaille seul sur son exploitation. Il trouve le temps d’intervenir en tant que paysan formateur, quelques heures par mois, dans le cadre du Civam de son département. Cet organisme propose douze journées de formation sur deux ans aux éleveurs qui envisagent de changer de système. « Le public a évolué depuis une dizaine d’années. Les jeunes cherchant des repères sur le pâturage sont les plus nombreux. Ils s’installent sur des fermes classiques mais veulent en changer le système pour des raisons économiques et environnementales. » Avant, il s’agissait surtout d’éleveurs installés depuis longtemps et qui voulaient sortir du modèle dominant.
Jean-François observe que le principal frein au développement du pâturage reste la logique du droit à produire. « Pour certains, produire ce volume demeure l’objectif prioritaire. Or, il faut partir de la terre. Elle détermine un volume de fourrages, donc un nombre de vaches et, en fin de compte, un potentiel de production laitière à bas coût. »
Une fois ce pas franchi, il faut disposer d’une structure d’exploitation permettant de développer le pâturage, le fourrage le moins coûteux pour les vaches laitières. Car l’herbe récoltée coûte cher. Et là aussi, les freins sont souvent d’ordre psychologique. Ainsi, l’herbe n’est pas reconnue comme une culture à part entière. Les éleveurs hésitent à faire marcher les vaches et à fermer le silo au printemps. Ils sont convaincus que les prairies doivent être retournées tous les cinq ans. Les échanges parcellaires sont souvent considérés comme impossibles à mettre en œuvre. Sur la base de son expérience, Jean-François propose des pistes pour augmenter la surface accessible et donc réduire ses charges et améliorer son revenu.
Implanter des prairies pérennes
L’idée est de n’avoir que du pâturage sur la surface accessible. On gagne environ 20 % en ne retournant pas les prairies tous les cinq ans. La fétuque élevée, le RGA et le trèfle sont des espèces pérennes. Il faut choisir des variétés non remontantes et à épiaison tardive, afin de disposer d’une bonne souplesse d’exploitation au printemps. Le dactyle convient bien en zone séchante. Les RGA diploïdes sont plus pérennes que les tétraploïdes. La prairie doit être exploitée au bon stade si on veut qu’elle dure. Le surpâturage est à éviter absolument. Tout cela nécessite beaucoup de technique, d’observation et de réactivité. Dans ce schéma, on ne conduit plus les vaches de la même façon. La production laitière se cale sur la pousse de l’herbe.
Élever juste assez de génisses
L’enjeu est de réserver aux vaches en production la surface accessible. Dix ou quinze génisses en trop consomment l’herbe qui aurait pu profiter à cinq vaches. Un taux de renouvellement de 20 % suffit. Le marché des génisses pleines est peu rentable. Et laisser les génisses pousser les vaches conduit à réformer trop tôt. De plus, ces génisses excédentaires représentent des coûts et du travail. La délégation de l’élevage des génisses constitue une autre solution pour laisser la place aux vaches.
Accroître la surface accessible
Quand les vaches vont plus loin, elles accèdent à une plus grande surface. Certains pensent qu’une distance de 500 m est un maximum. Bon nombre d’éleveurs herbagers valorisent des pâtures situées à un kilomètre du bâtiment. L’aménagement de chemins confortables facilite cette pratique. Quand une route sépare le bâtiment des prairies, il faut choisir le meilleur endroit pour traverser. Certains aménagent des chemins parallèles à la route. On peut aussi créer un sas de manière à faire traverser tout le troupeau rapidement (voir encadré).
L’option du boviduc mérite parfois d’être étudiée. Il en coûte 35 000 à 50 000 €, mais le retour sur investissement peut être assez rapide, étant donné la forte baisse du coût de production. Surtout si, au passage, on évite de racheter une distributrice !
Certains vont plus loin et adoptent la monotraite, de façon à ne conduire les vaches qu’une seule fois par jour et valoriser des parcelles éloignées. La traite mobile, enfin, est une autre option permettant de laisser les vaches dans les pâtures et, outre le gain sur le coût alimentaire, de réduire la gestion des déjections. Là encore, un calcul économique s’impose.
Adapter l’effectif de vaches à la surface
Quand on dispose de 25 ares accessibles par vache, on peut presque toujours fermer le silo pendant deux mois au printemps. Cela génère beaucoup d’économies avec, en prime, une réduction de la charge de travail. Si l’on a trop de vaches pour parvenir à ce seuil, il faut évaluer les coûts et bénéfices d’une réduction de l’effectif. Entre la baisse des charges et celle de la production, le revenu peut se trouver amélioré.
Dresser les vaches
Les laitières sont parfois paresseuses. La ration à l’auge leur convient bien. L’éleveur ne doit pas hésiter à leur imposer le pâturage. S’il doute au moment de fermer la parcelle, elles vont le sentir et parfois manifester leur mécontentement. Elles appelleront pour rentrer plus tôt. La règle de hauteur d’herbe pour déterminer la sortie d’une parcelle ne doit pas bouger.
Échanger des parcelles avec des voisins
Cette pratique devrait être une évidence mais dans les faits, c’est souvent compliqué. La gestion des quotas et l’attachement au sol ont favorisé l’éclatement des parcellaires. Le remembrement serait une solution mais sa réalisation, dans le passé, a parfois laissé des traces douloureuses. Pourtant, l’idéal serait aujourd’hui que les collectivités prennent en charge les échanges parcellaires. Car ils impliquent souvent plusieurs agriculteurs qui peinent à se mettre d’accord. Dans une optique de développement du pâturage, ce n’est pas seulement le potentiel agronomique des terres qui compte. Si l’on peut constituer un bel îlot de prairies autour de ses bâtiments, on est gagnant, même si on a laissé au passage quelques parcelles au meilleur potentiel, ou marquées d’une valeur sentimentale liée à l’histoire.
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