« Le pari de zéro correcteur au printemps pas tout à fait tenu »

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Pâturage. Le Gaec Delahaye visait la suppression du tourteau de colza durant deux mois au printemps. C’est ce qu’il avait expliqué à L’Éleveur laitier en avril. Il l’a arrêté durant trois semaines. Retour sur ce challenge.

Supprimer le correcteur azoté de mi-avril à mi-juin pendant la pleine pousse d’herbe, c’est l’objectif que s’étaient fixé Benoît et Patrick Delahaye. Ils avaient expliqué leur motivation à L’Éleveur laitier en avril dernier (n° 245, p. 42). Tous les ans à cette époque, le fils et le père continuent de distribuer du maïs-ensilage, mais en l’abaissant à 5 kg de MS par vache. Leur atelier taurillons les empêche de fermer le silo. Le maïs apporté aux vaches l’est avec 0,4 à 0,8 kg de MS de ray-grass hybride et de trèfle violet enrubannés. À ce niveau, la ration fourragère n’a plus besoin d’être corrigée.

En avril, Orne Conseil Élevage (OCL) avait calculé que la suspension du tourteau de colza, couplée à moins de fourrages distribués, représentait un gain de 1600 à 2000 € si la production laitière se maintenait. « Cela ne s’est pas passé comme nous l’avions prévu, dit Benoît. Nous avons arrêté le tourteau de colza le 9 mai et pour seulement vingt jours. Avant cela, nous avions déjà baissé sa distribution, qui était rendue à 800 g par vache. »

« Un mois de mai froid »

L’année précédente, à la même époque, les associés en apportaient moitié plus dans la ration complète. « Le mois d’avril s’est bien déroulé. Puis le temps s’est refroidi, ralentissant la pousse de l’herbe jusqu’à la fin mai. »

Ils comptaient également sur les 7 ha de prairies multi-espèces implantés l’an dernier, pour compenser l’arrêt du tourteau de colza. « Malheureusement, le trèfle blanc et la luzerne n’étaient pas suffisamment présents. Nous espérons que ces prairies seront plus productives l’an prochain. »

La dernière semaine de mai, ils constatent une baisse de 300 litres dans le tank. Elle est confirmée par une baisse du taux d’urée dans le lait. Ils décident, quelques jours après, de réintroduire 1 kg/vache de tourteau de colza et d’augmenter l’enrubannage (1,2 à 1,6 kg de MS). Ils ne le regrettent pas car à cette faible croissance a succédé une explosion de l’herbe difficile à gérer. « Sur les 24 ha destinés au pâturage, nous avons débrayé 6,5 ha, mais sans doute pas assez rapidement. Dans les paddocks restants, l’herbe était à un stade un peu trop avancé au détriment de sa valeur alimentaire. » Pour forcer les vaches à la consommer et limiter les refus, dans les paddocks conçus pour deux jours, ils les ont fait pâturer au fil.

« Les taux d’urée indiquent des ajustements maîtrisés »

Les deux éleveurs confortent leur observation des prairies par la teneur de l’urée dans le lait. Les taux de 213 g à 220 g/kg d’avril à juin mesurés par OCL les ont rassurés. « Leur stabilité prouve que les ajustements successifs sur ces trois mois sont maîtrisés. Ils sont plus bas que ce que l’on constate habituellement au pâturage. Ce n’est pas étonnant. En hiver comme au pâturage, les éleveurs conduisent des rations économes qui sont efficaces », souligne François Normand, d’OCL.

S’ils avaient poursuivi l’arrêt du tourteau en juin, ils auraient assisté à une baisse couplée du lait et des taux. Ce n’est pas ce qui s’est déroulé. Certes, en juin, le lait recule de 0,6 kg brut/vache/jour, mais avec des taux et un stade moyen de lactation plus élevés. En mai, c’est l’inverse : le lait augmente de 1,4 kg avec une perte de 2,6 de TB et de 1,2 de TP (résultats du ­contrôle laitier). C’est classique sous l’effet de l’azote soluble fourni par l’herbe, qui est en quantité et de qualité à cette saison. « Le pâturage permet aux normandes du Gaec de mieux exprimer leur potentiel à partir d’un coût alimentaire faible. »

La gestion du pâturage demande de la technicité et de la réactivité. « Elle réclame aussi un arbitrage entre économie réalisée et lait qui risque de ne pas être produit, insiste Patrick Delahaye. Dans notre cas, avec un prix du lait à 366 €/ 1 000 l en mai, et 367 € en juin grâce à l’AOP camembert et la qualité du lait, si nous avions maintenu l’arrêt du correcteur, la baisse du lait aurait pu nous coûter plus cher que l’économie réalisée. »

L’autre arbitrage porte entre les laits d’hiver et d’été. « Notre objectif est de produire toute notre référence, ce que nous n’avons pas fait l’an passé. Même si nous n’avons pas réussi à produire deux mois sans correcteur, nous produisons un lait à un coût moitié plus faible qu’en hiver (lire ci-contre). »

Claire Hue
Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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