
Le premier hub de gaz porté français a ouvert ses portes en Ardèche. Une solution pour les éleveurs qui souhaitent valoriser leurs effluents en biométhane, y compris lorsqu’ils sont éloignés du réseau gazier.
Depuis deux mois, dans la petite zone industrielle du village d’Ardoix, des camions viennent vider leurs citernes chargées de 5 000 m3 de biométhane. Du gaz produit par des effluents d’élevages dans un rayon de 200 km et injecté dans le réseau. « Comme souvent, ce sont des méthaniseurs éloignés des infrastructures gazières », explique Florent Thouminot, directeur de la société Methagora. Contrairement à l’électricité présente sur l’ensemble du territoire, les canalisations de gaz naturel se trouvent autour des zones urbanisées, dont les exploitations agricoles sont généralement éloignées.
Pour remédier à cette situation, Methagora (filiale du groupe Seya, spécialisé dans le développement de projets de méthanisation agricole) a donc créé ce site d’injection mutualisé — appelé « hub de gaz porté » — à Ardoix, le premier du genre en France. Après avoir été épuré et compressé sur les unités de méthanisation partenaires, le biométhane est livré puis détendu avant d’être injecté dans le réseau gazier. « L’intérêt de la mutualisation, c’est aussi le volume : plus on a de gaz, plus on est capable de le vendre », souligne Florent Thouminot. Avec cette nouvelle infrastructure, un contrat de vente de biométhane a pu être signé avec la société Suisse Renera pour les 15 prochaines années. L’installation, mise en service début 2025, fonctionne actuellement avec les effluents d’une dizaine d’élevages laitiers, traités dans cinq méthaniseurs : un en Haute-Savoie, un en Isère, un dans la Drôme et deux en Ardèche – dont l’un à proximité du hub.
De la cogénération à l’injection pour plus de flexibilité
Ces unités, créées entre 2014 et 2019, valorisaient jusqu’à présent l’énergie sur le réseau électrique, grâce à la cogénération : le moteur permettant de créer une énergie mécanique ensuite transformée en électricité par le biais d’un alternateur. « Entre les coûts de maintenance et le manque de flexibilité, la cogénération est un système beaucoup plus compliqué », témoigne François Coste. Cet éleveur d’une centaine de Prim'Holsteins à Cheminas, en Ardèche, est impliqué dans un projet de méthanisation depuis les années 2010. La SARL Agritexia, aujourd’hui composée de cinq associés, a créé deux méthaniseurs en Ardèche, à Cheminas et Ardoix.
Comme François Coste, Emmanuel Delor a intégré ce projet collectif dès les prémices. Éleveur de Montbéliardes dans le village voisin, il a vu dans la méthanisation une opportunité pour faciliter sa conversion en agriculture biologique grâce à l’engrais organique inodore produit dans le digesteur. Si depuis, les prix du bio se sont effondrés, poussant les éleveurs à revenir au conventionnel, aucun ne regrette ce choix. « Le premier intérêt, c’était le stockage d’effluents, précise François Coste. On a tous pu faire évoluer nos cheptels sans investir dans de nouvelles fosses à lisier. »
Ces dix dernières années n’ont toutefois pas été de tout repos. « La cogénération devait être plus rentable, regrette François Coste. Sur la production, on a atteint les objectifs, mais les charges ont explosé le budget. Sans compter qu’on a connu une multitude de problèmes. » Entre la foudre qui a mis à l’arrêt l’une des deux installations pendant 4 mois et la cuve qu’il a fallu curer à plusieurs reprises, les coûts s’accumulent au point d’être proche du dépôt de bilan en 2021. Nicolas Ribes, président de Seya, vient alors à leur rescousse en entrant dans le capital d’Agritexia et en injectant des fonds. « A ce moment-là, à Seya, on fait un constat : on peut produire du gaz, mais ce qui pèche, c’est la cogénération », raconte Florent Thouminot, aujourd’hui directeur de Methagora.
Tout un écosystème qui va être amené à évoluer
D’autres unités accompagnées par Seya ont ensuite rejoint le projet de Methagora, au moins partiellement. « Tant que le moteur fonctionne, je continue de passer par la cogénération pour environ un tiers de la production », témoigne Yannick Gache, au Gaec de la Limone en Isère. Cet éleveur de Prim’Holstein sur la commune de Saint-Romain-de-Lerps, a créé sa propre unité de méthanisation en 2019 pour répondre à un besoin de diversification. « Le chiffre d’affaires de la méthanisation est le même que celui de l’élevage sauf que j’y passe deux heures par jour », constate-t-il. D’ici un ou deux ans, il envisage de passer à 100 % par le système d’injection mutualisé. Seule contrainte : si la chaleur du moteur n’est plus là, il faudra installer une chaudière pour maintenir le digesteur à la température nécessaire à la production de biogaz (35-40°).
Un investissement largement amorti pour Florent Thouminot qui souligne que le système d’injection pourrait permettre de doubler le rendement : « Avec la cogénération, seule 50 % de l’énergie est valorisée dont seulement 35 % en électricité, le reste de la chaleur étant utilisé pour la fosse. En injection, on passe à une valorisation de 50 à 95 %. » Si les éleveurs engagés dans le projet manquent encore de recul, ils se disent satisfaits de ce système moins contraignant. D’autres exploitations pourraient encore rejoindre Methagora, sur le hub d’Ardoix ou encore en Haute-Savoie où un deuxième point d’injection est en train d’être créé. « C’est tout un écosystème qui va être amené à évoluer », conclut le directeur de la structure.
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