
Faire simple, efficace et robuste avec un investissement limité, voilà un modèle qui pourrait séduire les éleveurs laitiers. Trois années de fonctionnement au Gaec Lapourcal témoignent de la faisabilité.
« Avec mon père, cela fait plusieurs années que nous nous intéressons à la méthanisation car dans la région, nous avons à notre disposition de grandes quantités de sous-produits et de déchets de conserverie. Nous sommes allés en Allemagne où nous avons vu de grosses unités, fonctionnant avec beaucoup d’ensilage maïs et soutenues par un tarif de l’électricité avantageux. J’ai compris qu’appliquer ce modèle de méthanisation chez nous, c’était aller droit dans le mur : trop gros, trop cher et pas adapté à des rations plus complexes », explique Dominique Bousquet, adhérent du Gaec de Lapourcal, dans le Lot-et-Garonne. Mais comment faire moins cher et construire une installation qui corresponde à un élevage de 90 vaches laitières sur aire paillée, avec des déchets de maïs doux en complément ? « La voie solide a été vite abandonnée : c’est assez onéreux, cela demande beaucoup de travail et ne fonctionne pas toujours », poursuit Dominique.
Ce sera donc la voie liquide infiniment mélangée, mais en se passant de la traditionnelle fosse en béton cylindrique, si caractéristique de cette technique. Pour diminuer l’investissement, pourquoi pas une poche souple en PVC, de type stockage d’effluents de lisier ? C’est ici qu’intervient la start-up du Lot-et-Garonne Arcbiogaz qui a conçu son prototype au Gaec. C’était en 2011. Le challenge : utiliser une poche souple renforcée et pouvoir brasser l’intérieur avec au minimum quatre hélices, sans endommager la bâche, sans perdre de gaz et en utilisant des substrats solides, le tout pour un coût d’investissement raisonnable.
Dix tonnes de substrat par jour dont du fumier pailleux
C’est ce que propose le méthaniseur d’Arcbiogaz, un procédé soutenu par l’Ademe et breveté. Il commence par une trémie qui est chargée des intrants solides. Ensuite, une précuve en Inox assure le mélange avec la partie liquide pour obtenir un substrat à 8-9 % de MS. Il est composé pour un tiers de fumier pailleux, un tiers de déchets de maïs doux et un tiers de liquide (eaux brunes et blanches de l’exploitation), soit environ 10 tonnes par jour. À chaque cycle de remplissage, une petite partie du contenu du digesteur est mélangée aux intrants pour obtenir un substrat suffisamment liquide. La précuve, montée sur pesons, mesure et enregistre toutes les matières entrantes. Elle sert aussi de piège aux corps étrangers (cailloux, etc.). Le substrat est ensuite injecté dans la poche du digesteur (550 m3, 55 % de liquide et 45 % de gaz) où il est brassé et chauffé. « Le savoir-faire spécifique à notre technologie est là. Cette géométrie, très différente de la cuve en béton avec notamment un chauffage au sol très homogène, assure un excellent rendement en biogaz. L’objectif est de garder une pression constante dans la poche. L’alimentation en substrats et le brassage se déclenchent donc en fonction de la production de gaz. L’ensemble du processus est piloté par un automate. Cette méthode supprime aussi l’accumulation de boues au fond des digesteurs, nécessitant un curage, donc l’arrêt de la production », explique Jean-Marie Faure, président d’Arcbiogaz. Ici, le digestat passe dans une seconde poche (550 m3) qui fait fonction de post-digesteur. « Une option peu rentable dans cette configuration. La nécessité d’une post-digestion dépend des intrants utilisés. Elle s’impose lorsque la production de méthane est lente, par exemple avec beaucoup d’ensilage maïs », poursuit Jean-Marie Faure.
140 000 € de chiffre d’affaires
En 2011, l’installation était prévue avec le séchage d’une partie du digestat, après séparation de phase, pour valoriser la chaleur de la cogénération. Cette installation ne fonctionne plus aujourd’hui et le digestat liquide est stocké dans des poches souples avant épandage. « L’outil de séchage est prêt à redémarrer quand le modèle économique le permettra. Il faudrait pouvoir le vendre comme fertilisant aux maraîchers voisins, mais jusqu’à juin dernier, son statut de déchet ne le permettait pas », explique Dominique Bousquet.
La production de méthane de l’installation alimente un moteur thermique qui fournit 75 kWe. « En trois ans de fonctionnement, nous sommes en moyenne à 8 400 heures par an de production, soit parmi les meilleurs rendements, pour un chiffre d’affaires annuel de 140 000 €. Cela avec un investissement inférieur à 600 000 €, soutenu à hauteur de 30 % par des subventions. Mon annuité est de 36 000 € sur six ans », assure Dominique.
Il faut ajouter à cela l’économie d’engrais. « Si le digestat est bien utilisé, il est possible d’être autonome en fertilisant. Je l’épands sur les ray-grass, les céréales et les vergers, soit du début du printemps à la fin de l’automne. »
Le temps de travail quotidien lié à la méthanisation est estimé par l’éleveur à 45-60 minutes : alimentation de la trémie, surveillance, etc. « Les éleveurs laitiers sont souvent débordés de travail sur l’exploitation. Le revenu de la méthanisation peut permettre d’embaucher quelqu’un pour soulager l’emploi du temps. Avec un modèle Arcbiogaz, un élevage de 100 vaches sur 150 ha peut viser une installation de 100 kWe en valorisant tous les effluents quels qu’ils soient et quelques Cive en complément pour assurer 14 tonnes par jour de substrats à injecter. Il récupère 5 000 tonnes de digestat épandable. Un système en totale autonomie qui apportera une sécurité financière face à la volatilité des prix agricoles. Dans certaines situations, la méthanisation peut aussi amener d’autres perspectives à l’entreprise, notamment avec un autre atelier capable de valoriser la chaleur. »
À la fin de l’année 2017, le Gaec Lapourcal va doubler sa puissance à 150 kWe avec un second digesteur. Il valorisera les déchets et sous-produits disponibles dans les industries agroalimentaires voisines.
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