Les petites unités de production retrouvent de l’intérêt

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Arnaud Guilbert. Le Gaec de deux associés et deux salariés exploite 230 ha de  SAU pour 135 vaches. Il est en bio depuis 2009.D.G.
Arnaud Guilbert. Le Gaec de deux associés et deux salariés exploite 230 ha de SAU pour 135 vaches. Il est en bio depuis 2009.D.G. (©D.G.)

La nouvelle tarification a rebattu les cartes : des petites installations fleurissent avec un équipement simple et une rentabilité non négligeable. Exemple au Gaec Guilbert.

En 2011, nous écrivions que la méthanisation en individuel n’était accessible qu’à de très gros élevages. D’ailleurs, la majorité des installations existantes sont dans la gamme des 150 à 300 kW. Des unités capables de mobiliser quotidiennement de gros volumes de substrat. En cause, la tarification de l’époque moins favorable aux installations inférieures à 150 kW, dont le coût d’investissement au kW est pourtant plus élevé.

Depuis janvier 2017, changement de paradigme, la révision des tarifs de rachat de l’électricité a introduit un maximum de 22,5 c/kWh pour les unités de moins de 80 kW. Les Cive et la possibilité d’introduire 15 % de cultures alimentaires dans la ration du méthaniseur participent aussi à la réussite de petits projets individuels inférieurs à 100 kW et en toute autonomie. Quant aux constructeurs, ils commencent à s’adapter à ce nouveau créneau avec des moteurs et des cuves spécifiquement dimensionnés pour la petite méthanisation.

La saisonnalité de la ressource liée au pâturage

L’installation du Gaec Guilbert, dans le Calvados, illustre cette nouvelle façon d’envisager la production de biogaz en France. Sur une exploitation laitière en agriculture biologique, les éleveurs gèrent une unité de 33 kW uniquement en lisier. Relevons là une première difficulté : élevage bio et méthanisation ne sont pas toujours compatibles. Car avec plusieurs mois de pâturage, la saisonnalité des effluents disponibles est souvent rédhibitoire. Limité en surfaces de prairies accessibles aux vaches, le Gaec s’en sort en rentrant les vaches la nuit et en affourageant dans le bâtiment pendant les mois de pâture. Et la récupération des tontes de pelouse de la ville voisine comble le déficit en lisier à cette période. « L’élevage bio a un autre handicap : avec une conduite plus extensive des animaux, la digestion de la ration est plus complète, donc le pouvoir méthanogène du lisier plus faible que dans un élevage intensif avec des rations plus riches en amidon », explique Arnaud Guilbert, l’un des associés.

Conséquence, avec 135 vaches dans un bâtiment en logettes (matelas, farine de paille), le lisier de l’exploitation ne pouvait satisfaire qu’une unité de 22 kW. Les éleveurs ont fait appel à une entreprise spécialisée dans la microméthanisation (Biolectric) qui propose des installations de 22, 33 ou 44 kW sur un modèle 100 % lisier. « Pour 22 kW, le montant de l’investissement annoncé était de 185 000 €. Nous avons choisi d’investir un peu plus en installant un 33 kW à 220 000 €, en prévision d’une augmentation du troupeau », précise Arnaud. Le montant final de l’investissement se chiffre ici à 350 000 € (10 600 €/kW). Il inclut tous les aménagements de fosses nécessaires, les racleurs et l’installation de valorisation de la chaleur (27 000 €) pour le chauffage d’une maison, les chauffe-eau de l’exploitation, le séchage en grange et un séchoir à céréales. « La récupération de chaleur n’était pas obligatoire pour atteindre le tarif maximum de l’électricité, mais nous ne voulions pas laisser se perdre cette énergie disponible. » En arrivant au Gaec Guilbert, la simplicité de l’installation surprend : un digesteur de 13 m de diamètre (330 m3) en acier inoxydable, posé sur un radier en béton et un container technique qui loge les deux moteurs (11 et 22 kW), rien de plus. Arrivée sur un camion, l’installation a été montée en quelques jours. La préfosse à lisier à l’extrémité du bâtiment (600 m3) et la fosse à digestat sont enterrées sous une dalle en béton. Avec un substrat 100 % lisier, pas besoin de broyeur, ni de trémie. Un système de pompes automatisées gère l’approvisionnement en substrat et la sortie du digestat. Bien sûr, il est impossible d’introduire des matières solides telles que du fumier. Mais les tontes de pelouse sont assez fines pour passer dans la pompe via la fosse. « Le fumier des génisses est composté et nous assure un retour de matières organiques au sol », précise Arnaud.

Le travail d’astreinte est infime : à peine une demi-heure par jour pour la surveillance et la vidange des deux moteurs tous les dix-huit jours (400 heures).

Une production d’électricité de 3 500 € par mois

Un méthaniseur d’une puissance de 33 kW réclame un approvisionnement de 12 m3 par jour de lisier bovin frais (4 400 m3/an). Aujourd’hui, la ressource de l’exploitation est à peine de 10 m3/jour (3 500 m3/an). L’injection annuelle d’électricité n’atteindra donc pas le potentiel annuel de 252 620 kWh (pour 8 000 heures), soit un chiffre d’affaires théorique de 56 900 €. « Depuis mars, nous tenons une production électrique de 3500 €/mois. La mensualité des prêts est de 2 000 €. De cette marge, il faut déduire les frais de fonctionnement et une provision pour le remplacement des moteurs que j’estime à 10 000 €/an. La rentabilité n’est pas colossale, mais l’unité ne fonctionne qu’aux deux tiers de sa capacité. Il faut noter aussi que nous n’avons perçu aucune subvention de l’Ademe. Avec une aide de 90 000 €, le modèle économique aurait été tout autre. »

Les éleveurs n’ont pas chiffré les économies sur le chauffage de la maison et la consommation d’eau chaude (estimée, elle, à 150 €/mois). Le digestat (épandu par une ETA avec pendillard ou enfouisseur) est apparu cette année très efficace pour la fertilisation des prairies et du maïs. « Cette installation 100 % lisier n’est pas transposable partout. Mais le fonctionnement est simple, peu chronophage et l’investissement modéré. Attention cependant aux aménagements périphériques nécessaires (fosse, etc.) qui peuvent compromettre la rentabilité du projet. »

Dominique Grémy
Des résultats économiques attrayants
Puissance de l’installation 22 kW 33 kW 44 kW
Nombre de vaches 110 150 190
Lisier 3 200 m3 4 400 m3 5 600 m3
Montant de l’investissement 220 000 € 237 000 € 310 000 €
Charges d’exploitation (1) 17 230 € 22 359 € 28 065 €
Vente d’électricité 39 600 € 56 903 € 76 005 €
Temps de retour sur investissement 8 ans 6 ans 5 ans
Trésorerie annuelle sur dix-sept ans 16 324 € 31 638 € 45 925 €
(1) Incluant provisions pour changement des moteurs tous les vingt-quatre mois, assurances et consommables. D’après les données constructeur Biolectric

© D.G. - Digesteur. L’installation de 33 kW est simple : un digesteur de 13 m de diamètre posé sur un radier en béton et un container qui accueille les moteurs et les équipements.D.G.

© D.G. - Fosses. Elles sont sous une dalle en béton. Un système de pompes gère l’approvisionnement en lisier du digesteur et la sortie du digestat, d’où le peu de travail d’astreinte.D.G.

© D.G. - Production. Avec un seul substrat, le lisier, la production est très stable. Mais ici, l’installation ne fonctionne pas à pleine capacité. D.G.

© D.G. - Moteurs. Pour une puissance de 33 kWe, ils sont deux (11 et 22 kWe), vidangés tous les 18 jours et changés tous les deux ans.D.G.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Thomas Pitrel dans sa prairie de ray-grass

« La prairie multi-espèce a étouffé le ray-grass sauvage »

Herbe
Philippe Bernhard à droite et Hervé Massot président et DG d'Alsace Lait

Alsace Lait a besoin de lait pour ses ambitions régionales

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