
Le Gaec du Bois du Guy, entre père et fils, tourne une page en 2019 avec le départ à la retraite de Daniel, pilote de l’atelier lait. Son fils Fabien va s’appuyer sur des salariés fiables et impliqués pour poursuivre le redressement de l’entreprise fragilisée par les prix en berne.
Après quarante années consacrées à l’élevage laitier, Daniel Jeudi s’apprête à prendre sa retraite à la fin de l’année 2019. Il espère partir serein, en laissant son fils, Fabien, comme seul exploitant sur la ferme de 210 hectares et 150 vaches. « À l’installation de Fabien en 2008, nous étions trois associés, raconte Daniel. Le troisième a quitté le métier en 2015, et nous avons dû réorganiser notre façon de travailler. En 2016, nous avons recruté Chantal à mi-temps pour la traite du soir, et nous en sommes très contents. Nous avons aussi eu, pendant deux ans, deux autres personnes correspondant à des mi-temps : un étudiant de BTS en contrat d’apprentissage, et un stagiaire de bac professionnel que nous avons embauché pendant un an après son stage. »
En prévision du départ, à l’été 2018, de ces deux jeunes ayant permis de faire face au travail de façon provisoire, Daniel et Fabien ont formulé plusieurs hypothèses pour les remplacer car l’exploitation a besoin de 3,5 unités de main-d’œuvre pour tourner correctement. Ils se font alors accompagner par leur centre de gestion CERFrance. « Notre première idée était de trouver un vacher aimant les animaux et autonome pour remplacer Daniel à terme dans le pilotage de l’atelier lait, explique Fabien qui se consacre en priorité aux cultures. Nous ne voulions pas de nouvel associé dans un premier temps. Mais un salarié n’étant pas facile à trouver, nous avons aussi envisagé d’arrêter le lait pour élever des cochons bio, et même de cesser complètement l’élevage pour produire des céréales. Mais la deuxième hypothèse impliquait d’apprendre un nouveau métier, et la troisième était inenvisageable au vu des emprunts restant à rembourser, liés à l’investissement dans le bâtiment. » Après la publication d’une offre d’emploi dans des magazines et des écoles d’agriculture, les éleveurs reçoivent trois candidatures dont une seule pourra réellement se concrétiser.
« C’est la personne que nous cherchions, et le poste qu’elle attendait de son côté »
C’est ainsi que Nicolas, âgé de 23 ans et armé d’un bac pro, arrive le 22 octobre 2018 sur l’exploitation. Il est présent du lundi au vendredi, de 6 heures à 13 heures, et un week-end sur quatre. « Il est bon techniquement, connaît les revues spécialisées, s’intéresse à la production et à la génétique. Il est autonome vis-à-vis de l’administratif des animaux et prend des initiatives. C’est le salarié que nous cherchions et, de son côté, c’est le poste qu’il attendait. Donc c’est motivant pour nous tous. Nous sommes conscients que son salaire devra évoluer à l’avenir en lien avec la responsabilité de l’atelier lait. » Dans l’esprit de Fabien, Nicolas est déjà prêt à prendre les rênes de la gestion du planning d’accouplement, et les relations avec le nutritionniste et le vétérinaire. « Ce seront ses responsabilités, même si je continuerai à suivre ce qui se passe dans le troupeau et que nous nous concerterons pour les décisions importantes, comme cela se fait entre associés. »
Le problème de main-d’œuvre des éleveurs semble donc résolu tant que Daniel est présent sur la ferme, mais se posera de nouveau fin 2019. « Nous sommes moins inquiets, avouent le père et le fils. Car nous aurons alors besoin d’un salarié moins qualifié, et nous pensons que ce sera plus facile à trouver. »
« Nous étions trop dépendants des achats d’aliments »
En plus de leurs questionnements quant à l’avenir de l’exploitation en matière de ressources humaines, Fabien et Daniel Jeudi ont été contraints, durant ces trois dernières années, de se consacrer à la rationalisation économique de leur outil de production. Comme de nombreux éleveurs de cette zone mixte anciennement nommée Poitou-Charentes, ils ont subi, après la crise laitière de 2008, la double peine de la baisse des revenus en production laitière et en production céréalière en 2016. Les emprunts réalisés en 2005 pour l’investissement de 700 000 euros dans un nouveau bâtiment ont dû être rééchelonnés.
« Nous étions trop dépendants des achats d’aliments, notamment de concentré protéique, reconnaissent les associés. Cela représentait entre 120 000 et 140 000 euros de dépenses par an et ça ne passait plus financièrement. » Les deux hommes s’inscrivent alors à des formations sur l’autonomie alimentaire : l’un avec la laiterie, l’autre avec la chambre d’agriculture. À l’automne 2016, ils sèment 50 ha de mélange céréales-protéagineux composé d’avoine, blé, féverole, pois fourrager, vesces et trèfles. La culture est ensilée entre fin avril et début mai avec un rendement de 6,5 tonnes de matière sèche à l’hectare. Elle entre à hauteur de 35 kg bruts dans la ration (pour le lot des vaches hautes productrices à 35 litres/jour). « Ce méteil est riche en fibres et en protéines : il contient 14à 16 % dematières azotées totales. Mais il est encombrant dans le rumen. C’est pourquoi nous sommes passés au maïs ensilé en épis afin de concentrer la ration en énergie. »
« Nous économisons des intrants et du temps de travail »
Les vaches au pic de lactation consomment également chaque jour 14 kg de maïs, 8 kg de sorgho, 2 kg d’orge laminé, 2,8 kg de soja et 500 g de luzerne. En introduisant le méteil, les éleveurs ont supprimé 1 kg de soja et 3 kg de maïs grain par vache et par jour, achetés à l’extérieur. La productivité des vaches et les taux du lait élevés n’en ont pas du tout été affectés. Ainsi, l’exercice comptable bouclé le 30 septembre dernier fait apparaître une division par deux des achats de soja : 104 tonnes contre 206 tonnes, soit une économie de près de 35 000 euros. L’un des objectifs pour le prochain exercice est de supprimer aussi les achats de maïs au voisinage, soit environ 20 000 euros. « Nous allons semer 60 ha de maïs en 2019 contre 37 ha en 2018, explique Fabien. Nous venons d’avoir deux étés secs. Donc, en fonction des conditions climatiques de l’année, notre maïs suffira ou il faudra en acheter. Nous prévoyons quand même 20 000 euros dans notre trésorerie pour cette éventualité. »
L’introduction du méteil dans la rotation a obligé les éleveurs à réduire de moitié leurs cultures de vente, désormais limitées à 60 ha. Mais d’après eux, cette perte est largement compensée par les économies alimentaires, ainsi que par celles réalisées sur les intrants avec le mélange céréales-protéagineux, et les bénéfices agronomiques. « Le méteil n’a pas besoin de désherbage et n’exige qu’une trentaine d’unités d’azote. En réduisant l’indice de fréquence de traitement sur cette culture, nous bénéficions aussi d’une aide de 185 €/ha sur cinq ans au titre des mesures agroenvironnementales. De plus, le méteil permet d’implanter à sa suite un maïs ou un sorgho sans labour : cela représente une économie de temps de travail qui faisait aussi partie de nos objectifs. »
« Le lait est mieux payé, mais nous épongeons les années de crise »
La fin de l’année 2018 a montré une amélioration du prix du lait avec 357 €/1 000 litres payés en octobre pour un prix de base de 328 €, mais Fabien compte bien affiner encore son nouveau système fourrager à l’avenir pour continuer à maîtriser les charges de l’exploitation.
« Pour le moment, nous épongeons les années de crise ayant entraîné des retards de remboursement. Nous attendons une bouffée d’oxygène en 2021 avec la baisse des annuités, puis une nouvelle amélioration en 2026. »
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