« La biosécurité est ma ligne de conduite »

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Prévenir. Ex-aide-soignante, Isabelle Lemée applique aux veaux et vaches les règles apprises en santé humaine : protéger d’éventuelles contaminations et hygiène.

La biosécurité est couramment appliquée par les éleveurs de porcs et de volailles. Elle l’est très peu par les éleveurs de bovins. « On considère que ce sont des animaux robustes, ouverts sur l’extérieur », résume Pascal Le Béguec, du GDS de Mayenne. Cette perception est en train de changer.

Le premier signal est envoyé en 2017 et 2018 par les pouvoirs publics qui ont fait de la biosécurité le thème de la visite sanitaire obligatoire.

Les GDS prennent le relais par des modules de formation et de sensibilisation. La crainte de la France de perdre son statut « indemne de tuberculose bovine », la volonté de certains départements ou régions d’éradiquer la BVD, la lutte contre la paratuberculose, etc. incitent à utiliser de nouvelles méthodes de travail. Plus exactement, elles encouragent à aller plus loin dans la prévention des risques sanitaires. On parle de biosécurité, mais on pourrait tout aussi bien parler de bio prévention. « L’objectif est d’éviter l’introduction de germes pathogènes dans l’élevage. Et si l’élevage est contaminé, il faut éviter la propagation entre les animaux et vers les élevages voisins », explique le conseiller technique.

Porter un nouveau regard sur son élevage

Pour y parvenir, la démarche de biosécurité propose de découper l’élevage en trois grandes parties : la protection de l’extérieur (ou bio exclusion), la compartimentation des animaux et l’isolement des malades (biosécurité interne). « Il faut confiner dans un box d’infirmerie l’animal malade le temps qu’il guérisse ou qu’il soit réformé. Si les vaches vêlent dans ce box, il est indispensable qu’il soit curé, nettoyé et désinfecté régulièrement. »

En d’autres termes, cette méthode invite à porter un regard nouveau sur ses pratiques, à formaliser ce qui est déjà fait et à pointer du doigt ce qui pourrait l’être. « Au bout du compte, on gagne sur deux tableaux : la maîtrise sanitaire et l’organisation du travail. »

Trois circuits pour entrer dans la ferme

Isabelle et Jean-Pierre Lemée n’ont pas attendu que les pouvoirs publics sensibilisent sur ce sujet pour penser leur troupeau laitier de cette façon. Leur atelier de volailles – un poulailler fermé de 1200 m² – créé en 1999 à l’installation de Jean-Pierre a imprimé sa marque sur la gestion de l’exploitation.

D’emblée, ce qui saute aux yeux, ce sont les pédiluves posés aux endroits stratégiques et l’entrée dans la ferme par trois circuits : un circuit propre goudronné, un circuit dit « sale » empierré et deux parkings pour les visiteurs si les roues de leur véhicule ne sont pas désinfectées (voir photos). « Le parcage des voitures, la circulation dirigée des camions et la désinfection des bottes préalablement nettoyées des personnes extérieures font partie des règles minimales de la biosécurité », souligne Pascal Le Béguec.

Au-delà de l’activité avicole, chez les Lemée, la biosécurité, c’est un état d’esprit. « Avant mon installation en 2009, j’étais aide-soignante. Je transfère les méthodes de travail apprises en milieu médical à notre exploitation, raconte Isabelle. Je suis un peu maniaque », ajoute-t-elle en plaisantant. Les règles mises en place sont devenues plus sévères il y a quatre ans. « Il a fallu réagir contre la mortalité des veaux qui devenait élevée. »

Le couple a revu son organisation : Isabelle est devenue la seule responsable de l’élevage des veaux jusqu’à leurs trois mois. Traduisez : interdiction pour tout visiteur ou intervenant régulier dans l’élevage d’entrer dans la nurserie des tout-petits et celle des 15 jours à 3 mois. « Et mon mari ne rentre dans la nurserie que pour apporter les nouveau-nés. Quand il le fait, il doit tremper ses bottes dans un pédiluve. De mon côté, je ne vais jamais dans le poulailler. »

Une hygiène méthodique pour chaque tranche d’âge

En plus de la compartimentation des élèves, elle s’impose le principe de marche avant. « Je soigne d’abord les tout jeunes. Je les protège ainsi des problèmes respiratoires ou des diarrhées si les 15 jours à 3 mois en ont. » Il s’accompagne d’une hygiène qu’Isabelle veut stricte : lavage et égouttage quotidiens des seaux, nettoyage et désinfection des cases individuelles sur caillebotis à chaque changement de veau, curage et nettoyage au nettoyeur à haute pression des quatre cases collectives tous les deux mois et demi. « Je fais systématiquement un vide sanitaire de quinze jours en octobre, puis un autre dès qu’il y a un creux au niveau des naissances. » Résultat : depuis trois ans, la mortalité des veaux de 1 mois et moins est quasi nulle selon le GDS.

Cette hygiène stricte ne lui pèse pas. Bien au contraire. « J’estime gagner du temps. D’une part, mes tâches quotidiennes sont organisées dans cette logique. D’autre part, les veaux sont beaucoup moins malades et les vaches ont moins de mammites. » En 2018, quatre laitières ont été réformées après deux mammites. En 2017, c’était deux fois plus.

Des gants à la traite

On l’a compris, les vaches n’échappent pas à cette ligne de conduite. Ainsi, à la traite, entre autres mesures contre la propagation des germes, Isabelle porte des gants. Dans la stabulation, les vaches malades et celles destinées à la réforme sont dans un box d’isolement régulièrement désinfecté. « Le camion d’embarquement pénètre dans le bâtiment une fois ses roues désinfectées. » Les vêlages se déroulent sur l’aire paillée des taries.

Éviter la propagation de germes nécessite parallèlement des actions sur l’ensemble de la ferme. La dératisation trois fois par an via un contrat avec Carré Farago, filiale du GDS 53, en fait partie. En revanche, le couple ne craint pas une contamination par contact avec des animaux extérieurs et les effluents. Les vaches et élèves sont en zéro pâturage.

Claire Hue
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