« Je lutte contre les mammites avec mon vétérinaire »

Article réservé aux abonnés.

(©)

Stratégie. L’objectif de Thierry Bouteiller, éleveur, est d’avoir le moins possible de vaches infectées et de les guérir en utilisant le moins possible de traitements. Après des années de travail avec son vétérinaire, il progresse.

les mammites ont toujours posé des problèmes ici », lance Thierry Bouteiller, éleveur à Ploudaniel (Finistère). Depuis qu’il a pris en charge le troupeau en 1998, il travaille sur le sujet avec son vétérinaire, Philippe Le Page. Une démarche longue qui vise à comprendre l’origine des problèmes pour mieux les résoudre. « Le vétérinaire apporte ses compétences pour établir les diagnostics et me conseiller, précise l’éleveur. Il ne se contente pas de prescrire. »

Depuis 1998, le troupeau s’est agrandi sans achat d’animaux. Les vaches disposent de 20 ares d’herbe par tête. Elles pâturent de mi-mars à mi-novembre mais reçoivent toujours de l’ensilage de maïs. Elles sont en logettes paillées et vêlent toute l’année. Rigoureux et méthodique, Thierry enregistre tous les événements sanitaires. « En 1998, on a eu 140 mammites, 70 % des vaches étaient concernées (voir graphique ci-contre). » Le nombre de traitements par vache s’élevait à deux en moyenne. C’était mieux l’an dernier, avec 80 mammites touchant 36 % des vaches et l’application de 0,7 traitement par tête. Les rechutes sont moins fréquentes. Entre-temps, l’évolution est fluctuante, mais avec une tendance à l’amélioration. Preuve que le combat est payant, mais difficile à gagner. Thierry effectue aussi un suivi mensuel des mammites. Il en voit peu lorsque les vaches sont dehors. La situation est plus problématique en hiver. En revanche, il constate des pics de leucocytes en été. L’élevage est régulièrement pénalisé pour des taux cellulaires trop élevés dans le lait.

Une prédominance des staphylocoques dorés

Pour redresser la situation, le travail avec Philippe Le Page a commencé par l’identification des germes en cause. Il s’agissait principalement de staphylocoques dorés, des bactéries qui vivent dans la mamelle. Ces analyses sont renouvelées tous les deux ou trois ans. On trouve toujours les staphylocoques dorés, et aussi des streptocoques. Cette connaissance permet de cibler les traitements et sert à établir un protocole de soins, révisé tous les ans. Celui-ci propose un traitement de première intention, puis un deuxième en cas d’échec. Si la vache ne guérit toujours pas, Thierry condamne le quartier avec un obturateur. Cela permet de réduire la facture. Au tarissement, l’éleveur ne traite pas le quartier. Rouvrir le sphincter s’avère surtout favorable à une réinfection.

Par ailleurs, puisque les germes en cause se trouvent dans la mamelle, le vétérinaire est venu évaluer les pratiques de traite. La machine à traire est contrôlée tous les ans. Et un contrôle dynamique de l’installation a été réalisé avec le GDS. Ces actions s’imposent pour s’assurer qu’un problème technique n’est pas en cause. La machine était bien réglée et la technique de traite est bonne. La piste de la traite est donc éliminée.

L’observation des courbes de Thierry montre une amélioration au début du suivi. Mais la situation s’est dégradée en 2008. À l’époque, l’éleveur a cherché à produire plus et a gardé des vaches qui auraient dû être réformées. La sanction n’a pas tardé. Les vaches infectées ont contaminé les autres. La réforme apparaît donc comme une clé pour améliorer durablement la situation. Thierry en a pris conscience et c’est la voie qu’il suit actuellement. Les problèmes de mammites et cellules justifiaient 3 % des réformes en 2006, 32 % en 2011 et 54 % en 2015. « Mon vétérinaire m’a alerté sur la nécessité de réformer il y a longtemps. Mais je n’étais pas convaincu. Je voulais produire le quota. »

Pas de troisième chance pour les vaches récidivistes

Choisir les réformes n’est pas toujours simple. Il surveille les taux cellulaires des vaches infectées une première fois pour savoir si le tarissement a permis de les assainir. « Souvent, elles sont saines au début de la lactation. Je décide donc de les remplir, et si les taux cellulaires explosent plus tard, je les garde quand même. Je ne vais pas réformer des gestantes. »

Il a cependant identifié six vaches qui ont eu ce type de parcours. Elles n’ont pas vraiment guéri au tarissement à deux reprises. Thierry ne leur donne pas de troisième chance. Elles partiront cette année. « Quand elles ne seront plus là, je pense que je verrai le bout du tunnel », explique l’éleveur.

Parallèlement, il joue sur la sélection pour améliorer la résistance des animaux. « Les vaches qui ont des index négatifs en cellules sont celles que j’ai décidé de réformer. » Depuis cinq ans, cela est devenu un critère de sélection prioritaire. Aucun mâle négatif n’est retenu. Aujourd’hui, toutes les génisses de renouvellement ont un index positif en cellules. Plus que son vétérinaire, l’éleveur est convaincu que cette sélection contribuera aussi à résoudre le problème.

Réduire l’utilisation des antibiotiques

Pour aller plus loin, et sur suggestion de Philippe Le Page, Thierry est entré dans la démarche RedAB (1) en 2016. Il fait partie d’un petit groupe d’éleveurs qui cherchent à réduire l’usage des antibiotiques en adaptant les traitements sur la base d’une étude épidémiologique du troupeau. « J’ai revu ma stratégie de tarissement. Avant, j’appliquais un traitement intramammaire de manière systématique, et je soignais les vaches infectées avec un antibiotique par voie générale. » Maintenant, les primipares à moins de 100 000 cellules et les multipares à moins de 150 000 n’ont aucun traitement. L’éleveur se contente de poser un obturateur si elles sont en bâtiment. Les autres reçoivent un intramammaire, voire un traitement par voie générale en fonction de leur statut sanitaire. Pour le moment, il est très satisfait de cette conduite. Le bilan sera fait en juin.

Pascale Le Cann

(1) RedAB est un projet conduit par l’Inra avec Idèle, les GTV de Bretagne et Pays de la Loire et le GDS Bretagne dans le cadre du plan Eco Antibio pour diminuer l’usage des antibiotiques.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo

« L’IA ne remplace pas notre métier, elle le facilite »

Monitoring

Tapez un ou plusieurs mots-clés...