Au fond, que nous demande la Commission ? De devenir des producteurs organisés, capables de nous prendre en main. Pourquoi ? Parce qu'une Pac de 1992, négociée sur une volonté clairement exportatrice, avec une baisse des prix payés aux producteurs sensée être compensée par de l'argent public. La Commission veut nous amener sur des restrictions budgétaires européennes…
Martin Van Driel, de la Commission européenne, l'affiche clairement : « Afin de se garantir des prix rémunérateurs, les producteurs doivent apprendre à adapter leurs volumes aux marchés. » Un changement radical de mentalité qui s'apparente à une gageure de taille, pour nous les producteurs. Du raisonnement archaïque sous perfusion européenne : « Je suis le plus fort », nous devons passer à un raisonnement économique : « Nous sommes plus forts ensemble. » Cela ne se fera pas sans unité et discipline. Quel rôle, quel rattachement et quel territoire doit-on donner à ces organisations de producteurs pour espérer avoir un prix rémunérateur ? Dans ce grand chambardement annoncé, nous avons une chance : le modèle suisse, déjà éprouvé, déjà revu et corrigé, et hélas en échec par manque de discipline et d'unité des OP entre elles. Le premier rôle de l'OP doit être la gestion des volumes en adéquation avec les marchés. Immédiatement, cela pose un problème si on la positionne au sein de chaque laiterie. Cette dernière connaît son marché immédiat, mais ne connaît pas ou, en tout cas, ne maîtrise pas la stratégie de production des autres acteurs sur le marché européen… Dans ce qui pourrait s'apparenter à un poker menteur, il peut être tentant de produire à outrance, en se disant que les voisins ne vont pas oser faire de même… Le spectre de 1986, avant que les quotas commencent à porter leurs fruits et les 1,7 Mt de beurre de stock européen de l'époque, devrait nous faire comprendre ce qui peut nous attendre. La filière doit trouver un outil pertinent d'analyses des marchés, au minimum à l'échelon européen, en lien avec les politiques pour la définition de stocks stratégiques. Sans cela, aucune structure ne pourra fonctionner à terme, tant pour les producteurs que pour les transformateurs, fragilisés par des guerres de parts de marché à outrance, dans une spirale de prix à la baisse… Les réflexions focalisées sur le renforcement du pouvoir des producteurs sortent tous azimuts : Office européen du lait pour l'Apli-EMB, OP laiteries et AOP régionales initiées par la FNSEA…
Quel peut être le rôle du syndicalisme dans ce montage d'OP ? Peut-on se permettre de rester sur autant de projets ? Lequel, réellement soucieux du producteur, sera capable de tendre la main vers l'autre pour tenter de bâtir ensemble un seul projet, consensus d'idées et de constats évidents : le marché est européen, les transformateurs ne peuvent pas être seuls décisionnaires des volumes à produire. Seule une maîtrise des volumes garantira des prix rémunérateurs ; l'argent public européen ne sera plus là pour amortir nos excès de production. Je finirai par un appel à nos responsables de tous bords : rangez vos ego, votre attachement à la paternité du projet plutôt qu'à sa réussite, et construisez ensemble le chemin en réponse à la Commission.
SYLVIE L'AMOUR, PRODUCTRICE DE LAIT DANS LE FINISTÈRE
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