
Conduire une exploitation à taille humaine, se caler sur les changements de société, de consommation, du climat, vivre bien de son métier sans le subir. La relève en élevage affiche clairement ses valeurs.
Alors que près de la moitié des éleveurs laitiers devrait avoir quitté le secteur en 2027 du fait du vieillissement des chefs d’exploitation (48 % d’entre eux ont plus de 50 ans, 28 % plus de 55 ans), les flux à l’installation se maintiennent avec environ 2000 nouveaux actifs non salariés par an (dont 1 700 âgés de moins de 40 ans). Une valeur stable depuis dix ans, mais divisée par deux par rapport aux installations des années 1990. « Le déséquilibre démographique est dû à une vague de départs importante et non à une chute des installations », souligne Christophe Perrot, chargé de mission économie et territoire à l’Institut de l’élevage (Idele). La pénurie de main-d’œuvre qui se dessine derrière ces chiffres est accentuée par l’arrêt de la progression de l’emploi salarié depuis 2016 et s’accompagne d’un ralentissement important de la croissance des exploitations restantes depuis 2019. Même en Bretagne, les responsables professionnels s’inquiètent aujourd’hui du risque de recul de la collecte laitière.
Générales dans l’Hexagone, ces évolutions connaissent des variations régionales importantes. « Les concurrences entre activités agricoles, la vocation naturelle des territoires (place et productivité des surfaces en herbe), l’ambiance laitière restent déterminantes pour l’attractivité et la rentabilité du métier de producteur de lait, observent les ingénieurs de l’Institut de l’élevage. De 84 % dans les montagnes de Franche-Comté, où les fromages AOP assurent aux producteurs depuis une quinzaine d’années des prix rémunérateurs, le taux de remplacement des actifs chute à 55 % dans les zones herbagères de Basse-Normandie, à 42 % en Bretagne-Pays de la Loire et à 35 % dans les plaines du Sud-Ouest caractérisées par une déprise laitière ancienne mais persistante. »
Alors que le nombre d’emplois diminue deux fois plus vite dans le secteur laitier que dans l’ensemble de l’agriculture (-2,9 % par an, contre -1,3 %, sur 2010-2020), un profond déséquilibre s’est instauré entre l’offre d’exploitations à reprendre et les demandes. Dans les Répertoires départementaux à l’installation (RDI), la plupart des candidats recherchent des exploitations individuelles, alors que l’essentiel des offres émane de sociétés.
Équilibre entre vie professionnelle et privée
« De nombreux repreneurs, en particulier les personnes non issues du milieu agricole (Nima) qui ont un passé de salarié, veulent porter leurs propres projets et/ou ont peur de se noyer dans un collectif », commente Alizée Chouteau, d’Idele. Même si cette évolution est encore difficilement quantifiable scientifiquement, une tendance à la rupture dans les systèmes et les projets se fait jour. La nouvelle génération est plus sensible à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée ainsi qu’aux conditions de travail (pénibilité). Ce qui peut paraître en contradiction avec certains types d’exploitation mis en avant : installation en individuel, petite taille, avec transformation et vente directe. « On observe aussi une sensibilité plus grande à l’environnement et au respect du bien-être animal, pointe Alizée Chouteau. Ils vont plus vers le bio et les circuits courts, quitte à réduire la taille du troupeau. » Conseiller à la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, Laurent Lefèvre sent chez les jeunes une envie de donner du sens à leur activité d’éleveur. En concordance avec le mouvement de consommation locale, ils s’interrogent sur la façon dont leur lait sera valorisé. « Dans nos régions où il existe aujourd’hui une mosaïque de débouchés et de prix, le choix de la laiterie et de la filière constitue une composante importante du projet d’installation, note le technicien. Certains JA s’informent de la possibilité de changer de laiterie pour s’intégrer dans une filière AOP, bio, ou propriétaire d’une marque portée par une PME, alors que l’important pour la génération d’avant était de décrocher un quota et de le produire. La relation des producteurs et acheteurs de lait évolue. »
Se projeter dans la durabilité du système
Pour Arnaud Frin, d’Eilyps, les installations d’aujourd’hui vont bien au-delà de la surtransposition d’un système de production déjà en place. « Les JA se projettent dans la durabilité de leur système, remarque-t-il. Aujourd’hui, avec une forte pression foncière dans certaines régions et le changement climatique en marche, il faut satisfaire les bilans fourragers de façon différente en faisant attention aux intrants et en étant plus autonomes en protéines. Ils font aussi attention à l’équilibre du travail alors que les ateliers ont beaucoup augmenté mais que la main-d’œuvre diminue. La robotique, la délégation de l’élevage des génisses, l’externalisation de l’alimentation (distributrice en Cuma) ou des travaux culturaux, peuvent être des solutions. Conscients que leur première ressource est l’exploitation, ils tiennent à la positionner au centre du système, et non pas subir ce dernier. »
L’Europe cède sa place à l’Amérique du Sud sur le marché des broutards au Maghreb
Au Gaec Heurtin, l’ensilage de maïs 2025 déçoit avec seulement 9 t/ha
John Deere, Claas, made in France… À Innov-Agri, il pleut aussi des nouveautés
Maïs fourrage : « Un silo mal tassé monte rapidement à 15 % de freinte »
Le marché du lait Spot s’agite avec la rentrée
« Pas d’agriculture sans rentabilité ! », rappelle la FNSEA
Facturation électronique : ce qui va changer pour vous dès 2026
Quelle évolution du prix des terres 2024 en Provence-Alpes-Côte d’Azur ?
La « loi Duplomb » est officiellement promulguée
L’agriculture biologique, marginalisée d’ici 2040 ?