« 700 000 l dès la première année pour sécuriser l'installation »
Aline et Kévin se sont installés en couple à Chailloué (Orne), hors cadre familial, sur une exploitation bovine laitière. Ils recherchaient une structure fonctionnelle pour assurer, tout de suite, une bonne production laitière et limiter les désagréments, comme les investissements non prévus, quitte à mettre un peu plus au départ. Quelques modifications techniques ont permis de « pousser les vaches ». L'accompagnement en amont des cédants les ont aidés à atteindre leurs objectifs.
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Originaire des Yvelines, Aline n'est pas du monde agricole. Attirée depuis toute petite par l'agriculture et les animaux, elle s'inscrit au lycée agricole de Sées dans l'Orne, où elle rencontre Kévin, fils d'éleveurs dans les environs. Après son BTS Acse, le jeune homme est salarié sur l'exploitation des ses parents. Pendant qu'elle préparait son bac STAV production, puis son BTS Acse, la jeune femme envisageait déjà le métier d'éleveur.
Reprise en couple hors cadre familial
« Sans savoir quand ni comment » elle sauterait le pas. Son diplôme en poche, elle est embauchée deux ans comme responsable de troupeau dans une ferme bovine laitière, puis au Contrôle laitier, pour voir autre chose avant et acquérir les connaissances et la pratique terrain qui lui manquent encore après les stages et les remplacement durant ses études, à 90 % en bovins lait pour la traite essentiellement.
Personne ne voulait en stage la petite jeune venant de Paris.
« J'ai vu plein de structures différentes, toutes ces expériences m'ont bien plus appris que les cours », met-elle en avant. Avec son origine citadine et ne connaissant ni la région, ni ce milieu professionnel, elle a eu des difficultés à trouver son premier maître de stage. « Personne ne voulait prendre la petite jeune qui venait de Paris », se souvient-elle. Il fallait qu'elle soit hébergée, ce qui compliquait encore les choses. Elle s'est donc retrouvée chez les parents d'une copine de classe.
Pendant leur période de salariat, Aline et Kévin se marient. À la naissance de sa première fille, la jeune femme a du mal à concilier ses horaires de salariée en lait avec sa nouvelle vie de famille. C'est le déclic qu'elle attendait pour s'installer en élevage. Les futurs éleveurs apprécient de travailler ensemble et décident de reprendre un élevage de vaches laitières hors cadre familial, en couple.
« Nous nous sommes tout de suite projetés »
Là encore, le bouche-à-oreille et le hasard marchent bien. « Un coup de fil et une visite », les futurs installés se sont immédiatement « projetés ». Avant de trouver leur bonheur, ils ont visité cinq structures. Celle-ci cumulait plusieurs avantages : la proximité de la ville de Sées, qu'Aline « aime beaucoup », « pour les besoins personnels et professionnels », complète Kévin, et de l'exploitation des parents de ce dernier et de celle de sa sœur et son beau-frère pour l'entraide, à laquelle s'ajoute un parcellaire groupé : la parcelle la plus éloignée est à 2-3 km.
Quelques changements pour « pousser les vaches »
La structure était en bon état, la maison d'habitation également : « en septembre 2023, nous n'avons eu qu'à poser nos cartons et nos bottes ! Ça tournait en lait avec un minimum de travaux », détaille le couple qui préférait payer un peu plus cher et éviter les mauvaises surprises (il n'y a eu qu'à refaire des silos, par manque de place). Pour sécuriser l'installation, il fallait « des rentrées d'argent tout de suite, donc du lait dans le tank ».
Si les jeunes éleveurs ne souhaitaient pas modifier dans l'immédiat un système fonctionnel depuis 30 ans, ils ont apporté « deux-trois changements techniques pour pousser les vaches », surtout au niveau de l'alimentation, pour « se conformer au projet d'installation et produire la référence laitière de l'étude prévisionnelle, 700 000 l ».
Mettre un peu plus cher et éviter les mauvaises surprises.
Ils distribuent une ration à l'auge, un mélange stocké dans des cellules, ce qui simplifie par la même occasion le travail, et fait gagner 10-15 min à chaque fois. Ils ont aussi remis le Dac en fonctionnement. Côté reproduction, ils ont cessé les vêlages groupés d'août à octobre/novembre pour les étaler sur l'année, et ont réduit d'un an l'âge au premier vêlage pour essayer de tendre vers 2 ans et « limiter le nombre de femelles improductives ». Le but : 70 vaches à la traite en moyenne et « des animaux plus vite rentabilisés ».
Déléguer les cultures et le matériel
Le couple désire se concentrer sur l'élevage, qui assure 95 % de son revenu, et insémine même ses vaches. Alors ils déléguent sur la partie "productions végétales". Ils n'ont pas repris tout le matériel, juste trois tracteurs, une remorque, le bol mélangeur, une faucheuse.
L'andaineur et la bétaillère sont en copropriété avec des voisins ; le déchaumeur, l'épandeur et la tonne à lisier sont en Cuma sans chauffeur et l'ensileuse avec (le couple travaille avec trois Cuma comme ses prédécesseurs).
Se concentrer sur l'élevage qui assure 95 % du revenu.
Les jeunes installés ont choisi d'avoir davantage recours à la prestation de services. « Les cultures ne me passionnent pas alors si j'ai trop de boulot sur l'élevage, j'appelle l'entreprise, confirme-t-il. Je ne vais pas arrêter, en plein chantier cultural, pour aller traire. L'ETA est bien équipée et vu le prix du matériel, et les heures de travail derrière, c'est rentable ! »
« L'entreprise épand également le lisier avec la tonne de la Cuma, poursuit l'exploitant, car je n'ai pas le tracteur pour mettre derrière. » Il s'est séparé du pulvé en copropriété et a juste investi dans une herse rotative. « La fenêtre pour l'utiliser est de plus en plus courte, tout le monde la veut en même temps ! »
Un appui des cédants primordial
Pour atteindre ces objectifs, l'appui des cédants a été primordial. Pour que leurs repreneurs puissent démarrer dans les meilleures conditions possibles, avec une bonne production laitière dès leur arrivée et de la rentabilité rapidement derrière, ils ont rempli un maximum de vaches et en ont même acheté cinq de plus à des voisins. « Ils tenaient à transmettre leur exploitation à des jeunes qui continuent le lait. »
Ils ont rempli un maximum de vaches et en ont acheté cinq de plus.
Le feeling est tout de suite bien passé et ils les ont bien accompagnés tout au long de leur parcours. En particulier lors du stage "création d'entreprise" d'un an, réalisé sur la ferme et financé par France Travail. « Indispensable pour connaître les animaux, les terres, la façon de travailler », estiment les jeunes producteurs.
« Des gens très ouverts. Nous avons eu beaucoup d'échanges. Au bout de six mois, ils nous laissaient prendre les décisions », pour les variétés entre autres des derniers semis avant leur départ. « On pouvait les contacter pour un conseil. Depuis, ils en ont eu envie de revoir leur élevage et on les a accueilli avec plaisir. Si on doit s'absenter, ils nous remplacent volontiers. »
Faire pâturer et transformer
Avec deux ans de recul, Aline et Kévin Lurson ne regrettent pas du tout leur installation en couple en bovins lait, ni les choix qu'ils ont faits. « Notre prévisionnel a été réalisé avant l'inflation avec un prix du lait à 420 €/1 000 l alors qu'il est payé 480 € actuellement, et des veaux mâles de trois semaines vendus 50-60 € contre 200-300 € aujourd'hui. » Une chance, jugent-ils, comme le fait que les vaches aient bien répondu en termes de production laitière aux évolutions mises en place.
Nous avons eu la chance de nous installer avant l'inflation.
Ils avaient déjà déjà découpé des paddocks et installé des abreuvoirs. Mais la zone est très séchante et, en mai, il n'y avait plus d'herbe. « Les prairies permanentes sont vieillissantes, il faudrait resemer, implanter du trèfle. Pour le moment, nous ne pouvons pas nous le permettre financièrement. » Autre projet à plus court terme : réaménager un bâtiment pour les génisses, pour qu'il soit plus fonctionnel et puisse loger la totalité des élèves avec le retour de tout le cheptel sur le site d'exploitation.
Et à plus long terme, d'ici 10-12 ans : transformer et vendre en direct une partie de la production, pour « aller jusqu'au bout du produit ». Une idée qui trotte dans la tête d'Aline depuis ses stages de BTS. Elle en a conscience : « C'est un autre métier, chronophage, qui nécessite d'investir dans un labo et d'embaucher, et qui mérite donc réflexion surtout si le prix du lait reste à un bon niveau. »
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