Confiance. Une trésorerie tendue ne s’accompagne pas forcément d’une dégradation de la relation avec sa banque. Des emprunts souscrits de façon appropriée et payés en temps et en heure sont une garantie de confiance à ses yeux.
Pas de panique ! Souscrire un emprunt à court terme Dailly sur les aides Pac pour financer ses mises en terre ne reflète pas une trésorerie mal en point. Cette délégation de paiement donnée à la banque ou à la coopérative leur offre la garantie d’être remboursées. « Financer l’achat des intrants pour les cultures, voire pour une partie des concentrés, par un emprunt à court terme fait partie de la vie normale d’une exploitation », rassure Philippe Renault, de CERFrance Normandie Ouest. Il est responsable d’une équipe de conseillers dans la Manche. « Depuis sept à huit ans, le Dailly sur les aides Pac est une pratique courante. Le financeur a ainsi l’assurance que le prêt ne soldera pas des factures considérées plus urgentes par l’éleveur. » Et le conseiller de gestion d’ajouter : « On peut certes avoir l’impression de ne plus être maître de ses aides Pac mais, en contrepartie, le banquier sera plus ouvert à la souscription d’un autre court terme si besoin. »
Prendre rendez-vous quand les clignotants s’allument
En revanche, pour Philippe Renault, la souscription d’un autre court terme Dailly, par exemple sur la vente d’un lot de vaches de réforme, est signe d’une situation qui se dégrade. « Si la banque propose un court terme plutôt que l’allongement d’un emprunt à moyen ou long terme (LMT) pour diminuer le montant de l’annuité, c’est qu’elle juge les résultats technico-économiques insuffisants. En le refusant, elle se protège d’une éventuelle procédure judiciaire dans laquelle ellepourrait être mise en cause. Il faut avoir cette stratégie en tête lorsque la trésorerie se dégrade. » Il conseille de jouer cartes sur table avec le banquier. Donner les raisons de ses difficultés (la baisse du prix du lait, celle des livraisons consécutive à un problème sanitaire, etc.), expliquer les décisions et les améliorations envisagées – pourquoi pas en se faisant accompagner de son conseiller – aideront à établir plus facilement des solutions et à conserver la confiance de son banquier. « Celui-ci sera moins compréhensif si le problème est structurel, sans une remise en cause du producteur », poursuit-il.
Deux erreurs courantes à éviter
Rembourser plus rapidement. Certaines erreurs peuvent être évitées. L’une d’entre elles est de rembourser le plus rapidement possible un investissement. Les annuités plus élevées laissent moins de marges de manœuvre. En cas de chute du prix du lait, comme ce fut le cas en 2015 et 2016, elles obligent à demander un court terme. C’est mettre le doigt dans l’engrenage d’une trésorerie tendue.
L’emprunt LMT modulable est une solution pour ne pas tomber dans ce piège. « Quand la conjoncture est bonne, on peut rembourser plus que l’annuité prévue. À l’inverse, quand elle se dégrade, la durée de remboursement peut être allongée. Le producteur paie uniquement les frais financiers sur une période définie avec la banque. C’est envisageable aujourd’hui car les taux d’intérêt sont bas », précise-t-il. Pour accéder à ce type de financement, il faut des résultats technico-économiques au moins dans la moyenne de son groupe de comparaison.
Autofinancer. Une autre erreur est l’autofinancement d’intrants ou d’investissements qui relèvent d’un court terme ou d’un LMT. Cela grignote la marge de sécurité, limite l’épargne et ferme des portes de secours en cas de pépins. « CERFrance Normandie Ouest recommande de dégager une marge de sécurité équivalente à 8-10 % de l’EBE. » C’est le solde après les prélèvements privés et le paiement des annuités. « Dans les structures de 300 000 à 600 000 litres, l’idéal est de le mettre de côté pour constituer progressivement une trésorerie de sérénité d’au moins une annuité. »
Olivier B., polyculteur-éleveur normand, va plus loin. Depuis son installation il y a quinze ans, il cherche à épargner l’équivalent d’un EBE.
Être réglo avec la banque
« Les faibles taux d’intérêt ces dernières années encouragent à souscrire du court terme et placer l’argent, dit-il. Je dispose aujourd’hui de 70 000 € d’épargne. C’est en ma faveur lorsque je renouvelle tous les ans mes emprunts à court terme ou lorsque je restructure un moyen terme, comme ce fut le cas il y a deux ans », explique Olivier B.
Malgré sa trésorerie tendue, il est satisfait des relations qu’il entretient avec ses banques. « Ce sont des partenaires. Je les respecte. Je paie toujours en temps et en heure toutes mes échéances. » « C’est une règle d’or, confirme Philippe Renault. Une autre règle est de ne jamais dépasser l’ouverture de crédit. Toutes les exploitations sont notées sur ces deux critères. Une exploitation qui n’a pas de problème de rentabilité, mais qui ne respecte pas ses engagements, accédera plus difficilement à des financements bancaires. »
Agrandissement : attention à l’effet « cochon »
Des éleveurs choisissent de produire un million de litres et bien plus. Cette évolution oblige à modifier la gestion de l’exploitation. Pour caricaturer, ils rentrent dans une gestion « à la porcine ». « Plus la taille de l’exploitationest importante, plus les bénéfices sont élevés mais les pertes aussi. C’est l’effet multiplicateur bien connu des éleveurs de porcs. » Pour le conseiller de gestion, la nouvelle ligne de conduite s’articule autour de trois piliers.
Le premier pilier : une indispensable maîtrise technico-économique. « L’erreur technique a rapidement des conséquences. »
Le second pilier : financer par un emprunt LMT la capitalisation en cheptel. « Obtenir un financement pour une augmentation de cheptel est plus facile qu’en demander un à la suite d’un autofinancement qui a contribué à détériorer la trésorerie. »Il inclut également dans cette stratégie le financement de l’augmentation des stocks fourragerset, bien sûr, des bâtiments. « Il est tentant d’autofinancer ou souscrire un court terme pour couvrir l’aide à l’investissement que la Région verse après les travaux. Mieux vaut bâtir le projet sans en tenir compte. »
En d’autres termes, il faut être prudent. L’estimation du montant de l’aide ne signifie pas que c’est ce qui sera réellement versé. Il n’est pas évident de remplir toutes les conditions d’accès à la subvention.
L’importance d’une trésorerie de sérénité
Le troisième pilier concerne la marge de sécurité et la trésorerie de sérénité. « Les producteurs ont tendance à conserver les mêmes repères que lorsqu’ils produisaient moitié moins de lait. Or, les incidences d’un problème sanitaire ou d’une baisse du prix du lait sont nettement plus importantes. »
C’est ce que montre l’exemple page précédente. Dans une ferme de 300 000 l, combler 5 000 € de « trou de trésorerie » par des ajustements de conduite est envisageable. Combler 25 000 € dans une ferme de 2 Ml l’est beaucoup moins. « Dans les grands troupeaux, il faut au moins 10 % de marge de sécurité et dégager une trésorerie de sérénité d’au moins 50 €/1 000 litres », insiste Philippe Renault. Et être régulièrement en contact avec son ou ses banquiers, y compris lorsque tout va bien.
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