« Le vêlage à 3 ans colle à notre exploitation très herbagère »

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Prairies. Au Gaec de la Planture, tout tourne autour d’une gestion optimale des prairies permanentes qui constituent 60 % de la SAU. Dans ce contexte, vêler à 36 mois a toute sa pertinence.

La rencontre avec Jean-Marc Zsitko, conseiller à la chambre d’agriculture de Meurthe-et-Moselle, a réorienté à 180° la stratégie de Pascal Garnier. Quand il reprend la ferme familiale en 1997, le jeune installé touche rapidement du doigt l’incohérence du système de production en place : une sous-exploitation notoire des surfaces en herbe obligatoires. À cette période, le Gaec de la Planture, qui doit s’accommoder d’un potentiel de sol limité, s’appuie, pour ses 42 laitières, sur 30 ha de maïs, à côté de 135 ha de prairies permanentes. Les premiers vêlages se font à 30 mois, et un atelier de taurillons complète l’ensemble.

« La suggestion de continuer sur un niveau d’étable modéré, de viser un vêlage des génisses à 36 mois, de produire des bœufs pour coller au potentiel de l’exploitation et mieux valoriser ainsi les surfaces en herbe, m’a interpellé et séduit », se remémore Pascal Garnier. Jean-Marc Zsitko, lui, résume : « Lors de nos discussions, si je les avais incités à augmenter la productivité par vache et à faire du taurillon, ce Gaec serait allé droit dans le mur. »

Au fil de l’eau, la surface en maïs sera ramenée de 30 à 16 ha, au profit de l’herbe. Les prairies permanentes pèsent aujourd’hui 60 % de la SAU, avec un système totalement réfléchi autour de la gestion de l’herbe. Et les résultats technico-économiques ont suivi. Sur l’exercice couvrant la période du 1er avril 2020 au 31 mars 2021, l’exploitation a dégagé un EBE de 113 000 €, soit 37 % du produit total hors salaire. Les annuités étant aujourd’hui réduites à 24 000 € (7 % du produit total), cet EBE a permis des prélèvements privés de 47 000 € pour le couple et de dégager une capacité d’autofinancement de 42 000 €.

80 % des mises bas du 20 août au 20 octobre

Au Gaec de la Planture, les vêlages groupés et le zéro insémination au parc sont devenus la règle. Les mises bas se déroulent à 80 % entre le 20 août et le 20 octobre. L’inséminateur n’est appelé qu’après le 11 novembre. Il y a à cela plusieurs raisons. « Nous avons des bâtiments vides en été comme la stabulation des laitières et la nurserie, justifie Pascal Garnier. On est ainsi plus serein au niveau de la charge de travail pour gérer les récoltes d’herbe et la moisson. Cette conduite permet aussi d’optimiser les places disponibles dans la stabulation, aucune tarie n’étant présente en hiver. »

Au-delà, ce choix colle au souci permanent d’exploitation optimale du potentiel herbager. Quand les laitières sortent, la majorité d’entre elles ont déjà en moyenne 7 mois de lactation derrière elles – idéal à 6 300 kg de lait par vache, afin de tirer profit de la pousse de l’herbe printanière. Dans cette logique, le silo est fermé dès la sortie des animaux et les laitières doivent se satisfaire du seul pâturage. Zéro apport de concentrés, donc. « Ce n’est que lorsque la pousse de l’herbe fait défaut que du foin leur est distribué en libre-service, puis le silo est rouvert », précise l’éleveur.

Depuis sept à huit ans, il s’est converti à la monotraite. Elle est généralement pratiquée du 10 juin au 20 août, date à laquelle le troupeau bascule en ration complète hivernale. Cette dernière se compose à 50 % d’ensilage de maïs et 50 % d’ensilage d’herbe, pour une complémentation moyenne cet hiver de 1 à 1,5 kg de céréales et 2,2 à 2,5 kg de tourteau par VL.

La volonté de conserver du maïs se justifie par son rôle de tête de rotation avec le tournesol. Avec la succession des sécheresses estivales, il constitue aussi un moyen de sécuriser le stock fourrager. Pas question de le supprimer de l’assolement donc.

« Viser des à-coups de croissance pour réussir »

Sur la trentaine de génisses élevées, une bonne vingtaine intègre le troupeau, en vêlant désormais à 36 mois. Les autres sont vendues en amouillantes. « Une génisse qui vêle à 3 ans n’est pas une génisse de 2 ans ratée, insiste le conseiller. C’est une volonté qui s’inscrit dans la logique d’un système, comme ici. » Et Christine Garnier, l’épouse de Pascal, d’ajouter : « L’âge au vêlage, ça se décide dès les six premiers mois de la vie de l’animal. » Dans cette conduite, c’est le phénomène de croissance compensatrice qui garantit la réussite au moment des vêlages. « Pour que ça fonctionne bien, il faut des à-coups de croissance », précise Jean-Marc Zsitko. Au Gaec de la Planture, cela se concrétise par des périodes hivernales où les animaux sont conduits uniquement au foin, sans concentré, pour viser une croissance de seulement 450 g/j. Y succèdent des périodes de pâturage sans complémentation, pour atteindre un 700 g/j.

Les agriculteurs et le conseiller en sont convaincus : « Les animaux avec des croissances ralenties affichent une longévité supérieure à celle des autres. »

Dans les parcelles, génisses et bœufs sont mélangés et répartis par lot en fonction de leur gabarit. Les animaux qui exigent moins de surveillance de par leur âge pâturent les terrains pentus entre la plaine et le plateau de Toul, inaccessibles au tracteur.

« Une phase 0-6 mois tout aussi capitale »

« En vêlage 3 ans, la phase 0-6 mois est tout aussi capitale qu’en vêlage précoce », martèle Christine Garnier. Dans sa nurserie attenante au bâtiment des vaches laitières, elle se démène quotidiennement, avec le plus grand soin. Le pèse colostrum est devenu son outil de prédilection pour sélectionner les colostrum de qualité puis les congeler. « Cela garantit une prise de colostrum rapide par le veau nouveau-né, à hauteur de 2-3 litres, précise l’éleveuse. Ils sont sondés s’ils ne veulent pas ou ne peuvent pas boire. » Du lait en poudre est distribué aux veaux grâce au Dal à partir de 15 jours ; un choix motivé par l’homogénéité et l’éloignement de 80 mètres par rapport à la laiterie. Les veaux sont nourris au foin à volonté et sont complémentés avec du concentré fermier (80 % d’orge aplatie, 18 % de correcteur azoté, 2 % de CMV jeune bovin). Des floconnés sont ajoutés afin d’augmenter l’appétence du mélange, ainsi que 50 à 60 g de chlorure de magnésium. Le sevrage a lieu à deux mois, et les veaux sortent au printemps, juste à côté du bâtiment des vaches laitières. « Pour les avoir sous les yeux et aller les voir tous les jours. » Les jeunes animaux poursuivent leur croissance pendant deux saisons, jusqu’à leur insémination.

Les génisses de 36 mois à vêler sont ramenées du parc toutes les semaines, selon l’avancement de leur gestation. En plus du foin distribué à volonté, elles reçoivent alors un quart de la ration des laitières. « L’état d’engraissement étant bien maîtrisé, nous ne rencontrons pas de complications particulières au vêlage sur ces animaux », insiste le couple d’éleveurs.

Noémie Atzenhoffer

© N. Atzenhoffer - Pâturage.Lorsqu’elles sortent en pâture, les génisses ne nécessitent que très peu de main-d’œuvre, si ce n’est pour les tournées d’eau et la surveillance. N. Atzenhoffer

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Thomas Pitrel dans sa prairie de ray-grass

« La prairie multi-espèce a étouffé le ray-grass sauvage »

Herbe
Philippe Bernhard à droite et Hervé Massot président et DG d'Alsace Lait

Alsace Lait a besoin de lait pour ses ambitions régionales

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