En société, se tester avant de s’associer

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Association. Qu’il s’agisse de remplacer un associé ou de regrouper deux structures, le droit à l’essai apparaît comme une solution pour limiter les déconvenues mais également faciliter la transmission.

Le droit à l’essai, c’est quoi ? C’est la possibilité pour de futurs associés en société de tester leur projet de travail en commun. Concrètement, pendant un an, les exploitants vont pouvoir vérifier leur compatibilité professionnelle et relationnelle avant de s’engager définitivement et de faire de gros investissements. Au bout de la période, ils valident ou non leur projet. Le test peut s’envisager pour l’accueil d’un nouvel associé dans une structure (afin de remplacer un départ à la retraite, par exemple…) mais aussi en cas de regroupement d’exploitations. Un contrat définissant les modalités de mise en œuvre du droit à l’essai est établi entre les parties. Le dispositif prévoit un accompagnement relationnel avec un formateur qualifié.

Attirer des jeunes

L’une des premières motivations est d’apporter de la sérénité dans les collectifs d’agriculteurs. Et notamment de réduire le nombre de sorties d’associés faisant suite à une mésentente dans les Gaec.

« L’autre finalité importante du dispositif est le remplacement des associés dans les Gaec et les sociétés et donc de faciliter le renouvellement des générations », rappelait Gilles Brenon, le président de l’association nationale Gaec et Sociétés (1) à l’occasion de son congrès national fin 2021 à Guingamp (Côtes-d’Armor). Un sujet plus que d’actualité. Aujourd’hui, on sait que 50 % des agriculteurs ont plus de 50 ans. Les associés de sociétés ne font pas exception à la règle. Il y a donc un important potentiel d’installations en sociétés… mais des difficultés à mobiliser les porteurs de projet vers l’installation sociétaire.

La possibilité de revenir sur son choix

Et notamment les Nima (non issu du milieu agricole) qui ne sont pas forcément attirés par le collectif de peur de ne pas y trouver leur place. Il va donc falloir réussir à lever l’appréhension inhérente à l’entreprenariat à plusieurs. Le président en est persuadé : « Le droit à l’essai peut répondre à cette attente. Il est pour nous un moyen de pérenniser l’installation en société. »

« C’est un projet réversible et facultatif sur tous les plans. Pour que le jeune puisse se dire en fin de compte, je me suis trompé. J’ai la possibilité de revenir sur mon choix. Lorsqu’il y a de lourdes sommes d’argent investies, c’est plus difficile de faire marche arrière », ajoute Brigitte Troucellier, secrétaire générale adjointe chez Gaec et Sociétés.

La clé de voûte du droit à l’essai est l’accompagnement humain des futurs associés. Souvent l’échec en Gaec est lié aux relations. « L’objectif est de mener un travail en profondeursur les personnes et le fonctionnement du groupe », explique Agnès Jouin, conseillère relations humaines à la chambre régionale d’agriculture de Bretagne qui a collaboré à une expérimentation sur ce sujet dans la région. En pratique, cet accompagnement est organisé sous forme de rencontres individuelles sur la base de questionnaires puis de réunions collectives entre les futurs associés pour échanger (la vision, les valeurs, l’évolution de l’entreprise, les objectifs professionnels et privés…). Sont mis en avant les sujets de convergence mais aussi les divergences. Ces discussions aboutissent à la mise en place d’un plan d’actions pour l’année à venir avec un suivi sur toute l’année d’essai.

Généraliser le dispositif à tout le territoire

« Qui fait quoi ? Quand ? Comment ? Pour quels objectifs ? Certaines questions agacent, dérangent mais au fil des séances, les participants nous disent qu’elles sont utiles. Elles permettent de cheminer pour mieux se comprendre et définir son projet », souligne la conseillère. Ce travail permet d’aborder aussi des sujets qui ne le seraient pas forcément : la rémunération, le sens du travail… Lorsqu’il s’agit du remplacement d’un associé, celui-ci est aussi convié pour donner sa vision.

Le droit à l’essai est déjà pratiqué depuis plus de trente ans en Haute-Savoie. Une phase d’expérimentation a été initiée depuis 2020 dans plusieurs régions et départements (Bretagne, Tarn, Ain, Haute-Loire, Saône-et-Loire) en s’appuyant sur une note de cadrage du ministère de l’Agriculture du 26 janvier 2021 sur le droit à l’essai dans les Gaec. En Bretagne, le test est également lancé dans le cadre familial. « Malgré l’absence de statut juridique et social, les résultats sont positifs et l’initiative a reçu le soutien de principe des OPA (FNSEA, APCA(1), CCMSA(3)) », indique Gaec et Sociétés.

« L’objectif aujourd’hui est de généraliser le droit à l’essai à l’ensemble des territoires et des candidats, explique Brigitte Troucellier. Il faut donc trouver un statut juridique et social adapté avec toutes les OPA. » Pour les HCF (hors cadre familial), le dispositif du contrat de parrainage existant permet de bénéficier d’un statut (stagiaire de la formation professionnelle) et d’une rémunération sous conditions (via Pôle emploi). En revanche, il n’existe rien pour le candidat s’installant dans le cadre familial (sauf pour l’instant à salarier le jeune à l’essai). L’idée surtout est d’inclure l’aspect relationnel dans les étapes de la préparation sociétaire. Mais qui dit accompagnement dit financement. Le soutien est inexistant pour les installations familiales et très partiel dans le cadre d’un contrat de parrainage (Le Conseil régional de Bretagne finance l’expérimentation). Il va donc falloir former des accompagnateurs. Dans certains départements, l’accompagnement est jugé « sans intérêt ». C’est pourquoi, Gaec et Sociétés souhaite obtenir un cadre national afin de formaliser les engagements entre les futurs associés. « La volonté est d’avoir demain des sociétés saines, viables et vivables », conclut Brigitte Troucellier.

Isabelle Lejas

(1) Association nationale créée par les OPA pour développer l’agriculture de groupe.

(2) Assemblée permanente des chambres d’agriculture.

(3) Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,46 €/kg net =
Vaches, charolaises, R= France 7,23 €/kg net =
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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