« La GTE m’a conforté dans l’idée de cesser les taurillons »

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Spécialisation. L’arrêt d’un atelier a des conséquences en cascade. Claude Bizeul, éleveur, s’est fait aider par Eilyps pour trouver le meilleur moyen de produire plus de lait.

Àl’automne 2020, Claude Bizeul, éleveur à Rannée (Ille-et-Vilaine), s’interroge sur l’évolution de son élevage. Son OP lui a proposé un volume contractuel supplémentaire de 20 000 l qu’il a accepté. Alors que son bâtiment est saturé et qu’il manque parfois de fourrages, il se demande s’il a intérêt à cesser la production de taurillons pour développer le lait.

« Je produisais ma référence de 403 000 l avec un apprenti qui représente 0,7 UTH. Je vendais une dizaine de taurillons issus du troupeau chaque année », explique l’éleveur. Ce système fonctionnait bien. Claude ne pouvait pas augmenter son effectif de laitières au-delà des 57 vaches déjà présentes, faute de place dans le bâtiment. Produire la référence supplémentaire passait donc par une augmentation de la productivité par vache. Elle s’élevait à 7 080 l vendus par vache et par an. L’éleveur cherche à valoriser ses fourrages au mieux et ne souhaitait donc pas produire ce lait à coup de concentrés. Il dispose de 27 ha de prairies et les vaches pâturent, même si la ration inclut toujours du maïs.

Jusque-là, la soudure était parfois difficile en fin d’été. Faute de fourrages, Claude devait rationner ses vaches et supprimer le maïs pendant plusieurs semaines. Le lait produit baissait, les taux aussi et la reproduction se trouvait pénalisée. Produire suffisamment de fourrages semblait donc une bonne option pour livrer davantage de lait. Réduire la surface en blé, 27 ha, offrait une piste. Mais l’éleveur souhaitait maintenir cette culture. « Je mets le blé sur des parcelles éloignées. Le remplacer par du maïs aurait généré des coûts supplémentaires et des pertes de temps du fait du transport. » Claude ne voulait pas non plus développer les cultures dérobées. Il estime qu’elles coûtent cher et pénalisent le maïs qui suit.

L’arrêt de l’atelier d’engraissement des taurillons ouvrait une autre voie pour que la totalité des fourrages servent aux laitières. Les 550 t de MS produites correspondaient à un apport de 7,2 t/UGB dans ce cas, contre 6,5 t avec les taurillons.

« J’ai besoin des chiffres pour décider »

Pour aller plus loin dans sa réflexion, il a sollicité un consultant Eilyps. « Les chiffres m’intéressent, remarque l’éleveur. Je voulais prendre ma décision sur une base solide. » C’est ainsi qu’il a rencontré Mélanie Gautier, consultante en économie-système. Elle lui a proposé la GTE : gestion technico-économique. « Cet outil permet une analyse globale d’une exploitation. Il se base sur le bilan comptable et on peut intégrer les données du contrôle de performances chaque mois pour calculer des indicateurs évolutifs, sans attendre les bilans annuels », précise-t-elle. Il compare les résultats d’un élevage à un groupe choisi en fonction des objectifs de l’éleveur et révèle ainsi des pistes d’amélioration.

L’un des indicateurs phares de la GTE est la marge sur coût alimentaire. Elle est ramenée au volume de lait mais aussi de plus en plus souvent, à la vache. Car si le quota a longtemps été le facteur limitant en élevage, ce n’est plus le cas. Chez Claude, le développement est limité par la capacité du bâtiment et par la disponibilité en fourrages. Les indicateurs calculés par vache sont donc plus pertinents.

L’arrêt des taurillons engendre une baisse de chiffre d’affaires de 12 000 €. Pour parvenir à produire les 20 000 l de lait supplémentaire à effectif constant, Claude doit augmenter la production individuelle de 350 l vendus/vache/an. La comparaison de ses résultats en 2019-2020 avec ceux d’un groupe d’élevages comparables montre que les marges de progrès existent et que ses objectifs sont accessibles.

L’analyse révèle que le transfert des fourrages consommés avant par les taurillons vers le troupeau laitier permet de maintenir le coût alimentaire. Supprimer le déficit énergétique estival conduit à éviter la chute de production et de taux généralement observée à cette époque. Cela doit logiquement améliorer les performances de reproduction. Ces four­rages peuvent aussi servir à finir les vaches de réforme. Le départ des taurillons libère deux cases dans le bâtiment. Elles peuvent accueillir des génisses ou des bœufs. Claude en élevait déjà quatre et pensait augmenter cet effectif en remplacement des taurillons. « Les bœufs valorisent des prairies permanentes. Ils sont conduits avec les génisses et ne rentrent que pour l’hiver. » Ils consomment beaucoup moins de fourrages stockés que les taurillons et exigent moins de travail.

La GTE confirmant les intérêts de son projet, Claude a vendu les derniers taurillons en mars 2021. À l’automne suivant, Mélanie Gautier a refait le point avec lui, sur la base de chiffres arrêtés à fin août 2021. « La tendance était claire avec une hausse du litrage vendu, une amélioration des taux, un maintien du coût de production et au final, une amélioration de la marge sur coût alimentaire et de la rémunération permise », résume-t-elle.

Claude ne regrette pas son choix. Le bilan réalisé en novembre 2021 (voir infographie) montre que la rentabilité a progressé. La hausse de la productivité laitière s’est accompagnée d’une amélioration significative des taux. L’incidence de la qualité et des taux est montée de 24 à 29,8 €/1000 l. Le prix d’équilibre du lait reste inférieur à 340 €/1000 l, ce qui laisse une marge pour investir ou pour rémunérer de la main-d’œuvre. Il dispose de suffisamment de fourrages pour finir ses vaches de réforme. Il apprécie d’avoir plus de temps à consacrer au troupeau laitier. « Quand on se disperse, on est moins performant. Mon apprenti, Pierrick Marquet, est présent trois semaines sur quatre. Son aide est précieuse, notamment durant les périodes­ où les cultures m’accaparent », témoigne Claude Bizeul.

D’autres pistes de progrès sont identifiées

La souplesse gagnée grâce à l’arrêt des taurillons permet aussi à l’élevage de répondre à la possibilité offerte par Lactalis de produire davantage sur la fin de campagne. Il peut repousser quelques réformes car il a assez de fourrages.

La GTE a révélé d’autres pistes de progrès sur lesquelles Claude commence à travailler. En 2021, il a vacciné les vaches pour protéger les veaux. Leur taux de mortalité a baissé de trois points. Il peut encore progresser en déchargeant la nurserie. Claude réfléchit à l’achat de niches individuelles. Il va d’abord réaliser un diagnostic de la nurserie pour voir si d’autres améliorations simples sont possibles. « Je viens de faire des travaux d’isolation et j’ai ajouté deux cheminées d’extraction d’air. Un coût de 200 € qui sera vite rentabilisé. » La GTE chiffre les gains potentiels des améliorations, ce qui permet de calculer un budget.

En 2022, l’objectif est de réduire le mois moyen de lactation pour augmenter la production à coût alimentaire constant. Il s’établit aujourd’hui à 6 et devrait pouvoir être ramené à 5,6. Cela passe par une amélioration des performances de reproduction. La stabilité de la ration nouvellement acquise y contribue. En un an, l’intervalle entre deux vêlages est passé de 405 à 384 jours. Claude a aussi décidé d’investir dans des minéraux spécifiques pour les taries. En parallèle, Claude fait partie d’un groupe d’éleveurs Eilyps pour travailler sur des sujets techniques. « C’est complémentaire de la GTE. On voit que de petites évolutions peuvent se révéler très rentables, c’est motivant », conclut-il.

pascale le cann
Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
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