Délégation. Ancien producteur de lait reconverti dans l’élevage des génisses, Pascal Le Dilavrec livre ses techniques, fort de ses trois ans d’expérience.
Pascal Le Dilavrec, éleveur à Bulat-Pestivien dans les Côtes-d’Armor, a abandonné la production laitière il y a trois ans. « La salle de traite était à bout de souffle, et mon élevage n’était plus aux normes. À 52 ans, je ne voulais pas me lancer dans les lourds investissements qui s’imposaient », raconte l’éleveur. Et puis, même si son exploitation tournait bien, le défi de s’engager dans une autre activité lui plaisait.
Il a choisi de se spécialiser dans l’élevage des génisses laitières pour le compte d’un autre éleveur. Avant d’arrêter de produire du lait, il a fait des tests sur ses propres veaux. « Je voulais voir ce qui fonctionnait le mieux en matière de type de lait, de quantités distribuées, ou encore de rythme des buvées. » C’est donc sur la base de son expérience et aussi en échangeant avec d’autres, que Pascal a établi son protocole d’élevage. Il s’appuie également sur les conseils de BCEL Ouest pour calculer les rations et suivre les croissances.
1. Un bon colostrum, puis un sevrage précoce
Les génisses prêtes à vêler rentrent à l’étable, quelle que soit la saison. Il s’agit à la fois d’en faciliter la surveillance et de les protéger des renards, très nombreux dans la région. Toutes les génisses portent un collier de détection des vêlages (Smart Vel). Pascal veut connaître l’heure du vêlage pour surveiller et pour donner le colostrum dans les six premières heures.
Il a conservé son ancienne salle de traite. Les fraîches vêlées sont donc traites au pot. Si le lait coule avant la mise bas, Pascal les trait tout de suite. « Le premier colostrum est le meilleur », affirme-t-il. Il le garde au bain-marie en attendant la naissance. Ce premier lait est analysé par un réfractomètre afin d’évaluer sa richesse en immunoglobulines. Dès la naissance, chaque veau consomme en une fois 10 % de son poids en colostrum. Un impératif pour lui apporter les anticorps maternels. Il passe ensuite à un régime de lait en poudre au rythme d’un repas par jour. Tous les veaux reçoivent la même quantité, soit 2,5 1/jour (500 g de poudre). Le lait est distribué au milk-bar. Dès le départ, ils ont de l’eau, de la bonne paille, et un aliment premier âge à disposition. Ils commencent à en consommer dans les premiers jours. Les jeunes ont aussi un peu de bentonite (argile) à disposition. Ils la lèchent et cela constitue une sorte de pansement gastrique qui prévient les problèmes digestifs. Quand il fait chaud, l’éleveur fait boire de l’eau tiède aux nouveau-nés. Si le temps est froid et humide, il les réchauffe avec une lampe infrarouge.
Le sevrage intervient quand le veau mange plus de 2 kg d’aliment par jour, soit vers 45 jours. Il a alors consommé 25 à 30 kg d’une poudre de qualité contenant des protéines laitières. Pascal est vigilant aussi sur le mélange qui ne doit pas contenir de grumeaux. Il utilise un mixeur de sa fabrication, monté sur une vieille perceuse. Les tétines doivent être de bonne qualité afin de favoriser la salivation et donc la digestion. Pascal les change aussi souvent que nécessaire.
« Les génisses ont besoin d’une panse développée pour bien valoriser les fourrages. Avec une ration très lactée, c’est la caillette qui profite », justifie l’éleveur. Il vise des veaux non gras, mais au squelette développé au sevrage.
La paille reste à disposition jusqu’au vêlage, y compris au pâturage. Pascal apporte aussi du bon foin à partir de 3-4 mois. La ration se compose alors de paille (1,2 à 2,5 kg selon l’âge), d’ensilage d’herbe (9 à 21 kg), de maïs épi (1,7 à 8 kg) ou de mélange céréalier en grains. Les génisses sortent à l’herbe du printemps à l’automne. Celles qui sont prêtes pour l’insémination reviennent à l’étable. Elles ne repartent que lorsque la gestation est confirmée. L’éleveur n’apporte pas de concentré, même au moment de l’insémination. « La ration mélangée est équilibrée pour peu que l’ensilage d’herbe soit de bonne qualité », explique Pascal. Il utilise systématiquement un conservateur.
2. Faire vêler sur place
Alors que la plupart des éleveurs de génisses renvoient les animaux chez leur propriétaire avant le vêlage, Pascal préfère gérer les naissances. Il y voit de nombreux avantages.
Le jeune veau reste sur l’élevage où il est né. Il ne connaît pas le stress d’être déplacé, ce qui limite les risques sanitaires. Rester dans le microbisme qu’il connaît est également bénéfique. Pascal maîtrise ainsi la distribution du colostrum, qu’il juge capitale pour bien démarrer le veau.
De même, il pense que déplacer la génisse avant le vêlage provoque un stress plus préjudiciable qu’après. Les primipares quittent l’élevage de Pascal le jour du vêlage. Elles ont fait connaissance avec la salle de traite. Lorsqu’elles arrivent chez leur propriétaire, équipé d’un robot de traite, elles s’adaptent généralement rapidement. L’éleveur propriétaire apprécie aussi de ne pas se charger des vêlages des génisses.
3. Un logement propre et confortable
Pascal passe une part importante de son temps au nettoyage. Car pour lui, l’hygiène est un élément essentiel pour favoriser le démarrage d’un veau et garantir sa bonne santé. Les cases individuelles qui accueillent les nouveau-nés durant les deux premières semaines sont lavées et désinfectées avant l’arrivée d’un nouveau pensionnaire. Pascal donne à chaque veau son propre seau pendant cette période. Les cases collectives sont également nettoyées à fond entre deux lots. Elles accueillent cinq ou six veaux. Ce groupe reste identique jusqu’à l’âge de six mois
Très bricoleur, Pascal a aménagé les cases lui-même dans ses anciens bâtiments. Il a prévu de l’espace, pour un meilleur confort. Il a installé un faux plafond amovible dans les cases des plus jeunes pour qu’ils disposent d’un coin plus chaud.
4. Une surveillance rigoureuse
Même si la distribution de la buvée ne se fait qu’une fois par jour, Pascal passe souvent voir ses animaux, surtout les plus jeunes, afin de repérer les éventuels symptômes au plus tôt. Dès que l’un semble en petite forme, il va voir de plus près. En cas de début de diarrhée, il passe au sachet repas. Il effectue systématiquement une analyse pour connaître l’origine du problème : bactérienne, virale ou alimentaire. Le traitement sera choisi en conséquence.
Pour le reste, Pascal adapte la conduite à ses observations. Ainsi, après un été humide, il est particulièrement vigilant et guette le moindre signe de toux. Il analyse les bouses pour voir s’il y a des strongles. La vaccination contre la grippe dépend aussi de la météo. Il a supprimé les traitements anticoccidiens, préférant miser sur l’hygiène du logement. Un vide sanitaire est réalisé tous les ans en été.
Les génisses prêtes pour l’insémination reviennent à l’étable, toujours par lot. « Je veux éviter le stress autant que possible. Je préfère donc laisser les animaux au maximum avec leur groupe. Je trie au bâtiment plutôt qu’au champ, si nécessaire. »
Les génisses sont équipées d’un collier Heatime pour faciliter la détection des chaleurs.
Des croissances adaptées pour un vêlage à 2 ans | |||||
Tour de poitrine (cm) | Âge (mois) | Objectif de tour de poitrine pour un vêlage à 24-27 mois | Écart à l’objectif moyen (mois) | ||
Élevage de Pascal Le Dilavrec | Minimum | Moyenne | Maximum | ||
148 | 9,6 | 140 | 146 | 153 | 0,4 |
146 | 9,2 | 139 | 145 | 151 | 0,3 |
156 | 10 | 142 | 148 | 155 | 2 |
138 | 8,9 | 137 | 143 | 150 | - 1,3 |
188 | 17,4 | 171 | 179 | 186 | 2,3 |
192 | 17,8 | 172 | 180 | 187 | 3 |
182 | 18 | 173 | 181 | 188 | 0,6 |
175 | 17,6 | 172 | 179 | 187 | - 1,1 |
Source : BCEL Ouest |
L’Europe cède sa place à l’Amérique du Sud sur le marché des broutards au Maghreb
Au Gaec Heurtin, l’ensilage de maïs 2025 déçoit avec seulement 9 t/ha
John Deere, Claas, made in France… À Innov-Agri, il pleut aussi des nouveautés
FCO : le Grand Ouest en première ligne
Le biogaz liquéfié, une solution pour les unités de cogénération dans l’impasse
« Pas d’agriculture sans rentabilité ! », rappelle la FNSEA
Quelles implications environnementales de la proposition de l’UE pour la Pac ?
L’Iddri suggère de briser « l’ambivalence » des chambres d’agriculture en matière de transition agroécologique
L’agriculture biologique, marginalisée d’ici 2040 ?
Matériel, charges, prix... Dix agriculteurs parlent machinisme sans tabou