
Amélioration continue. Chacun réalise son travail d’astreinte sans trop se poser de questions. Pourtant, en s’ouvrant à l’appréciation de collègues, on découvre les multiples améliorations possibles, et l’on prend conscience de ce que l’on fait bien.
Le 5 janvier au petit matin, Jean-Paul Hamard est à la traite, presque comme tous les jours. Sauf qu’aujourd’hui, il travaille sous l’œil de trois collègues, éleveurs laitiers comme lui. Les appareils photo flashent, les discussions s’animent. Ce qui n’est pas du goût de certaines jeunes vaches, habituées au calme.
Jean-Paul est membre du Ceta d’Ille-et-Vilaine et participe à une formation sur l’amélioration continue. C’est ce qui lui vaut cette visite. « L’idée se résume en un terme japonais, gemba, qui signifie “aller sur le terrain” », explique Alexandra Lottin, animatrice au Ceta. Les éleveurs s’inscrivant à cette formation suivent d’abord une présentation théorique avant d’observer in situ comment chacun effectue son travail d’astreinte.
La taille des groupes est volontairement faible pour ne pas trop perturber la traite. Les éleveurs ne font pas tous partie du même groupe local. Ici, sur les quatre, seuls deux se connaissaient avant la formation.
L’objectif est d’améliorer son quotidien sur le plan du confort, de la santé et de la sécurité. Il s’agit aussi de gagner du temps, en s’organisant mieux et en étant plus efficace. Ou encore de se libérer la tête. Car une fois qu’on s’est organisé pour écrire ce que l’on a à faire, on n’y pense plus, on peut passer à autre chose.
Une critique positive pour trouver des idées
La formation se termine par une visite d’entreprise. Car la démarche d’amélioration continue (ou lean management) est née dans les usines. Pour les éleveurs qui se lancent, voir la mise en pratique dans l’industrie peut donner des idées. Et cela éveille la curiosité. « Nous sommes aussi des chefs d’entreprise, précise Gilles Chaperon, éleveur. Quand on a des salariés, il faut tout optimiser. Cette formation est très utile pour y parvenir. »
Mais accepter de travailler sous le regard des autres n’a rien d’évident, surtout pour le premier qui accueille. Dominique Frétay, qui a assumé cette position, reconnaît qu’il a ressenti une certaine appréhension avant l’arrivée des autres. Et Marylise, l’épouse de Jean-Paul, refuse que l’on vienne voir comment elle soigne les veaux. « Je sais bien que l’objectif est une critique constructive, mais je ne suis pas à l’aise dans cet exercice », avoue-t-elle.
Jean-Paul, lui, poursuit sa tâche énergiquement, absolument pas perturbé par toutes ces allées et venues. Une personne se prend les pieds dans un tuyau qui traîne, une autre photographie le cahier à spirale divisé en trois où chacun écrit la liste de courses : coop, vétérinaire, et autres. Une bonne idée pour ne rien oublier. Chacun des visiteurs note ce qui l’étonne, ce qui l’interpelle, ce qui lui plaît.
Expliquer son organisation et voir ses failles
Après la traite, alors que le jour glacial se lève, le groupe assiste à l’alimentation des vaches. Une opération rapide ici, car c’est une distributrice en commun qui l’assume. Jean-Paul remet en place les barrières qui délimitaient l’aire d’attente, prise en partie sur la stabulation. Il explique son organisation pour la circulation des animaux. Les questions fusent, les plaisanteries aussi.
La matinée se poursuit en salle pour le debriefing. Les photos sont imprimées et chacun colle sur les siennes des gommettes rouges ou vertes, pour symboliser les points positifs et négatifs qu’il a observés. Les images sont classées dans un tableau par thème : sécurité, travail standard, trucs et astuces, investissements.
On commence par le plus facile, les points positifs. Yann Lebrun, l’un des éleveurs, souligne que tout est à portée de main dans la salle de traite. Plusieurs ont remarqué les supports surélevés par deux parpaings pour préparer les buvées sans se baisser.
Mais il y a aussi des points négatifs : les outils disséminés dans la laiterie, le courant d’air dans la salle de traite, le bruit dans la nursery… Autant de sources potentielles d’inconfort ou de perte de temps. Jean-Paul reconnaît en souriant qu’il a effectué quelques aménagements avant la visite, il n’a pas eu le temps de tout ranger ! Mais il a déjà commencé à tirer profit de ses observations chez les autres.
« Pourquoi n’essores-tu pas les lavettes avant de laver le pis ? Qu’y a-t-il dans ton bidon blanc ? Pourquoi laisses-tu l’accès à l’aire paillée après la traite ? » Jean-Paul explique sa logique. Mais sur certains points, il invoque tout simplement l’habitude. Un clin d’œil aux collègues qui ont été visités avant. Car tous effectuent le travail d’astreinte de façon un peu mécanique, sans se remettre en cause.
Et c’est tout l’intérêt de la démarche : amener chacun à réfléchir sur ses pratiques. Les visiteurs pointent ce qui les surprend, mais ne se posent jamais en donneur de leçon. Ils sont là pour interpeller, pas pour juger. Ce qui ne les empêche pas de livrer leurs idées. Dominique dessine un croquis pour matérialiser un aménagement possible du couloir de retour afin de gagner un peu de surface pour l’aire d’attente. Jean-Paul garde le papier. Il n’y avait jamais pensé mais va y réfléchir avec ses associés.
La matinée se poursuit par la diffusion d’un diaporama. Alexandra montre les astuces qu’elle a relevées sur d’autres fermes. Elle propose aussi à chacun de réaliser un test, histoire de voir s’il se classe chez les créatifs, les organisés… Ils déjeunent tous ensemble. La convivialité est essentielle à la formation.
Les associés du Gaec se retrouvent ensuite avec les animateurs du Ceta. Il s’agit d’élaborer un plan d’actions. Il faut définir et noter les améliorations à apporter, en précisant qui va les faire et quand. Les objectifs fixés doivent être réalistes. Toutes les remarques ne sont pas retenues. Les associés hiérarchisent en fonction de ce qui est le plus important pour eux.
Acquérir le réflexede se remettre en cause
Les idées ne manquent pas. Jean-Paul souligne l’intérêt de cette visite pour l’ouverture et l’interrogation. Mais il reste à trouver les solutions. Par exemple, il faudra réfléchir à un meilleur emplacement pour le Kärcher afin que le tuyau ne représente plus un danger, mais en le gardant à portée de main. Louis-Pierre Ménard, associé du Gaec, imagine une installation fixe dans la laiterie.
Les éleveurs ont pris conscience du fait qu’il n’est pas facile de comprendre comment tout fonctionne chez eux pour une personne extérieure. Entre les bidons non étiquetés ou les robinets dont on ne sait pas lequel donne de l’eau chaude ou froide, beaucoup de choses ne sont connues que des associés. Que se passerait-il si l’élevage accueillait un remplaçant en urgence ? Ces points sont simples à corriger. Il faudra plus de temps pour résoudre le problème des courants d’air en salle de traite. Mais Jean-Paul compte bien avoir réglé la question avant l’hiver prochain.
Cette journée constitue un point de départ. Il appartient aux associés de continuer à s’interroger. C’est dans la durée qu’ils parviendront à adopter tous ces changements, petits ou grands, qui leur permettront d’améliorer leur quotidien.
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