Les tensions entre associés ne sont pas une fatalité

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Communiquer. Travailler avec plaisir et sereinement avec son ou ses associés exige de partager une vision commune et de construire des relations bienveillantes.

Être éleveur ou éleveuse est une aventure technique et économique. Être en association est une aventure humaine, que son ou sa collègue soit un membre de sa famille (conjoint, enfant, frère ou sœur, neveu ou nièce, etc.) ou pas. Qui ne connaît pas un Gaec cassé par mésentente alors que l’exploitation « tourne bien » ?

Une crise économique, la complexité grandissante du métier, ou encore des changements majeurs, comme le passage à la traite robotisée, peuvent fragiliser les individus et raviver les désaccords et petits dysfonctionnements qui étaient tus jusqu’à présent. Par exemple, un front d’attaque pas clean, un retard régulier le matin, le paiement des factures à la seule charge d’un associé.

« Il faut réagir avant que le conflit devienne profond et le désaccord structurel », lance, avec conviction, Isabelle Maillou, consultante en ressources humaines à CERFrance Orne. Elle accompagne depuis plus de dix ans les éleveurs dans leur relation avec leurs associés. « Une vision de l’entreprise et des objectifs divergente, une mauvaise communication sont souvent à l’origine des conflits », observe-t-elle. Son travail d’accompagnement porte sur ces deux dimensions, et autant que possible dès la naissance de l’association.

À quoi faut-il être vigilant ?

L’association en famille bouscule la relation entre parents et enfant ou le Gaec parents-enfant déjà constitué si le gendre ou la belle-fille les rejoint. « L’enjeu est que chacun trouve sa place. L’arrivée de l’enfant ou de son conjoint modifie l’organisation du travail et la prise de décision. Jeunes comme aînés doivent réfléchir à ce qu’ils veulent et ne veulent pas dans cette association. »

Du côté des parents. Leur âge et la confiance envers le jeune sont en jeu. Après deux ou trois décennies d’activité, les parents ont-ils envie de lever le pied en se déchargeant d’une partie du travail ? « La prise de responsabilité peut être alors trop rapide pour le jeune s’il a besoin d’un peu de temps pour gagner en expérience. » À l’inverse craignent-ils des décisions inconsidérées de sa part au motif, selon eux, que les jeunes sont « tout fous » ? « Le jeune sera frustré, ce qui créera des tensions familiales. »

Formuler ses objectifs et ses craintes permet de construire des solutions en trouvant le bon dosage. C’est ce qu’a fait le Gaec de la Trébisière (L’Éleveur laitier de janvier 2021, p.87). Face à la fatigue qu’exprime Stéphane Mesnil après trente-cinq ans d’élevage, le Gaec s’est organisé pour alléger son travail. « S’il y a des tensions, la demande d’accompagnement est souvent formulée par les mères car elles vivent une situation inconfortable entre leur conjoint et leur enfant. Mais les pères sont de plus en plus demandeurs, constate Isabelle Maillou. Ils ne veulent pas que ce qu’ils ont vécu parfois avec leur propre père se reproduise. Les parents souhaitent également que leur enfant ait du temps pour sa vie de famille. C’est nouveau. »

Du côté de l’enfant , l’étude prévisionnelle lui permet de réfléchir aux conditions technico-économiques de son installation, par exemple par des volumes supplémentaires ou la reprise d’une exploitation voisine. Mais s’interroge-t-il suffisamment sur ses motivations profondes ? Répond-il à une injonction des parents, non formulée, de poursuivre l’histoire familiale ? Estime-t-il que l’installation est sa seule alternative, après un parcours scolaire compliqué ? « Si c’est le cas, il peut se demander ce qu’il aurait pu faire à la place. » Ses objectifs personnels et familiaux doivent aussi être pris en considération. S’il aspire à emmener ses enfants à l’école, à être à son domicile à 19 h ou 19 h 30, c’est toute l’organisation du travail que le Gaec doit penser en amont.

Du côté du gendre ou de la belle-fille. Ce questionnement s’applique également au conjoint qui projette de rentrer dans le Gaec parents-enfant. Son arrivée rebat les cartes de la répartition des responsabilités et des tâches. D’où l’importance de sonder ses objectifs et ses attentes. Le conjoint souhaite-t-il exercer le métier à part entière, en participant à l’ensemble des travaux et des décisions ? Ou veut-il bénéficier de la souplesse qu’apporte la proximité du domicile pour un meilleur équilibre familial et professionnel ? « La réponse du Gaec ne sera pas la même. Dans le premier cas, si le conjoint n’a pas de connaissance en élevage et en gestion, il pourra, par exemple, suivre une formation agricole pour monter en compétence. Dans le second, le statut de salarié plutôt que d’associé pourrait être plus approprié », illustre la consultante.

L’association entre deux ou plusieurs personnes sans lien familial n’échappe pas à cette nécessité de clarifier les objectifs. Elle touche la vision que chacun se fait de l’entreprise : la développer, bénéficier d’une meilleure qualité de vie, favoriser l’autonomie alimentaire de l’élevage, etc. Si divergences il y a, elles se traduisent inévitablement dans les choix techniques quotidiens et peuvent aller jusqu’à la séparation, comme ce fut le cas de ce Gaec de deux copains dans la Manche, il y a deux ans. L’un prônait le maïs-ensilage toute l’année, quitte à gaspiller l’herbe pâturée du printemps. L’autre évoluait vers l’autonomie protéique par les prairies.

Comprendre le caractère de l’associé

Définir ses objectifs et connaître ceux de l’associé aide à mieux communiquer. Mais cela ne suffit pas. « On peut avoir la même vision mais ne pas l’exprimer de la même façon », souligne Isabelle Maillou. Prendre conscience de son propre fonctionnement et comprendre la personnalité de son ou sa collègue participent donc aussi à une bonne communication.

Dans ce but, le réseau CERFrance utilise la méthode intitulée Optimisation du potentiel relationnel (société Vakom). À partir de 48 questions, la personnalité de l’individu est dessinée. Quatre grands profils sont proposés, basés sur la motivation : besoin d’être reconnu, besoin d’être aimé, besoin de sécurité et besoin de résultats. « La personne n’est pas forcément tout l’un ou tout l’autre. Selon son histoire, son mode de fonctionnement sera plus ou moins nuancé. » Prendre en compte cette dimension permet d’atténuer les différences. Ainsi, une personne qui fonctionne selon le profil des « résultats » est dans l’amélioration permanente, aime prendre des décisions rapidement. Elle peut être stressante pour les autres. Avec le profil « besoin d’être aimé », qui aspire à la convivialité, elle abordera son projet autour d’un café, par exemple. Avec une personne recherchant la sécurité, qui n’aime pas les changements, elle le présentera étape par étape.

Claire Hue
Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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