
Diagnostic. En évaluant la biodiversité ordinaire des exploitations, l’outil Biotex contribue à faire prendre conscience de la valeur des services environnementaux rendus par l’élevage laitier. Exemple dans cette ferme du Cher.
Après les gaz à effet de serre, le non-OGM, ou le bien-être animal, place à la préservation de la biodiversité. Au cœur de la Champagne berrichonne, le diagnostic Biotex réalisé à la Ferme de Scay, chez Hélène Freger, démontre, s’il le fallait, que l’élevage laitier constitue un véritable réservoir de biodiversité. « Face aux discours anti-élevage, il s’agit de montrer que nos pratiques sont bénéfiques à l’environnement, souligne l’éleveuse. Ainsi, le diagnostic peut être une passerelle pour communiquer de façon pédagogique et restaurer la confiance. » Mis au point par l’Institut de l’élevage à l’initiative du Cniel, Biotex est une méthode d’évaluation de la biodiversité des exploitations. Il n’est pas question de réaliser des inventaires floristiques et faunistiques longs et coûteux. Ce diagnostic repose sur l’évaluation d’indicateurs indirects : il s’agit d’analyser à la fois les infrastructures agroécologiques (IAE) telles que les haies, les mares, les fossés, les lisières de bois – qui offrent des réservoirs de vie aux différentes espèces végétales et animales –, et les pratiques agricoles pouvant favoriser ou altérer la biodiversité. « Les indicateurs retenus sont issus du projet de recherche Indibioqui a démontré leur impactsur la diversité des espèces, indique Vincent Manneville, ingénieur référent biodiversité à l’Idele. L’idée était de concevoir un diagnostic compréhensible par tous, et réalisable en moins d’une demi-journée en ferme. » La première étape du diagnostic porte sur l’évaluation de la mosaïque paysagère formée par la diversité des cultures et par la densité des IAE. Cette mosaïque constitue autant un refuge qu’un garde-manger pour la faune. Elle atténue les effets d’une conduite parfois intensive des cultures fourragères, comme la généralisation de la double culture : à la Ferme de Scay, les éleveurs implantent en septembre pas moins de 50 ha de méteil (avoine, vesce, trèfle incarnat, féverole et radis fourrager) récolté fin avril, avant un maïs irrigué ou une céréale semée directement dans les chaumes. « La cohérence entre l’éthique et l’objectif premier, qui reste de produire, est d’entretenir et d’enrichir mes sols », souligne Hélène. Son exploitation se démarque d’abord de son environnement très céréalier par la diversité des cultures. L’apport de fumier issu de l’aire paillée, où les laitières sont conduites en zéro-pâturage, et l’adoption depuis plus de dix ans des techniques simplifiées de travail du sol assurent l’équilibre du bilan humique, avec un taux de matière organique moyen de 2,5 %. « Avec l’Apad [NDLR : Association de promotion d’une agriculture durable], nous avons mesuré une capacité d’absorption d’eau des sols de 120 mm/heure, grâce à une structure pleine de capillarités également favorables à la vie du sol. Chez notre voisin céréalier, elle était de 20 mm. Cela montre bien que l’arrêt du glyphosate est un non-sens vis-à-vis de la biodiversité ou du bilan carbone. »
Les prairies naturelles : un rôle de régulation écologique
Ces résultats confirment que les apports d’effluents d’élevage, l’intégration de prairies temporaires dans des rotations longues et une réduction du travail du sol participent à l’augmentation de sa teneur en matière organique. Elles favorisent aussi celle de la microfaune nécessaire à l’absorption des éléments nutritifs et de l’eau. Cette biodiversité des sols représente plus de 25 % des espèces. « Les systèmes laitiers se démarquent sur ce point », souligne Vincent Manneville.
Ici, dans un environnement où la céréalisation a fait des dégâts, un bloc de 38 ha de prairies naturelles, qui n’ont pas été labourées depuis quarante ans, constitue une véritable zone de régulation écologique. L’éleveuse y alterne la fauche et la pâture des vaches taries et des génisses sur le principe du pâturage tournant, dans des parcelles de sept jours.
Le broyage annuel des haies remis en cause
« Lorsqu’elle est gérée de façon peu intensive, la prairie naturelle est source de biodiversité. Elle assure la recolonisation de milieux soumis à la pression des cultures annuelles. Sur ces parcelles non resemables, il peut y avoir un intérêt à conserver des pratiques plus extensives afin de préserver la richesse floristique de la prairie, avec des espèces plus résistantes que le ray-grass. Mais une conduite intensive de la prairie pourra aussi être compensée en amont par l’entretien d’un système bocager très favorable à la régulation des espèces. Tous les critères retenus sont interdépendants. C’est l’approche globale de l’exploitation qui détermine sa capacité à préserver la biodiversité ordinaire. » Chez Hélène, les 5 km de haies buissonnantes constituent un habitat pour de nombreuses espèces, même si la partie céréalière de l’exploitation altère un peu son score. Cependant, le broyage ras annuel de ces haies est une pratique jugée défavorable. « Mi-août, on y retrouve des nids, des baies, de la vie, observe Hélène. J’ai pris conscience que le broyage annuel coûte cher et n’est finalement pas très judicieux. » Pour l’ingénieur, l’éleveuse s’y retrouvera en laissant les haies prendre du volume, « car elles sont un véritable corridor écologique pour la faune auxiliaire, comme les espèces pollinisatrices ou les chauves-souris, prédatrices des insectes piqueurs ».
Les retenues d’eau de la ferme dédiées à la pisciculture et à l’irrigation offrent également un refuge où abondent les oiseaux (martins-pêcheurs, cormorans…). Hélène a par ailleurs planté 1,7 ha d’arbres truffiers. Avec sa laiterie, Triballat Rians, elle participe à une réflexion sur la plantation de haies et la généralisation de ce type de diagnostic. Sur sa ferme, l’idée de réintroduire une part de pâturage pour les laitières fait son chemin. « À travers des retours économiques indirects, la biodiversité est compatible avec la nécessité de produire et peut aider notre laiterie à mieux communiquer. Mais si l’on veut que l’élevage réponde à tous les “fantasmes écologiques”, il faudra prévoir des compensations financières. »
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