Les systèmes autonomes plus rentables dans la durée

Article réservé aux abonnés.

Étude. En comparaison des fermes laitières spécialisées du Grand Ouest, les éleveurs herbagers dégagent plus de revenu par actif avec une production inférieure, des risques moindres et un impact limité sur l’environnement.

Les avantages des systèmes herbagers­ sont bien connus, notamment en matière de coût alimentaire. Mais l’étude réalisée par l’observatoire technico-économique des réseaux Civam interpelle quant à leur rentabilité nettement­ supérieure dans la durée. Elle repose sur la comparaison des résultats économiques de ce type d’élevages avec un échantillon du Rica, représentatif des exploitations laitières du Grand Ouest sur la dernière décennie (2008-2017).

En dix ans, la filière a vécu deux crises, la fin des quotas laitiers, et des saisons climatiques diverses. Cette étude montre bien la capacité des herbagers à résister dans toutes les situations. Rappelons que les élevages du réseau Civam se caractérisent par des systèmes de production économes et autonomes, qui reposent sur la valorisation de la ressource fourragère par le pâturage. Ils recherchent la création de richesses plus que le volume de lait vendu. Leur effectif est calé sur ce que la terre peut fournir et pas sur un droit à produire.

Le pâturage, clé de la réduction des charges

Ces fermes produisent moins de lait par actif mais cela est plus que compensé par la faiblesse des charges. D’où un résultat courant par actif plus élevé de 30 % en moyenne. Pour 100 € de produit, les exploitations en agriculture durable conservent 10 € de richesse en plus. En moyenne, sur les fermes du Rica, le produit supplémentaire est consommé par les charges liées à la production.

Les prairies associant des graminées et des légumineuses captent l’azote de l’air et produisent un fourrage équilibré, majoritairement valorisé par le pâturage. Cette production fait appel à des processus biologiques qui ne coûtent rien. La conduite des prairies augmente leur durée de vie et limite donc les retournements coûteux. La conservation des talus et des arbres limite l’évapotranspiration et restitue des éléments minéraux profonds.

Cela se traduit par une réduction des intrants (engrais, concentrés) et des travaux (récolte, stockage, distribution, épandage). « Les prairies et le pâturage se trouvent au cœur de l’efficacité des fermes en agriculture durable », explique Pauline Rio, animatrice en agriculture durable à la FD Civam de Loire-Atlantique.

Ainsi, le coût alimentaire, poste de charge important en élevage laitier, passe de 133 €/1 000 l pour les élevages du Rica, à 78 € pour ceux des Civam, soit un écart de 55 €. Sur 2017, le coût de la mécanisation s’élève à 556 €/ha chez les herbagers, contre 861 pour les autres. Il a progressé de 19 % sur la période pour les premiers, contre 29 % pour les éleveurs du Rica. Dans le détail, on constate que sur la décennie, les herbagers dégagent chaque année un résultat courant par actif supérieur ou égal à celui des éleveurs du Rica. Ils subissent une variabilité interannuelle moins marquée. Ce résultat courant a ainsi varié de 16 000 €/UTH, en 2016, à 31 000 € en 2008.

Dans le même temps, les éleveurs du Rica enregistrent des variations plus fortes, directement liées à celles du prix du lait. Chez eux, le revenu moyen par actif va de 9 000 €, en 2009, à 30 000 € en 2011. Avec la crise de 2015-2016, 27 % des éleveurs du Rica ont vu leur résultat tomber en dessous de zéro, contre 4 % de ceux des Civam. L’année 2017 est la seule où les deux groupes parviennent à des résultats similaires (25 000 €/UTH).

Cette volatilité des revenus des systèmes basés sur le volume de lait les rend plus vulnérables. Le niveau de risque élevé accroît aussi la charge psychologique qui pèse sur les éleveurs. Des fermes disparaissent, ou ne sont pas reprises.

Depuis dix ans, tous les élevages se sont agrandis

Durant cette période, les fermes des deux groupes se sont agrandies. Ramenée à l’actif, cette croissance s’élève à 6 ha, 8 UGB, 39 000 l de lait et 45 000 € de capital chez les herbagers. Ces chiffres se montent à 9 ha, 9 UGB, 56 000 l de lait et 20 000 € de capital dans le réseau Rica. Les annuités par actif ont davantage augmenté chez les éleveurs du Civam (+ 9 600 €, contre + 7 100 €). Cette tendance interpelle. Si cette dynamique se poursuit, les herbagers pourront-ils maintenir leur stratégie autonome et économe ? Sur la période, les voyants restent au vert. Les herbagers ont réduit leurs achats de concentrés et leur coût alimentaire.

Au-delà des revenus, d’autres différences apparaissent dans la comparaison entre les deux groupes. Les fermes du réseau Civam possèdent moins de capital par actif mais l’efficacité­ de ce capital est supérieure. Pour 100 000 € de capital, les herbagers dégagent 6 000 € de plus pour se rémunérer ou se désendetter. Cela rend leurs fermes plus attractives et plus faciles à transmettre.

L’autonomie des fermes du Civam réduit fortement leur utilisation de surfaces extérieures pour nourrir leurs animaux. En moyenne, il faut compter 1,2 ha de soja importé pour complémenter 1 ha de maïs. Avec plus de prairies dans la SAU, les herbagers utilisent moins d’engrais minéraux et de produits phytosanitaires. Beaucoup ont maintenu ou implanté des haies. 50 % d’entre eux ont signé une Maec (mesure agro­environnementale et climatique), contre 9 % des exploitations du Rica. Ces systèmes sont donc plus respectueux de l’environnement et de la biodiversité. Le montant des aides qu’ils perçoivent est comparable à celui du groupe du Rica. Mais la part émanant du second pilier est plus importante. Ces agriculteurs s’engagent dans des pratiques environnementales correspondant aux attentes de la société, ils sont donc mieux armés pour répondre aux demandes actuelles. De plus, ils mobilisent moins de moyens de production par actif, notamment en surface, et contribuent donc à maintenir le tissu humain dans les territoires.

Pascale Le Cann

© P. Le Cann - Pâturage.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
journée technique sur la tuberculose bovine

La tuberculose bovine fait frémir les éleveurs bas-normands

Maladies
Thomas Pitrel dans sa prairie de ray-grass

« La prairie multi-espèce a étouffé le ray-grass sauvage »

Herbe

Tapez un ou plusieurs mots-clés...