« Produire économiquement 500 000 litres de lait »

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Vincent (à gauche) s’est installé en 2013, au départ à la retraite de sa mère (reprise de 49 % des parts de l’EARL). Il ne travaille qu’à mi-temps sur l’exploitation. Père de quatre enfants, il a souhaité conserver une activité extérieure à CERFrance (prospection des commerçants et artisans). Benoit a repris 50 % des parts sociales de l’EARL familiale en 2008. Celle-ci avait été créée six ans plus tôt par son père. Marié, Benoit a deux enfants.Cédric Faimali
Vincent (à gauche) s’est installé en 2013, au départ à la retraite de sa mère (reprise de 49 % des parts de l’EARL). Il ne travaille qu’à mi-temps sur l’exploitation. Père de quatre enfants, il a souhaité conserver une activité extérieure à CERFrance (prospection des commerçants et artisans). Benoit a repris 50 % des parts sociales de l’EARL familiale en 2008. Celle-ci avait été créée six ans plus tôt par son père. Marié, Benoit a deux enfants.Cédric Faimali (©Cédric Faimali)

En Haute-Marne, les frères Dechaux ont opté pour l’intensification­ fourragère avec les mélanges suisses, les couverts riches en légumineuses et pour la maîtrise­ de leurs charges.

Sur le plateau du Barrois, dans le nord de la Haute-Marne, les terres argilo-calcaires sont plutôt dédiées aux cultures. Atypiques dans ce contexte céréalier, et à la tête d’une petite structure pour la région, Benoit et Vincent Dechaux ont choisi de produire économiquement 500 000 litres de lait sur 80 ha (+ 10 ha de foin récolté chez un voisin). Le doublement des volumes de lait opéré depuis 2008 s’est fait grâce à une intensification fourragère, à l’introduction de prairies temporaires en mélange suisse et à l’implantation d’intercultures. Depuis dix ans, toutes les terres labourables (63 ha) sont retournées. Les cultures (maïs, méteil, intercultures ainsi qu’un quart des céréales(1)) sont autoconsommées par l’atelier lait.

Les prairies temporaires, initialement des RGA-trèfle blanc, sont désormais semées avec des mélanges suisses. Deux types sont utilisés. Le premier, plutôt adapté à la pâture, se compose d’une dominante graminées (28 % de pâturin des prés, 24 % de ray-grass anglais, 17 % de fétuque élevée, 14 % de dactyle, le reste en trèfles blanc et violet). Le second, davantage destiné aux stocks, est à base de luzerne (40 %), de fétuque des prés (31 %), de dactyle, de fléole­ et de trèfle violet.

« Les couverts enrichissent le sol »

Des intercultures riches en légumineuses sont introduites derrière un blé et avant un maïs. Une quinzaine d’hectares sont implantés, chaque année, en semis direct après moisson et apport de fumier (tous les deux ans sur les parcelles à proximité du bâtiment). Les couverts, proches des bâtiments, sont pâturés au fil en fin d’été et en automne ce qui permet de fermer le silo de maïs à cette époque. Les surfaces éloignées (11 ha cette année) sont enrubannées (2,5 à 3 t de MS par hectare) ou utilisées en engrais verts si les récoltes de fourrages ont été suffisantes. Initialement à base de moutarde, les couverts mis en place dans le cadre de la directive nitrates ont été diversifiés avec de l’avoine, du pois, de la vesce, des radis (deux variétés différentes), de la féverole, du sarrazin. Jusqu’à treize espèces différentes !

Benoit a mis en place le non-labour sur l’ensemble de l’exploitation : « Agronomiquement, les couverts ont un autre atout : ils enrichissent le sol. » Le coût des couverts hors main-d’œuvre est chiffré à 80 €/ha, dont 40 € de semences et 40 € de matériel. À l’automne, un essai de méteil constitué de féverole d’hiver, de pois d’hiver, de vesce et de triticale a été réalisé sur 4 ha pour être récolté au printemps. « On sème pour espérer faire du fourrage. Ce n’est jamais gagné d’avance. C’est pourquoi nous préférons diversifier les sources avec des productions de printemps et d’automne, d’herbe et de maïs. »

« En septembre, l e coût alimentaire s’est élevé à 55 € les 1 000 litres »

Les années où les conditions de pâturage sont favorables, le silo peut être fermé entre un à trois mois au printemps comme à l’automne, ce qui réduit le coût de la ration. Cela a été le cas en 2017. « En septembre, avec les couverts, 2 kg de foin et sans maïs, le coût alimentaire s’est élevé à 55 € les 1 000 litres, note Vincent Dechaux. En 2014, avec 3 ha de couverts pour 60 vaches, nous avons produit pendant un mois 27 à 28 litres de lait par vache, avec 2 kg de blé et 2 kg de maïs grain sec broyé acheté pour complémenter la ration plus riche en azote qu’en énergie. »

En dehors de ces périodes propices à la pousse, une base de maïs ensilage (4 à 5 kg de MS par vache) associé à 1 à 2 kg de foin ou de l’enrubannage est maintenue.

« Notre priorité est d’avoir une bonne marge brute »

Sur l’exploitation, toutes les modifications de pratiques se font dans le cadre d’une réflexion économique. « Notre priorité est d’avoir une bonne marge brute, quitte à lâcher par moments sur le volume, expliquent les associés. Notre objectif est de produire le maximum de lait avec le minimum de concentré (132 g/litre ou 33 € aux 1 000 litres) en saturant la capacité de notre stabulation (58 places à l’auge). » Quand l’espace est un peu juste, les éleveurs anticipent d’un mois maximum les tarissements sur les vaches qui produisent moins de 18 litres de lait par jour pour laisser la place aux fraîches vêlées.

La moitié des vêlages sont effectués entre mars et juin de façon à produire du lait à l’herbe. « On ne cherche pas des vaches à 38 litres, bien que les meilleures puissent avoir plus de 45 litres au pic de lactation ! Depuis que l’on pratique le croisement trois voies, on ne réforme plus les laitières sur leur quantité de lait, mais sur les recettes journalières, en regardant le niveau des taux rémunérateurs (2,50 € par g de TB, 6 € par g de TP). Ce qui paie, c’est la qualité du lait et le faible coût de production au pâturage », déclare Vincent Dechaux.

La recherche d’économie vaut aussi sur les charges d’élevage. Roi du tableur Excel, Vincent s’est fixé un coût moyen d’IA à ne pas dépasser (7 €/1 000 litres). Le coût de chaque insémination, variable selon le taureau utilisé, est enregistré en tenant compte du nombre d’IA fécondantes.

La maîtrise des coûts est réalisée sans prendre le risque de casser le potentiel des vaches. « Nous voulons rester sur une moyenne laitière correcte et faire le droit à produire, précisent les frères Dechaux. Notre objectif économique est de 8 000 litres. On y est à peine. Avec le maïs moyen 2016 à 0,88 UFLpar kg de MS, on a produit 500 litres par vache en moins. Par ailleurs, le potentiel génétique de nos laitières a du mal à s’exprimer. On soupçonne un problème parasitaire, causé par la douve du chevreuil. Compte tenu des difficultés d’emploi du Zanil, nous testons l’hydrolat de thym produit par l’épouse de Vincent. »

Malgré leur niveau de formation (ingénieur agricole pour Vincent, BTS pour Benoit) et la richesse de leur parcours, les frères Dechaux ont souhaité conserver les services du contrôle élevage, précieux pour l’échange et le regard extérieur.

« Pas question d’investir 80 000 € dans une nouvelle salle de traite »

Les deux frères sont restés raisonnables dans leurs investissements. La stabulation construite par les parents, en 1976, était fonctionnelle. Transformée en logettes au milieu des années 1980 avec un racleur électrique toujours en service, elle a été aménagée en 2008 pour apporter davantage de confort aux animaux : redimensionnement des logettes, pose de cornadis, d’abreuvoirs et d’une brosse. Les 15 000 € de dépenses ont été couverts à 40 % par des aides de la Région.

La salle de traite d’origine, une 2 x 4 n’a pas été modifiée à l’exception du décrochage automatique. « Il n’est pas question d’investir 80 000 € dans une nouvelle salle de traite. Par contre, à moins de 10 000 €, on pourrait ajouter deux postes en faisant un peu de maçonnerie et en modifiant la sortie de salle de traite. »

Pour l’instant, la traite n’est pas vécue comme une astreinte. Entre les associés, les parents, les enfants (dont certains sont passionnés pour l’élevage), il y a suffisamment de candidats pour l’assurer dans les conditions actuelles. Un atout que beaucoup d’exploitations n’ont pas !

Les éleveurs ne flambent pas non plus sur le matériel. Ils n’ont pas de mélangeuse. Ils se contentent d’une simple désileuse autoportée et d’une dérouleuse pailleuse achetées en 2002. L’an passé, un Dac d’occasion a été installé. Le silo de concentré a été posé par les éleveurs. Le coût total s’est élevé à 6 000 € (avec les barrières mobiles qui ferment les deux stalles et assurent la tranquillité des animaux). Les outils de travail du sol sont utilisés majoritairement en Cuma avec un tracteur de 160 ch (40 heures par an). C’est une chance d’avoir cette possibilité dans le secteur. L’enrubannage des couverts et de l’herbe est réalisé respectivement par l’EARL et par la Cuma.

Un revenu de 27 485 € par UMO exploitant

Grâce à ce système maîtrisé et économe, Benoit et Vincent parviennent à dégager des résultats satisfaisants. Sur l’exercice 2016-2017, le revenu disponible par UMO exploitant s’est élevé à 27 485 €, une belle performance pour une petite exploitation. Il était du même niveau l’année précédente.

Sereins, les éleveurs se félicitent de ne pas être pas dans un système sous pression. « Avec des annuités représentant 11-12 % de notre produit brut, notre endettement est limité. C’est le fruit de la transmission progressive de l’exploitation familiale et des choix faits par nos parents. Notre père ne voulait pas entendre parler d’optimisation fiscale. Il préférait payer de la MSA. Il n’a pas capitalisé à outrance en fin de carrière. Du côté du travail, les coups de bourre sont ponctuels. Chacun d’entre nous prend deux semaines de vacances par an, en été et en hiver, et nous consacrons une semaine au bois, ce qui permet de chauffer économiquement nos maisons. Le temps disponible et le salaire extérieur de Vincent (qui a choisi de garder un mi-temps au CERFrance, là où il a été salarié avant de s’installer) nous permettent de réfléchir plus librement. »

(1) 25 à 35 t sur les 120 t produites.

© Cédric Faimali - Stabulation. Construite en 1976 à la sortie du village, elle est longtemps restée à moitié remplie à cause des quotas en 1984. L’objectif des éleveurs est de la saturer. Avec 500 000 litres en 2016-2017, ils y sont presque. Par moments, le bâtiment est un peu juste. Les éleveurs anticipent alors les tarissements d’un mois maximum si les vaches ont moins de 18 litres, pour laisser la place aux fraîches velées.Cédric Faimali

© Cédric FAIMALI - Ration. Les couverts riches en légumineuses sont paturés ou enrubannés pour être intégrés à la ration.Cédric FAIMALI

© a.b. - Pâturage. La prairie temporaire, mélange suisse semé en août dernier et qui comporte des repousses de pois, est appréciée des laitières. Dans le cadre du GIEE, les éleveurs travaillent sur les espèces d’herbe et un pâturage tournant a été mis en place en 2016 (dix parcelles). Les éleveurs pratiquent depuis neuf ans le croisement trois voies (prim’holstein, montbéliard et rouge suédois) sur la moitié du troupeau pour améliorer la locomotion, la facilité de vêlage, les taux cellulaires et la longévité des vaches.a.b.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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