
Contamination. Les excrétions dans les bouses disséminent les salmonelles dans l’élevage. Couplées à la prévention, la vaccination et des levures dans la ration semblent prometteuses pour réduire la contamination, voire assainir la situation.
Depuis 2012, les dépistages réalisés par les groupements de défense sanitaire normands sur les veaux avortés et les diarrhées des veaux mettent en évidence l’émergence de deux sérotypes de la bactérie Salmonella enterica(lire l’encadré) : Salmonella Mbandaka etSalmonella Montevideo. « Ils ont peu d’impacts cliniques. Leur expression est généralement subclinique : une diarrhée, accompagnée, chez la vache laitière, d’une baisse de sa production. C’est plutôt le sérotype Salmonella Dublin qui provoque des avortements chez les bovins », indique Arnaud Delafosse, le directeur du GDS de l’Orne. Les salmonelles se multiplient dans le système digestif de l’animal, qui les dissémine dans l’environnement par excrétion dans les bouses. « Il est difficile de s’en débarrasser car l’animal peut rester porteur pendant plusieurs mois. »
Face au risque de contamination alimentaire et au coût lié au déclassement du lait si ses analyses se révèlent positives, la filière normande des fromages AOP au lait cru s’est saisie du problème. Jusqu’à présent, l’un des principaux moyens de lutte des éleveurs, en lait cru ou pas, est une hygiène de traite stricte. L’inconvénient de cette stratégie est qu’elle réduit aussi la population des « bonnes » bactéries, utile en fabrication fromagère. Leur présence participe à la lutte contre les germes pathogènes.
L’idéal est de travailler en amont de la traite, en diminuant le réservoir des bactéries pathogènes et, dans notre cas, celui des salmonelles.
Trente élevages suivis durant un an
C’est le fil conducteur de l’étude que les GDS normands ont menée durant toute l’année 2016. Ils ont suivi dans trente élevages l’impact de deux alternatives aux antibiotiques en appellation d’origine protégée régulièrement confrontés aux salmonelloses : la vaccination et l’utilisation de probiotiques. « Il n’existe pas d’antibiotiques efficaces. L’excrétion de salmonelles par l’animal baisse durant le traitement mais, dès qu’on l’arrête, elle reprend. Un sérotype, Salmonella Typhimurium, est même résistant à quatre antibiotiques. »
Vaccination collective. Connu contre S. Typhimurium et S. Dublin, le vaccin Salmopast (quasi le seul commercialisé sur le marché français) est injecté deux fois à quatre semaines d’intervalle dans dix élevages sur les génisses de 12 mois et plus et sur les vaches laitières. « Son application a un double objectif : connaître son efficacité contre S. Mbandakaet S. Montevideo et regarder si une vaccination collective limite les excrétions dans les bouses et la recontamination des animaux. » Actuellement, il est utilisé en vaccination thérapeutique dans les élevages infectés.
Renforcer la barrière intestinale . Dans dix autres élevages, le recours à un mélange de levures probiotiques (5 g/animal/jour de Saccharomyces cerevisiae) et de fractions de levures (10 g) vise, lui, à stimuler l’immunité des animaux. Des travaux sur les veaux montrent, par exemple, que Saccharomyces cerevisiae renforce la fonction protectrice de la barrière intestinale. L’excrétion de salmonelles dans les bouses s’en trouve réduite.
Mesures sanitaires indispensables. Il ne sert à rien de vacciner ou d’utiliser des levures si cela ne s’accompagne pas de mesures sanitaires. Un socle commun de mesures est proposé aux trente élevages. Pour dix d’entre eux, ce sont les seules modalités mises en œuvre. En comparant ses résultats aux groupes « vaccination » et « levures », ce groupe « témoin » permet d’évaluer l’efficacité des deux solutions. Il a appliqué en moyenne deux mesures. Que constate-t-on ? Les animaux vaccinés ont davantage réduit leurs excrétions de salmonelles dans les bouses que ceux dans le groupe témoin. Après un an de suivi, 75 % des vaches du groupe vacciné les ont fortement réduites, contre 45 % pour les témoins.
L’excrétion dans les bouses diminue sans disparaître
« Cela montre d’une part que la vaccination réduit le recyclage de la bactérie, d’autre part que le vaccin Salmopast agit sur d’autres sérotypes que S. Dublin et S. Typhimurium utilisés pour sa fabrication. » En revanche, la vaccination n’empêche pas l’excrétion et a un effet de courte durée puisque la baisse ne se maintient pas au bout d’un an. « Idéalement, il faut vacciner durant au moins deux ans, avec un rappel tous les six mois. On peut débuter à 4
Les résultats sont moins nets avec les levures. Arnaud Delafosse préfère parler d’« une tendance à la baisse de l’excrétion ». Cinquante-trois pour cent des vaches du groupe « levures » l’ont fortement réduite, contre toujours 45 % chez les témoins. « C’est statistiquement identique mais avec plus d’élevages testés, nous aurions trouvé une différence », assure-t-il. Ces premiers résultats encouragent la filière normande au lait cru et les GDS à affiner le protocole de lutte. « Il doit être possible d’assainir l’environnement de l’immense majorité des élevages. » Quatorze nouveaux élevages, eux aussi régulièrement confrontés aux salmonelles, sont suivis depuis 2018. Cette fois-ci, ils le sont pendant deux ans.
Des autovaccins en cours de test
Aux mesures sanitaires s’additionnent la vaccination et l’adjonction de pré- et probiotiques. Le Salmopast, ou un autovaccin à partir de prélèvements au cul de la vache par le vétérinaire, est injecté aux femelles de 4 mois et plus, avec un rappel tous les six mois. Autorisé depuis 2017, l’autovaccin permet de lutter contre le sérotype présent dans l’élevage. « Les premiers résultats sont plutôt satisfaisants et confirment pour l’instant l’intérêt de cumuler vaccination et levures, en plus des mesures sanitaires. »
QUATRE BONNES PRATIQUES PRÉVENTIVES CONSEILLÉES PAR LE GDS DE L’ORNE
Selon le directeur du GDS de l’Orne, sans mesures sanitaires sérieusement appliquées, il ne faut pas espérer une forte réduction de l’excrétion, encore moins un assainissement.
Eau propre et désinfectée. Les mares et les rivières sont contaminées par des bactéries d’origine fécale. Le mieux est d’éviter leur accès direct et de traiter l’eau avant sa consommation. De même, les puits le sont dans 95 % des cas et les forages dans 50 %, souvent en raison de leur tête mal protégée. Les contaminations se font par infiltration. La première mesure est de bien protéger les têtes, la seconde de réaliser une analyse bactériologique de l’eau pompée et de celle à la sortie des canalisations pour éventuellement envisager un système de désinfection. « Si l’eau vient du réseau, le risque de contamination fécale se situe dans les abreuvoirs. Il faut les nettoyer une fois par semaine. »
Un test PCR à la livraison des tourteaux de soja et de colza, même si ce n’est pas facile à réaliser. Selon l’Anses, 3 à 4 % des tourteaux de soja sont contaminés par les salmonelles et plus généralement 1 à 2 % des concentrés. Riches en nutriments, ils sont une matrice favorable au développement de la bactérie.
Un stockage sain des aliments. Les salmonelles se multiplient à l’abri de la lumière. On peut penser que les cases à l’air libre conviennent mais les aliments sont alors exposés à l’humidité et aux contaminations extérieures (rats, oiseaux). Il faut trouver un compromis, par exemple les protéger avec une bâche, même si c’est contraignant.
Attention aux contaminations fécales sur la table d’alimentation. Elles se font par le tracteur qui roule dessus, des bottes sales et des pelles et seaux utilisés dans différents endroits de la ferme. Mieux vaut en avoir à disposition dans chaque bâtiment.
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