Dans quelle mesure les données d’élevage ont-elles une valeur ?
Michel Pivard : Isolée, une donnée n’en a pas. C’est par croisement avec d’autres données numériques qu’elle peut en acquérir. Car elle gagne en précision et surtout peut trouver un usage nouveau, diagnostic ou prédictif. Les outils d’aide au management des troupeaux, fondés sur les données de production, santé, etc. s’étendent à tout l’environnement technique : fourrages, bâtiments, météo… Avec les facilités de traitement de l’information numérique, ces données peuvent être, de plus, croisées, enrichies. Et au-delà d’une exploitation à l’échelle de l’élevage pour manager le troupeau, elles trouvent une exploitation plus macro-économique. Tout cela donne aux données d’élevage une autre valeur que celle qu’on leur connaissait. Par exemple, la production par vache n’intéresse plus seulement l’éleveur ou la génétique, mais devient stratégique pour la filière quand on regroupe de nombreux troupeaux pour faire des prévisions (production laitière par bassin…).
Pour qui l’accès aux données est-il stratégique ?
M.P. : Jusqu’ici, chaque acteur de l’élevage restait plutôt dans son domaine et valorisait ses données propres en conseil.
Ces acteurs, mais aussi des constructeurs, des start-up, etc. voient à présent dans les regroupements de données des opportunités de développer leurs activités. La valeur que chacun accorde à une donnée dépend de l’avantage concurrentiel, souvent en matière de services, qu’il pense en tirer. En ce sens, les données d’élevage peuvent devenir une monnaie d’échange entre organismes ou dans le cadre de contrats avec l’éleveur.
Leur valeur est aussi liée au coût de leur captation, souvent inclus dans le service que paie l’éleveur. Or, c’est considéré comme gratuit par certains acteurs du big data, adeptes d’un modèle de type Google. Le risque est une remise en cause des équilibres économiques. D’autant que nous nous préparons à quitter un dispositif génétique administré et mutualisé, pour entrer dans le règlement zootechnique européen drivé par l’économie. Dans ce cadre, les organismes de sélection doivent prendre la main et l’enjeu est de réécrire le monde en se concertant entre acteurs. S’accorder sur les échanges de données pour la génétique demeure possible, comme le montre la création, fin 2017, du service GénEval, association entre Allice et Races de France. Pour préparer l’avenir, FIEA travaille à un système d’information où les accès aux données seraient gérés en fonction des consentements des éleveurs et des structures, selon des accords contractualisés, tout le monde n’ayant pas accès à tout.
Quel intérêt l’éleveur a-t-il à autoriser l’accès à ses données ?
M.P. : Il a un droit de regard sur toutes ses données. Mais c’est souvent loin de ses préoccupations et il néglige, à tort, de bien lire ou bien écrire les clauses lorsqu’il acquiert un système robotisé, un outil d’aide à la décision : ses données peuvent alors être monnayées jusqu’à l’autre bout du monde ! Le mieux à titre individuel est de contractualiser à l’achat avec son fournisseur, afin d’établir la destination, l’usage de ces données et les contreparties. Des fédérations nationales aident aujourd’hui leurs adhérents sur les contrats à établir.
Dans un cadre collectif, imaginons qu’un contrôle de performances contractualise avec les OS : ses éleveurs pourraient alors avoir accès à certains taureaux, ou services, à la manière de la prime de testage. On peut aussi imaginer que les OS auront besoin, à l’avenir, de données particulières et contractualiseront avec un nombre restreint d’éleveurs à des fins de recherche. Dans ce cas, le raisonnement peut aussi être donnant-donnant. En échange des données qu’il cède, l’éleveur pourrait bénéficier de doses d’IA ou matériel à tarif préférentiel, ou encore de services (génotypage d’animaux…).
Valeur des données n’est pas forcément synonyme de monétarisation.
Propos recueillis par Catherine Regnard
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