
Patricia et Laurent Hyson-Voillot se sont constitué un troupeau à haut potentiel génétique, facile à conduire, et transformant bien la nourriture consommée.
TOUT A COMMENCÉ AU SALON DE L'AGRICULTURE. « Je ne suis pas issue du milieu agricole. Nous avons décidé de monter à Paris en 1993, confie Patricia Hyson- Voillot, éleveuse avec son mari Laurent à Arrou (Eure-et-Loir). Sur place, j'ai vu ma première vache jersiaise et j'ai eu le coup de coeur. Sans connaître ses qualités, j'ai trouvé cette race d'une grande beauté. » À cette époque, ce couple exploite un troupeau composé uniquement de vaches holsteins. L'élevage fonctionne bien, la fertilité ainsi que l'état sanitaire sont corrects. Malgré tout, Patricia et Laurent entament une réflexion sur l'intérêt de changer de race. « Au départ, nous craignions que pendant les chaleurs, les jersiaises ne résistent pas aux chevauchements des holsteins », explique Laurent.
En mars 2001, ils décident de voir par eux-mêmes de quelle façon se comportent les jersiaises, en achetant deux génisses pleines au Danemark. Les éleveurs constatent qu'elles s'intègrent bien dans le troupeau. De plus, par chance, ils ont acheté deux bêtes exceptionnelles. L'une d'elle produit près de 5 000 kg de lait en 305 jours de lactation. Ses taux sont excellents avec un TB de 70 et un TP de 42. Des performances remarquables, car les premières lactations d'une jersiaise sont d'un niveau inférieur.
Cela convainc Patricia et Laurent de changer entièrement de race. D'autres génisses pleines sont alors achetées. Beaucoup en provenance du Danemark, un pays où cette race s'est bien développée. À chaque fois, ils sont exigeants sur la qualité des animaux : un bon gabarit et une forte production laitière. Pour accélérer ce renouvellement, le couple décide aussi d'inséminer toutes leurs génisses avec de la semence séxée.
« CES ANIMAUX SONT TRÈS FACILES À MANIPULER »
Financièrement, ce changement de race est une opération neutre pour leur exploitation.
D'un côté, l'achat de génisses pleines rendues à la ferme leur coûte 1 200 €. De l'autre, ils revendent des vaches ou des génisses holsteins pour l'élevage au prix de 1 000 €. « Nos holsteins avaient encore leur place dans un élevage. Il n'était pas question de les emmener à l'abattoir. Nous leur avons donc cherché un nouveau propriétaire », ajoute Patricia.
Aujourd'hui, l'élevage comprend quarante-quatre jersiaises. En huit ans, ce couple s'est constitué un troupeau à haute valeur génétique. Les vaches produisent, en moyenne, 6 650 kg de lait brut à 54 de TB et 38,5 de TP. « Cela correspond à près de 9 000 kg de lait standard et représente la même quantité de matière utile que ce que produisaient nos holsteins en 2004-2005 », souligne Laurent. L'exploitation dispose d'une référence matière grasse de 41 g/l. Sur un quota de 330 000 l, près de 80 000 l de lait en moins sont à produire sur chaque campagne à cause du correctif MG. Cette situation n'inquiète par ce couple qui livre, en contrepartie, un lait plus riche, donc mieux rémunéré. De plus, depuis le 1er avril 2009, une réglementation réduit de moitié le correctif MG lorsque le TB du lait livré dépasse le quota MG. Elle va leur permettre de produire près de 40 000 l supplémentaires. « Cela ne nous posera pas de problème, car nous avons de la place disponible dans le bâtiment pour augmenter le troupeau et assez de surfaces pour le nourrir », assure Laurent.
Depuis qu'il travaille avec la jersiaise, l'éleveur estime que le troupeau est beaucoup plus facile à conduire. Il ne se lève plus la nuit pour surveiller les vêlages, car les vaches mettent bas toutes seules. Il n'y a presque plus de problèmes de délivrance. De plus, bien que les bêtes soient dans des logettes paillées, aucune boiterie n'est à signaler. Quant aux mammites, seulement dix cas ont été observés l'an dernier. « Il y a peu de soucis sanitaires et les frais vétérinaires sont réduits au minimum. Il faut souligner que ces animaux sont très faciles à manipuler grâce à leur petit gabarit. Ils ont beaucoup de caractère mais sont, par ailleurs, très dociles », explique Laurent.
DES BESOINS D'ENTRETIEN MOINS IMPORTANTS
L'un des atouts de la jersiaise est sa capacité à bien transformer la nourriture qu'elle ingère. Ainsi, pour produire 9 000 kg de lait standard, le troupeau consomme, en moyenne, 17 kg d'aliment et de fourrages par jour. Soit 4 kg de moins que les holsteins qui produisaient donc la même quantité de matière utile. Cette performance s'expliquerait par le fait que la jersiaise a des besoins d'entretien moins importants à cause de son gabarit. Elle pèse environ 300 kg de moins qu'une holstein. Deuxième élément : cette vache transforme naturellement mieux la nourriture qu'elle ingère en lait. « On peut en juger grâce à l'état des bouses plus solides », ajoute Laurent. L'éleveur travaille avec une ration semi-complète. L'hiver, celle-ci comprend 10,8 kg de maïs, 1,5 kg d'ensilage de trèfle, 400 g de paille et 2,2 kg de concentré azoté. Ensuite, un aliment de production est distribué en salle de traite. « Cette ration est très bien valorisée par le troupeau. Il faut noter que le taux moyen d'urée dans le lait atteint 182 mg/l. Un chiffre très faible, analyse Pierre Lucas, le contrôleur laitier. Le coût de la ration est plus faible que la moyenne et s'élève à 1,36 €/kg de matière utile. »
Concernant l'alimentation, le couple a remarqué que posséder un troupeau mixte holsteins- jersiaises n'est pas l'idéal pour nourrir les élèves. En effet, la jersiaise est une race très précoce et il est déconseillé de lui donner du maïs durant sa période de croissance, car elle risque d'engraisser. « Les génisses reçoivent donc uniquement du foin et des concentrés et les vêlages sont programmés à deux ans », déclare Patricia.
En matière de sélection, le couple tente de maintenir le potentiel laitier de leur troupeau, mais ne cherche plus à l'augmenter. Ils pensent avoir déjà un haut niveau dans ce domaine. Chaque année, le plan d'accouplement est réalisé avec l'inséminateur. Ils choisissent les taureaux selon l'offre disponible dans le catalogue de la coopérative Amélis. Celle-ci livre ensuite les doses à leur centre d'insémination. « Le choix des taureaux s'effectue selon trois critères : améliorer la qualité des mamelles, rester dans le standard de la race et ne pas avoir des vaches trop grandes, augmenter les taux du lait et atteindre 60 de TB et 40 de TP. ».
L'un des freins au développement de la jersiaise est la difficulté à valoriser les veaux mâles. Patricia et Laurent ont résolu ce problème en engraissant ces veaux puis en les commercialisant en vente directe. Vers l'âge de deux mois et demi, les veaux mâles sont castrés, puis élevés avec les génisses. Ensuite, ils sont finis avec du maïs-ensilage durant les cinq derniers mois. Vers l'âge de deux ans et demi, ils sont abattus et mis en barquettes de 12 à 20 kg.
« NOS BONS RÉSULTATS ONT CONVAINCU NOS COLLÈGUES »
« Chaque bête atteint, en moyenne, 280 kg de carcasse. Avec un rendement de 60 %, cela représente 175 kg de viande par bovin. Nous vendons un boeuf par mois à 12 €/kg. Cette diversification nous permet d'attirer les consommateurs sur la ferme et d'entretenir des relations avec eux », explique Patricia.
Ce changement de race a suscité beaucoup d'étonnement de la part d'autres éleveurs, certains jugeant ce choix farfelu. « Au début, nous avons eu l'impression de perdre notre statut d'éleveur. » Cela n'a pas empêché ce couple de participer à des comices agricoles ainsi que régulièrement à des concours généraux pour parler de cette race.
« C'est en montrant nos bons résultats techniques que nous avons réussi à convaincre nos collègues que cette race a beaucoup de qualité et peut trouver toute sa place dans un élevage », conclut-elle.
NICOLAS LOUIS
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