Déclarer les anomalies pour mieux les gérer

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Génétique. Tous les reproducteurs sont porteurs d’anomalies génétiques et leur transmission­ a un lourd impact économique. La génomique révolutionne les possibilités­ d’identification des porteurs et de sélection d’animaux sains.

Blad pour les holsteins, cécité pour les normandes, SHGC pour les montbéliardes : certaines tares génétiques ont marqué les éleveurs dans toutes les races. Ces anomalies se définissent comme une « modification conduisant à un défaut de fonctionnement ou d’aspect d’un être vivant (visible ou non) ». L’apparition de ces tares est inhérente à la vie, et donc inévitable. Elles résultent de mutations de l’ADN pour des raisons génétiques mais aussi toxiques, infectieuses ou traumatiques. Un même type d’anomalie peut avoir plusieurs causes.

La consanguinité favorise l’émergence des tares génétiques

L’émergence des tares génétiques est favorisée par la consanguinité. Les populations d’élevage ont des effectifs relativement réduits sur le plan génétique. La probabilité d’apparition de tares y est donc plus importante que chez d’autres espèces.

Le plus souvent, la mutation est récessive. Il faut donc que les deux parents aient transmis le ou les gènes défectueux pour que l’anomalie s’exprime. D’où le délai de plusieurs générations entre l’apparition de la mutation et la naissance de veaux affectés. Mais le caractère peut également être dominant. Dans ce cas, il suffit qu’un veau reçoive un gène muté pour exprimer l’anomalie. L’observation est alors plus rapide.

Dans l’histoire récente, la découverte de tares chez des taureaux massivement utilisés a marqué certaines races. L’impact économique de ces tares est loin d’être négligeable. ­Certaines provoquent la mortalité des embryons. Elles ne sont pas toujours identifiées, mais on estime qu’elles sont responsables d’une perte de fertilité de 5 % environ. Une vingtaine de mutations sont actuellement connues pour avoir ce type de conséquences, dont une quinzaine en race holstein.

Éliminer tous les porteurs réduit la variabilité

Ces mutations génétiques entraînent également des cas de mortalité après la naissance (quelques pourcents), voire à l’âge adulte. Pour les reproducteurs, la détection d’une tare met souvent fin à leur carrière. Au total, le coût est évalué entre 50 et 100 M€ par an. Traditionnellement, en cas de confirmation de l’existence d’une tare sur un taureau, on avait tendance à l’éliminer des plans d’accouplement. Une solution radicale, mais qui conduit progressivement à un affaiblissement de la ressource génétique et donc à une perte de la variabilité, favorable à l’émergence de tares. Là n’est donc pas la solution.

Il faut apprendre à gérer la fréquence de ces anomalies. Sachant que plus un reproducteur portant une tare est utilisé, plus la fréquence augmente. La révolution génomique offre aujourd’hui les outils permettant d’identifier assez rapidement les animaux porteurs. Mais « on ne trouve que ce que l’on cherche, et on ne cherche que ce que l’on connaît », précise Cécile Grohs à l’Inra. Autrement dit, le point de départ se situe bien sur le terrain. Les veaux porteurs d’anomalies doivent être déclarés auprès de l’Onab (Observatoire national des anomalies bovines). Créé en 2002, il a pour mission de dépister les anomalies génétiques le plus tôt possible pour éviter leur dissémination dans les troupeaux.

À ce jour, il n’existe pas de système infaillible pour faire remonter ces informations. On constate une certaine autocensure chez les éleveurs. De plus, les signes ne sont pas forcément spécifiques. Un retard de croissance, par exemple, n’est pas spontanément associé à une anomalie génétique. Le vétérinaire a un rôle essentiel à jouer. Et beaucoup semblent en avoir pris conscience.

Les inséminateurs sont également en première ligne, car c’est souvent à eux que les éleveurs mentionnent les cas de veaux anormaux. Depuis une quinzaine d’années, le nombre de déclarations progresse régulièrement. Cela traduit un regain de motivation, variable selon les régions et les races. L’Onab a conçu un formulaire disponible en ligne ou sur papier pour faciliter la déclaration. Il faut préciser les origines de l’animal et détailler l’anomalie constatée par grandes sections anatomiques. Le vétérinaire ou le technicien ­peuvent effectuer des prélèvements qui aideront le laboratoire à identifier les mutations en cause. Les scientifiques recoupent les informations et selon les cas, identifient un déterminisme génétique.

Si les cas suspects sont correctement déclarés, l’Onab peut savoir s’il s’agit d’anomalies génétiques. Il peut réaliser un suivi statistique de l’émergence des cas. Quand l’anomalie génétique est avérée, un dispositif peut être mis en place et les organismes concernés (entreprises de sélection notamment) sont informés. Des prélèvements sont collectés pour procéder au génotypage. « Si l’anomalie est due à un seul gène, une mutation peut être localisée en quelques semaines, voire quelques mois à partir de cinq à dix cas signalés », poursuit Cécile Grohs. La ou les mutations qui ont causé l’anomalie sont ainsi repérées.

Créer un test pour identifier les porteurs de tares

Cela permet de créer un test génétique qui servira à repérer les animaux porteurs de la mutation, pour un coût de 25 €/animal. En génotypant les mâles et les femelles, on sait lesquels sont susceptibles de posséder et de transmettre l’anomalie. On peut aussi trouver des animaux non porteurs dans la lignée à l’origine d’une tare identifiée. Celle-ci peut continuer à maintenir la variabilité génétique.

« En moyenne, on trouve une anomalie par semaine, toutes espèces confondues », constate Coralie Danchin-Burge à l’Institut de l’élevage. Plus que l’éradication, c’est la diminution progressive de la fréquence des anomalies qu’il faut viser. Un programme est en cours avec France Génétique Élevage pour calculer la valeur économique d’une anomalie. Celle-ci dépend à la fois de son coût (mortalité, frais vétérinaires…) et de sa fréquence.

Gérer les accouplements en fonction des risques

Ensuite, l’anomalie doit être intégrée dans un index de synthèse qui reste à créer. « Ce type d’index est le plus ­efficace quand on veut sélectionner sur plusieurs critères », insiste Coralie Danchin-Burge.

Au niveau des éleveurs, cette stratégie doit conduire à une meilleure gestion des accouplements. C’est plus facile lorsque les femelles sont génotypées. Sinon, il faut éviter les taureaux porteurs. Ou au minimum, ne pas les accoupler avec les filles de porteurs. Mais cela suppose de connaître le statut de tous les taureaux. Beaucoup reste à faire avant de parvenir à cette gestion fine du risque d’anomalies. L’essentiel relève du travail collectif. Et il ne fait que commencer.

Pascale Le Cann

- Veau « Milka ». Cette anomalie du pelage touche la race montbéliarde sans conséquence sur la viabilité des veaux. Un programme de recherche est en cours pour mieux comprendre ce défaut.

- Nanisme. Ces deux veaux charolais ont le même âge, mais celui de droite souffre de nanisme, une anomalie génétique également en cours d’étude à l’Onab.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Thomas Pitrel dans sa prairie de ray-grass

« La prairie multi-espèce a étouffé le ray-grass sauvage »

Herbe
Philippe Bernhard à droite et Hervé Massot président et DG d'Alsace Lait

Alsace Lait a besoin de lait pour ses ambitions régionales

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