SAINT-NECTAIRE FERMIER LES PRODUCTRICES FONT VIVRE LA FILIÈRE

Marylène et Solange Ragain travaillent ensemble dans la fromagerie mise en place en 2010. La jeune femme a été l'une des deux égéries d'une campagne de publicité valorisant le travail au féminin d'une filière très active. Chaque exploitation compte en moyenne 4 UTH.
Marylène et Solange Ragain travaillent ensemble dans la fromagerie mise en place en 2010. La jeune femme a été l'une des deux égéries d'une campagne de publicité valorisant le travail au féminin d'une filière très active. Chaque exploitation compte en moyenne 4 UTH. (©)

Le saint-nectaire a toujours été fabriqué par les femmes. La tradition perdure avec une nouvelle génération qui affiche un double pouvoir de décision et de séduction. Coup de projecteur sur une filière où 90 % des producteurs sont des productrices.

DE NOMBREUSES PERSONNES ONT UNE FAUSSE IDÉE DE NOTRE MÉTIER. On peut fabriquer du fromage deux fois par jour, trois cents jours par an, et rester féminine, sourit Marylène Ragain. Cet été, j'ai reçu la visite de personnes qui sont arrivées avec la publicité où je pose pour le saint-nectaire, tout étonnées que ce soit "bien moi sur la photo" ! Je n'ai pas osé leur demander à quoi ils s'attendaient en franchissant la porte de notre exploitation ! »

La jeune femme de 26 ans s'est installée comme agricultrice en 2010 à Montboudif, petite commune de 250 âmes à 1 100 m d'altitude dans le Cantal. Elle a rejoint ses beaux-parents, Solange et Henri, et Sylvain, son mari, installé quant à lui depuis 2007. « À 18 ans, en passant un baccalauréat sanitaire, médical et social, et une spécialisation en secrétariat médical, je ne me destinais pas à ce métier, explique Marylène. Je n'ai pas trouvé de travail dans cette branche près de chez nous. Quand mon fils est né, j'ai passé mon agrément d'assistante maternelle puis

exercé pendant quatre ans. » C'est en réfléchissant à un travail plus rémunérateur pour la jeune femme que la famille Ragain décide de transformer son lait en saint-nectaire fermier. Objectif : créer une valeur ajoutée sur place et sortir quatre salaires. « Nous produisions déjà du lait transformé en AOP saint-nectaire laitier par notre laiterie, la laiterie Wächli, à Condat-en-Féniers. Nous étions "dans les clous" du cahier des charges avec une alimentation à base d'herbe et toutes nos génisses élevées sur l'exploitation », commente Sylvain qui a toujours cru en ce projet. La famille Ragain installe une fromagerie aux normes, spacieuse et très fonctionnelle avec sa cuve et ses presses automatisées.

« C'EST TOUJOURS UN PEU MAGIQUE CETTE TRANSFORMATION »

Belle-fille et belle-mère ont pris en charge la fabrication du saint-nectaire, deux fois par jour, immédiatement après la traite, du lundi au vendredi. Le lait est livré à la laiterie le week-end. « Ce travail nous prend trois heures le matin et deux heures et demie le soir pour une transformation moyenne de 500 l de lait le matin et 380 l le soir, précisent les deux femmes, qui s'entendent très bien. Nous aimons ce travail fait de rigueur, de minutie et de propreté. Et puis, c'est toujours un peu magique cette transformation du lait en un produit solide ! »

Les horaires ont été adaptés à ceux des enfants : 8 h 30 le matin après le départ à l'école et 18 h 15 le soir pour être libre à 20 h. « Je peux concilier ma vie professionnelle et ma vie de famille », se réjouit Marylène, qui attend son troisième enfant. Les projets professionnels fleurissent également. Avec l'attribution récente d'un quota vendeur direct de 100 000 l se rajoutant au quota de la laiterie de 256 000 l, la famille Ragain envisage de passer de 45 à 60 laitières montbéliardes en arrêtant le troupeau allaitant de 40 salers. L'un des objectifs est aussi d'affiner sur place une partie des 35 t de fromages, actuellement vendus en blanc à l'affineur. « Nous en rachetons une partie en rétrocession pour les vendre en direct à la ferme. Le contact direct avec les consommateurs fait aujourd'hui partie de notre métier. C'est un retour utile et stimulant sur un travail exigeant mais gratifiant », soulignent les deux femmes. Pour Marylène, la proposition du syndicat du saint-nectaire de poser pour sa dernière campagne de publicité n'a pas posé de problèmes. « Je ne l'ai pas fait pour moi mais pour l'ensemble d'une filière dynamique en laquelle je crois. Et puis, je suis fière de mon métier. C'est aussi simple que cela ! »

« JE M'ÉTAIS PRISE DE PASSION POUR CE MÉTIER, HORS DE QUESTION D'ARRÊTER »

Martine Mazeyrat, installée à Saint-Pierre-Colamine, est elle aussi fière « de son métier - de paysanne - et de son parcours pas vraiment facile ». La jeune femme a exercé durant plusieurs années en tant qu'agent hospitalier à Clermont-Ferrand, avant de revenir sur la ferme familiale en 1998 : son père est prêt à partir à la retraite. Il faut des bras pour le remplacer sur une exploitation de 110 ha d'herbe, 60 montbéliardes et du lait transformé en AOP saint-nectaire fermier. « Je suis venue à la rescousse auprès de ma mère et de mon frère. Ma mère m'a appris à fabriquer le fromage dans l'ancienne fromagerie. La mise en place d'un atelier neuf avec du matériel automatisé a été une révolution, pour elle comme pour moi », souligne Martine, qui fabrique seule depuis que sa mère a pris à son tour sa retraite en 2001. C'est en 2007 que les choses se compliquent vraiment, lorsque son frère décide de quitter l'exploitation pour un travail à l'extérieur. Martine se retrouve seule sur une exploitation où trois personnes ne s'ennuieraient pas au quotidien. « Grâce à l'entraide avec certains voisins et mon tempérament, j'y suis arrivée mais cela n'a pas été facile. Je m'étais prise de passion pour ce métier : il était hors de question d'arrêter ! », analyse Martine, qui cherche un salarié pour la seconder. Ces derniers vont se succéder avec plus ou moins de réussite.

« IL NE PEUT PAS Y AVOIR DE BON LAIT SANS BONNES VACHES ! »

« Bien sûr qu'une femme peut gérer une exploitation ! Nous sommes nombreuses à le prouver. Mais les journées n'ont que vingt-quatre heures et les systèmes fromagers sont exigeants en temps à chaque poste de travail. Il ne peut pas y avoir de bon lait sans de bonnes vaches ! Je suis très attentive à l'alimentation et à la bonne santé du troupeau. Mes vaches sont un plaisir. Je trais à l'extérieur sur une estive lorsque les laitières sont à l'herbe. Les gens me disent que c'est dur pour une femme, surtout quand il fait froid. Hé bien, quand il fait froid, j'enfonce mon bonnet sur la tête ! », s'exclame Martine.

« PRODUIRE DE BONS ET BEAUX FROMAGES EST TRÈS GRATIFIANT »

La jeune femme transforme le lait deux fois par jour, six jours sur sept. Le lait est seulement livré à la laiterie le dimanche. Les 40 tonnes de fromages annuelles sont vendues en blanc à un affineur. « La fabrication est un travail de précision, de patience et de rigueur. Il suffit d'avoir du bon sens et de la volonté pour y parvenir. Produire de bons et beaux fromages est très gratifiant ! » Depuis le 1er mars 2012, Martine a enfin retrouvé un associé en la personne de Christopher Rouel, un jeune agriculteur de 26 ans préalablement salarié. « Christopher gère les prairies et toute la mécanisation. Nous avons débuté la construction d'un hangar de séchage en grange. Je me consacre pleinement à la fabrication et au suivi du troupeau. Je voudrais me faire remplacer de temps en temps à la fromagerie pour passer plus de temps avec les vaches », précise Martine, qui apprécie l'aide de sa fille, très enjouée et déjà active pour ses 10 ans.

Pour Stéphanie Fau, 26 ans, associée du Gaec de la Cime des Prés, à Égliseneuve-d'Entraigues, « l'éventualité d'un autre métier que celui d'agricultrice ne m'est pas venue une seconde à l'esprit. Chez nous, l'agriculture, c'est une histoire familiale ! » L'installation en 2006 de leur fils Vincent, puis celle de leur fille Stéphanie en 2009, boostent de fait le développement de l'exploitation de Marie-Claude et Robert Fau, installés sur 160 ha d'herbe à 1 100 m d'altitude avec 80 laitières, montbéliardes et bleues du Nord, et 30 vaches allaitantes salers. « Nous avons construit une nouvelle fromagerie, une jolie salle de vente et un espace de visite avec des baies vitrées donnant sur l'atelier de fabrication », explique Marie-Claude, qui partage le travail de la traite, de la fabrication biquotidienne du saint-nectaire et de la vente directe à la ferme avec sa fille. « C'est plus de huit heures de travail par jour pendant la saison estivale », précisent les deux femmes.

« LE LAIT N'EST JAMAIS LE MÊME D'UN JOUR À L'AUTRE »

« Je trouve cette fabrication du fromage passionnante. Le lait n'est jamais le même d'un jour à l'autre. Nous avons la chance d'exercer un vrai travail manuel, exigeant en techniques et en savoir-faire personnel, précise Stéphanie qui a fait sans surprise ses stages de BTS dans le Jura et en Normandie. En fait, je suis très active et la diversité des tâches de notre métier d'éleveuse, de fromagère, de commerciale et de gestionnaire, sans parler des foins, du jardin et de la maçonnerie d'autoconstruction, me satisfait pleinement ! » Une partie des 35 t de fromages produits sont vendues en blanc à un affineur, le reste est affiné et vendu sur place. « Le contact direct avec les consommateurs est agréable, important et valorisant, soulignent la mère et la fille. Nous nous sommes inscrites sur la Route des fromages d'Auvergne car l'exploitation est un peu enclavée. Cela fonctionne bien. Nous avons vu beaucoup de monde cet été. » « Nous faisons une vraie communication sur le produit en expliquant à nos visiteurs l'alimentation tout au foin, herbe et regain de nos vaches, la traite au parc, une fromagerie modernisée au service d'un fromage ancestral. Les échanges sont intéressants, et même parfois un peu surprenants quand ils s'étonnent qu'une jeune agricultrice faisant du fromage en zone de montagne puisse aussi avoir une vie privée », sourit celle qui sera peut-être la prochaine égérie du saint-nectaire fermier de toutes ces dames.

MONIQUE ROQUE-MARMEYS

Marylène et Solange Ragain travaillent ensemble dans la fromagerie mise en place en 2010. La jeune femme a été l'une des deux égéries d'une campagne de publicité valorisant le travail au féminin d'une filière très active. Chaque exploitation compte en moyenne 4 UTH.

Martine Mazeyrat élève un troupeau de 60 vaches montbéliardes dont elle transforme le lait deux fois par jour six jours sur sept. Le saint-nectaire fermier est la première AOP fermière de France avec 6 300 t de production. Elle possède pourtant la plus petite zone de production partagée entre 50 communes du Puy-de-Dôme et 19 du Cantal.

Stéphanie et Marie-Claude Fau ont en charge la traite du troupeau, la transformation du lait et la vente du fromage sur l'exploitation familiale, située à 1 100 m d'altitude. Elles ont mis en place un point de vente inscrit sur la Route des fromages d'Auvergne.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Philippe Bernhard à droite et Hervé Massot président et DG d'Alsace Lait

Alsace Lait a besoin de lait pour ses ambitions régionales

Alsace Lait

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