De nombreux travaux ont montré l’intérêt du croisement pour améliorer la robustesse des troupeaux. L’Institut de l’élevage vient d’en confirmer la pertinence économique. L’offre est large pour ceux qui veulent se lancer.
Organisée par Idele au Space, une conférence sur le croisement laitier a attiré la foule et s’est achevée par un débat animé. Preuve que le sujet intéresse. Relativement nouveau en France où la préférence pour les races pures reste bien ancrée, le croisement fait l’objet de recherches à l’étranger depuis de nombreuses années (voir encadré).
Les avantages du croisement laitier sont clairement identifiés. Ils reposent tout d’abord sur l’hétérosis, ou vigueur hybride, correspondant à un gain génétique de l’animal croisé, qui s’ajoute à la moyenne de ses parents. La première génération est homogène, avec une supériorité visible sur la résistance. On relève davantage de diversité sur les animaux de seconde génération.
L’autre intérêt du croisement réside dans la fixation de caractères. Le choix de la race des taureaux de croisement doit ainsi s’inscrire dans la stratégie de l’éleveur en matière d’amélioration de son troupeau. Les races choisies doivent être complémentaires.
La conduite du croisement vise ensuite à trouver un optimum entre le maintien de l’hétérosis à chaque génération et l’expression des caractères recherchés par l’éleveur.
Une pratique marginale mais de très bons résultats
Cette pratique reste peu répandue. Les trois quarts des troupeaux laitiers français sont en race pure. Les autres comprennent soit plusieurs races, soit des croisées. Seulement 1,5 % des inséminations sur vaches laitières sont réalisées avec un objectif de croisement laitier. Mais cette pratique progresse.
« C’est devenu une stratégie pour adapter le troupeau à une conduite particulière », précise Pascale Le Mézec, à Idele. À la chambre d’agriculture du Finistère, Isabelle Pailler suit un groupe de vingt-sept éleveurs herbagers, dont beaucoup ont adopté le croisement depuis 2009. « La plupart conduisent des systèmes herbagers et économes. Ils cherchent des vaches robustes, précoces et fertiles. » Ils utilisent des taureaux holstein, néo-zélandais, jersiais, rouge suédois…
Elle observe que si l’effet d’hétérosis reste difficile à identifier, la complémentarité entre les races se voit très bien. La jersiaise apporte la matière utile, la précocité et l’aptitude au pâturage. La montbéliarde est polyvalente avec une supériorité sur la santé et la reproduction. La rouge scandinave ramène de la santé et de la fertilité. La hosltein revient pour son potentiel laitier et ses qualités de mamelle. Cette diversité implique de bien savoir ce que l’on cherche pour choisir les races. « Il faut aussi aimer les races que l’on choisit » remarque Isabelle Pailler. Dans ce groupe, les résultats technico-économiques sont « surprenants ». Des vaches qui vêlent tous les ans avec un taux de réussite en première insémination de 60 %. Si le niveau laitier est bas à 4 770 litres (6 000 litres pour les élevages conventionnels), les taux sont élevés : 33,8 de TP et 44,4 de TB. Le coût alimentaire se limite à 46 €/1 000 litres et les frais vétérinaires à 12 €. Ces éleveurs dégagent en moyenne un revenu disponible de 3 000,00 €.
Ces chiffres interpellent et Idole a voulu évaluer l’impact économique du croisement. Car si les recherches étrangères sont pertinentes pour apprécier l’intérêt technique, l’impact économique de cette stratégie peut varier selon le contexte. Idele a fondé son travail sur des simulations informatiques visant à comparer des élevages initialement en race holstein et ayant opté, ou non, pour le croisement.
Trois conduites ont été étudiées : un croisement alternatif holstein-montbéliarde, un croisement à trois voies avec de la montbéliarde et de la normande, et un croisement trois voies avec de la montbéliarde et de la rouge scandinave (modèle Procross).
Il faut savoir que Procross est un système d’élevage développé par Coopex, qui vend des semences montbéliardes, et Viking Genetics, qui commercialise des paillettes de taureaux rouges scandinaves.
Une étude confirme l’intérêt économique du croisement
Cette modélisation a été conduite sur quinze ans afin de mesurer les conséquences à court, moyen et long termes. La méthode reste certes très théorique, mais elle permet de simuler un grand nombre de scénarios et d’évaluer plusieurs générations de vaches. Les données techniques retenues proviennent d’élevages réellement engagés dans le croisement. Les performances économiques sont déduites des résultats techniques.
Conduite par Charlotte Dezetter dans le cadre d’une thèse (ESA d’Angers), l’étude a évalué l’impact du croisement sur la marge brute et sur le nombre d’interventions réalisées en élevage.
Il s’agit, par exemple, du nombre de traitements antibiotiques, d’inséminations, de vêlages… Autant d’événements qui pèsent sur la charge de travail, mais aussi sur les coûts. Les hypothèses de départ tablaient sur des niveaux variables en termes de production laitière et de prévalence des problèmes sanitaires. La conjoncture a également été prise en compte avec différentes hypothèses de prix du lait et du concentré.
Une meilleure marge brute avec des croisées
Il s’avère que dans tous les cas, le croisement améliore la marge brute. Par rapport aux troupeaux en race pure, les élevages engagés dans le croisement atteignent un même niveau de productivité par vache. Mais les taux sont supérieurs, de même que le produit viande. Et les coûts sanitaires baissent. Dans le détail, on constate que le gain de marge brute est moindre quand on compare les croisées aux troupeaux holsteins de haut niveau laitier (au moins 9 000 kg/vache). Cela s’explique par un recul de la productivité laitière en volume et donc, à effectif constant, par une baisse des livraisons de lait. Cependant, si le risque sanitaire est élevé, le bénéfice du croisement est renforcé, même dans les troupeaux productifs. Le volume de lait vendu recule, mais les prix du lait et des réformes sont supérieurs.
Le nombre d’interventions nécessaires sur les animaux baisse en moyenne de 7 à 8 % (soit 0,5 intervention en moins) grâce au croisement. L’impact est notable sur les mammites et la reproduction.
Selon les hypothèses, le gain de marge brute s’échelonne de 20 à 90 €/vache/an, avec une hausse du prix du lait de 5 à 13 €/1 000 l du fait de la qualité et de la composition. En toute logique, le gain est quasiment nul pendant les cinq premières années, le temps que le croisement monte en puissance. Il est maximal après dix ans, quand l’ensemble des vaches sont des croisées.
Un impact positif renforcé en cas de mauvaise conjoncture
Le bénéfice est supérieur avec le croisement Procross par rapport à celui conduit avec des normandes. La montbéliarde permet un meilleur maintien de la production et une amélioration plus nette de la santé de la mamelle. La normande permet surtout de gagner sur les taux.
L’impact économique du croisement est plus prononcé lorsque la conjoncture est défavorable, comparée au contexte de 2014.
Ceux qui veulent se lancer doivent donc commencer par bien définir leurs objectifs. Ils doivent ensuite choisir les races qui répondent le mieux. Il faut enfin construire une stratégie simple à gérer.
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