
Un digesteur de faible volume, alimenté avec les seuls effluents de l'atelier de jeunes bovins, tourne depuis un an chez les Kleizen aux Pays-Bas… une première dans la production de biogaz.
OBTENIR UN RENDEMENT SATISFAISANT D'UN DIGESTEUR de faible volume, uniquement alimenté en effluents d'élevage (urine et bouse), sans le coup de pouce de cultures énergétiques (ensilage de maïs, de céréales immatures…) était jusqu'alors mission impossible. Il y a trente ans, quelques vendeurs d'installations de ce type ne tournant qu'au lisier avaient bien tenté une percée aux Pays- Bas. Sans succès. La faute à la faible production de biogaz mais aussi à la baisse du prix du pétrole et du gaz.
Le contexte de renchérissement de l'énergie, le souci de limiter les émissions d'ammoniac, de méthane et de dioxyde de carbone, et le besoin d'améliorer l'utilisation de l'azote du lisier ont relancé l'intérêt de ce type d'installations et poussé des constructeurs à innover. En avril 2010, Philip Kleizen (33 ans) et son père Gerrit (63 ans), des engraisseurs de veaux lourds, ont mis en fonctionnement un prototype de mini-installation de biogaz fonctionnant 100 % au lisier. Roy, l'autre fils, n'est pas pour rien dans cette initiative. Il travaille chez Host, une société qui développe ce type de digesteur innovant, le Microferm, et cherchait des pionniers pour le tester grandeur nature.
L'intégration de ce digesteur dans le projet de nouveau bâtiment d'engraissement a poussé les Kleizen à revoir leur choix de gestion des effluents.
Achevée en 2009, la stabulation de 40 m de long accueille sous le même toit 360 veaux, répartis dans deux bâtiments parallèles séparés par un mur. De part et d'autre des deux couloirs d'alimentation, neuf boxes de dix animaux.
« LA FOSSE TAMPON A UN PROFIL PARTICULIER »
Plutôt que stocker le lisier sous les cases à veaux comme prévu au départ, Philip et Gerrit ont opté pour une solution plus adaptée au fonctionnement du digesteur Microferm. Ici, le mix bouse-urine tombe sous les caillebotis où est aménagé un espace d'une soixantaine de centimètres de haut, équipé d'un racleur qui fonctionne quatre à cinq fois par jour. Pas de fosse de stockage classique en bout de bâtiment pour le lisier raclé. Juste une fosse tampon avant le pompage du lisier dans le digesteur, avec une particularité : son profil en V. Longue de 24 m et profonde de 2 m, cette fosse mesure 2 m de large à son point le plus haut et seulement 0,20 m environ à sa base. Objectif : limiter les émissions de gaz de surface en ayant une surface d'échange minimale avec l'air extérieur… au fur et à mesure du remplissage de la fosse. « L'intérêt est de réduire les pertes de méthane dont le lisier frais est riche…
Méthane que l'on cherche à produire dans le digesteur, note Philip. Si c'était à refaire, sans digesteur, je choisirais le même dispositif de raclage du fait de la réduction des émissions d'ammoniac dans le bâtiment, un plus pour l'ambiance. D'après les normes de notre stabulation, elles sont de 1,5 kg/veau/an au lieu de 2,5 kg dans un bâtiment avec fosse de stockage profonde sous les caillebotis. »
Toutes les demi-heures, du lisier frais est pompé de la fosse tampon dans le digesteur, à raison de 8 à 10 m3 par jour. Les bactéries peuvent alors opérer et transformer le mélange de bouse et d'urine en biogaz (environ 60 % de méthane et 35 % de CO2) et digestat. Le circuit fonctionne en continu. À chaque mètre cube de lisier frais arrivé dans le digesteur, un volume équivalent de digestat est pompé et transféré dans une poche souple étanche, de 1 000 m3, qui sert aussi à stocker le biogaz produit. Avant d'être transformé en électricité dans le cogénérateur, ce biogaz est déshydraté pour être désulfurisé (stockage du soufre dissous dans l'eau avec le digestat). Rien de très original en soi dans tout cela. L'innovation du système Microferm est ailleurs, dans la forme et le faible volume du digesteur. Imaginer un silo en polyester de 12 m de haut et un peu plus de 4 m de diamètre, soit seulement 150 m3 pour 127 m3 de lisier et 12 m3 de biogaz. L'innovation tient aussi, et c'est l'essentiel, dans la technique qui permet de garder une forte concentration en bactéries tout au long du process, et d'obtenir ainsi une bonne fermentation de la matière organique sans ajouter de dopants (cultures énergétiques…). On n'en saura pas plus, secret d'entreprise.
« UNE PRODUCTION DE 35 M3 DE BIOGAZ PAR MÈTRE CUBE D'EFFLUENTS »
L'installation des Kleizen est dimensionnée pour traiter 13 à 14 m3 de lisier par jour, avec une durée de fermentation dans le digesteur de huit jours, soit une capacité de 5 000 m3 de lisier par an. C'est bien plus que les 3 000 m3 d'effluents annuels que produisent les 360 veaux actuels. Mais cela ne retire rien à la performance du dispositif. « Nous produisons, à ce jour, environ 35 m3 de biogaz par mètre cube de lisier. Ce dernier reste, entre son entrée et la sortie du digesteur, de douze et quinze jours », explique Philip. Si la réglementation environnementale le permet, il envisage d'ailleurs de doubler son atelier d'engraissement de veaux.
En l'état, l'installation avec son cogénérateur, doté d'un moteur de six cylindres Man, est donnée pour une capacité de production 50 kW électriques et 80 kW thermiques. La chaleur récupérée sur le système de refroidissement du bloc-moteur et des fumées d'échappement, par l'intermédiaire d'échangeurs et d'un circuit d'eau, n'est pas perdue. Elle sert à maintenir le digesteur à 40°C, à chauffer le lait des veaux, mais aussi l'habitation de Philip et son épouse. Le chauffage de la maison des parents fait partie des projets. « Environ 20 % de l'électricité produite sont utilisés sur la ferme et dans notre habitation. Le reste est vendu 8 c/kW à notre fournisseur d'électricité Essent (qui, lui, le facture 18 à 20 centimess) », précise Philip. La production de biogaz ne pèse pas vraiment dans l'emploi du temps de Philip. « La plupart des opérations se gèrent automatiquement. Je consacre 15 min/j au pilotage de l'ensemble. Probablement qu'à l'avenir s'y ajoutera un peu de maintenance. »
« NOTRE INSTALLATION EST À SON SEUIL DE RENTABILITÉ »
Entre le digesteur, le bassin de stockage du digestat et du biogaz, et le container accueillant le cogénérateur, le système de désulfurisation et les appareils de contrôle, près de 300 000 € ont été investis, selon Philip. D'après ses prévisions de prix de rachat de l'électricité, son investissement devait être assez profitable. C'était sans compter sur le système de loterie en vigueur pour déterminer ceux qui bénéficient ou pas du plan néerlandais de soutien aux énergies renouvelables.
Le projet des Kleizen n'ayant pas été retenu, ils n'ont pas eu le coup de pouce espéré. En revanche, en vertu des 660 t de réduction d'émission de CO2 estimées et du concept innovant de gestion des effluents dans leur bâtiment, ils ont reçu une aide de la province d'Overrijssel : près de 200 000 € étalés sur cinq ans. « Avec cette subvention et les économies d'électricité et de chaleur réalisées, notre installation est à son seuil de rentabilité. »
WILFRIED WESSELINK ET JEAN-MICHEL VOCORET
Capacité de 50 kW électriques et 80 kW thermiques Un container de 2 x 6 m accueille le cogénérateur. Celui-ci étant équipé d'un moteur six cylindres Man, l'installation est donnée pour une capacité de production de 50 kW électriques et 80 kW thermiques
Lisier raclé sous le caillebotis La gestion des effluents est adaptée au fonctionnement du digesteur. Le mix bouse-urine tombe sous le caillebotis d'où il est évacué en direction de la fosse tampon via un racleur qui opère quatre ou cinq fois par jour.
Un digesteur tour de 150 m3 couplé à une poche souple de 1 000 m3 Toutes les demi-heures, du lisier frais est pompé de la fosse tampon dans le digesteur tour de 12 m de haut, à raison de 8 à 10 m3 par jour. Le circuit fonctionne en continu. À chaque mètre cube de lisier frais arrivé, un volume équivalent de digestat est pompé et transféré dans une poche souple étanche de 1 000 m3 qui sert aussi à stocker le biogaz produit.
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