Du bois déchiqueté pour pallier le manque de paille

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Solution. En Isère, la raréfaction de la paille et l’importance de la ressource en bois poussent les éleveurs à tester d’autres substrats pour la litière des génisses et vaches taries.

les sécheresses qui se succèdent dans l’Isère font flamber le prix de la paille, poussant les éleveurs à rechercher des alternatives. L’utilisation de plaquettes de bois en litière commence à faire des adeptes. Cet hiver, le Gaec des Noyers, à Saint-Geoire-en-Valdaine, a sauté le pas. Les besoins en paille de leurs 220 bêtes sont loin d’être couverts par leurs 15 ha de céréales, même si les laitières sont en logettes. « On achète 100 tonnes de paille par an, explique André Bel, associé avec son frère Thierry. Mais cette année, le prix est monté jusqu’à 140 € la tonne livrée ! » Les plaquettes de bois, à aller chercher sur place à 20 km, coûtaient 50 à 55 €/t. Le calcul a été vite fait. « Même si l’on en passe un tiers de plus, cela nous revient moins cher. Début décembre, on a donc rapporté un camion de 15 tonnes de plaquettes sèches, prêtes à être utilisées, pour faire un test sur deux cases de génisses. » Stockées­ en silo couvert d’une bâche, les plaquettes sont emportées au godet à la stabulation puis réparties à la fourche. Une base paillée étant déjà en place, une couche de 15 cm de plaquettes a été ajoutée par-dessus. Deux fois par semaine, un godet de bois déchiqueté est déversé, ajoutant 10 cm d’épaisseur. « La litière n’a pas un aussi joli aspect qu’avec la paille car elle devient vite marron, observe André. Mais le bois absorbe bien l’humidité : les génisses restent propres. » Côté confort, rien à redire. « On avait un peu peur que les génisses se blessent les sabots à cause de ladécoupe grossière des plaquettes, qui font 3 à 5 cm, relate Thierry. Mais il n’y a aucun problème. » Il voit un autre intérêt : « Dans l’Isère, on a énormément de bocages et de noyers, et on est vite dépassés par la pousse. La litière est un bon moyen de valoriser ce bois. »

Des plaquettes et des écorces

Ce n’est pas Bruno Neyroud qui le contredira. Éleveur à Varacieux, il est aussi président de la Cuma Bois Énergie du Dauphiné, qui broie 40 000 à 50 000 m3 par an. Lui et ses associés du Gaec de Sully broient, pour leur part, quelque 1000 m3 par an. « On a 17 km de bordures de bois à entretenir, 25 ha de surface boisée et 15 ha de noyers en production, énumère-t-il. Entre les bois de taille et les dégâts de tempêtes, il faut trouver des débouchés. » Parallèlement, leurs 9 ha de céréales produisent trop peu de paille pour leur troupeau : 75 laitières en logettes et autant de génisses sur litière accumulée. Cette année, il manquera 10 t pour finir la saison. D’où l’idée de mettre des plaquettes de bois sous les génisses, depuis le mois de novembre. Pas de base paillée, ici : les génisses ont été installées directement sur une couche de 30 cm de bois déchiqueté. « Les trois premières semaines, on brasse une fois par semaine avec un gros cultivateur à dents, explique l’éleveur. Quand la litière est assez chargée, on ajoute de la paille par-dessus. On vide une fois dans l’hiver, et on recommence. » Avec ce système, le Gaec table sur une économie de huit à dix semaines de paille sur l’hiver. Autre avantage : « Les animaux ne s’enterrent pas : le bois donne plus de stabilité à la litière. » Cette nouvelle pratique s’ajoute à une autre plus ancienne : « Depuis des années, on incorpore des écorces de châtaigniers dans la litière : c’est doux pour les animaux et cela fait gagner presque 1,5 tdepaille par an. »

Pouvoir absorbant

Passées depuis deux ans sur des litières 100 % bois déchiqueté, les génisses et les taries du Gaec des Treize Fontaines, à Brézins, sont, elles aussi, plus propres. Ce qui se traduit par « un léger mieux à la remise en lactation », témoigne Aurélien Jay. Il juge le système peu contraignant. « On laisse d’abord le tas de plaquettes fermenter deux à trois mois dehors, sous une bâche respirante pour que l’air circule. Ensuite, on reprend au godet et on verse une bonne couche de 50 cm, qu’on égalise. Puis on n’y touche plus – les animaux se débrouillent. » L’éleveur reconnaît que « pour bien faire, il faudrait brasser une fois par semaine. Mais même ainsi, on arrive à laisser cette litière un mois avant de la vider ou de rajouter de la paille par-dessus. »

Le bilan dressé par Jérôme Huguet, au Gaec des Bergeronnettes, est plus nuancé. Faute de paille, ses génisses et taries sont passées sur une litière de bois déchiqueté depuis l’été. « Cet été, on était vraiment contents, se rappelle-t-il. Le bois absorbe énormément l’humidité et évite aux animaux de s’enfoncer. Mais cet hiver, avec de la pluie tous les jours et beaucoup de vent, ce n’est pas génial… Au lieu de s’écouler, l’eau est retenue par la litière, qui en est tout imbibée. » Dans l’idéal, il imagine un système hybride : « De la paille pour le couchage, et des plaquettes devant les cornadis, où la litière est la plus humide. Ainsi les animaux se saliraient moins, et on économiserait de la paille. »

Bérengère Lafeuille

© B. L. - Chez Bruno Neyroud, les génisses sont installées directement sur une couche de 30 cm de bois déchiqueté. « Quand la litière est assez chargée, on ajoute de la paille par-dessus. »B. L.

Aperçu des marchés
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Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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« La prairie multi-espèce a étouffé le ray-grass sauvage »

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