« Le pâturage assouplit la gestion de notre bâtiment »

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Observation. Nadine et Philippe Levillain connaissent bien le caractère de leurs vaches. Ils tiennent compte des rythmes individuels pour organiser la stabulation laitière.C. Hue
Observation. Nadine et Philippe Levillain connaissent bien le caractère de leurs vaches. Ils tiennent compte des rythmes individuels pour organiser la stabulation laitière.C. Hue (©C. Hue)

Sur le papier, la stabulation laitière de Nadine et Philippe Levillain héberge plus de vaches que sa capacité d’accueil. Dans la pratique, l’hiver, chaque vache a une logette. Le pâturage permet d’augmenter l’effectif à partir de mars.

Chez Nadine et Philippe Levillain, le pâturage est le pivot de l’alimentation fourragère et de la gestion de la stabulation laitière. Leur parcellaire le permet. Les prairies permanentes sont bien groupées autour du siège d’exploitation. Les vaches traites accèdent ainsi toute l’année au pâturage, à l’exception d’une quinzaine de jours au milieu de l’hiver.

« Il aide à gérer notre manque d’autonomie fourragère. Nous achetons chaque année 10 ha de maïs, 10 ha d’herbe et 100 tonnes de betteraves fourragères pour nourrir nos 215 vaches et élèves », indiquent Nadine et Philippe. Le pâturage aide aussi à amortir l’agrandissement du troupeau, commencé en 2015. « Jusque-là, nous gérions 80 à 85 vaches en société civile laitière avec un voisin. Les laitières et les taries étaient logées dans la stabulation. Il a arrêté le lait cette année-là pour se recentrer sur la viande bovine et les céréales. Nous avons décidé de saturer le bâtiment avec les femelles en lactation et d’en construire un nouveau pour les taries et les génisses gestantes. Depuis 2015, chaque catégorie d’animaux a son propre bâtiment, adossé à un lot de prairies (plan page suivante). »

« Nous réformons l’hiver pour ajuster l’effectif »

Le troupeau compte aujourd’hui en moyenne 115 vaches (en lactation et taries) mais avec des variations dans l’année. Le nombre de vaches traites monte jusqu’à 108 entre mars et novembre, et descend à 90 les trois mois d’hiver. Nadine et Philippe calent en fait l’effectif hivernal sur la capacité d’hébergement de la stabulation construite en 2003 :90 logettes, et 84 places aux cornadis.« Les vêlages étant étalés toute l’année, avec tout de même un petit pic en mars et en septembre, l’ajustement se fait essentiellement par des réformes. Les femelles concernées sontfiniesdans un bâtiment qui leur est consacré. »

Cette stratégie permet de proposer, l’hiver, un couchage par vache. Elle est combinée à un libre accès à deux paddocks de 1,5 ha après la traite du matin. Les laitières bénéficient ainsi de plus d’espace et de liberté de mouvement… si elles en ont envie. « Il n’y a pas de règles à leurs allées et venues, constate Nadine. Elles peuvent être de retour dans le bâtiment avant midi ou après. Nous n’observons pas de mamelles plus sales à cause des prairies humides. » Parallèlement, le couple et leur salarié­, Tonny Herry, veillent à la propreté des logettes (tapis + paille broyée). Ils nettoient trois fois par jour les deux rangées de logettes installées face à face et programment le raclage des deux couloirs cinq ou six fois dans la journée. « Ils viennent d’être rainurés pour améliorer le confort de circulation des animaux », précise Philippe.

Avec un peu moins de places aux cornadis que de vaches, c’est finalement l’accès à la table d’alimentation qui peut être délicat en hiver. Les éleveurs remédient à ce problème en appliquant astucieusement la circulation semi-dirigée utilisée en traite robotisée (schéma ci-contre). La traite étalée sur deux heures – grâce aux 12 postes en TPA sur un seul quai – et un jeu de barrières régulent leur venue aux cornadis juste après. Les trois quarts des laitières sont ensemble à l’auge. Bloquées, elles y restent une petite heure. Leur libération est synchronisée avec la venue des dernières.

« Nos vaches s’adaptent elles-mêmes à cette organisation, observe le couple. Certaines choisissent d’être dans les dernières traites. D’autres préfèrent se coucher après et attendre tranquillement que passe la grande vague des vaches aux cornadis. » La ration étant distribuée deux fois par jour, ce scénario a lieu matin et soir, et nécessite de connaître le caractère des vaches. C’est le cas de Nadine et Philippe, qui ont le souci d’une observation régulière. Les vaches le leur rendent bien, si l’on en juge des câlins qu’elles leur prodiguent ! Cette régulation de l’accès à l’auge s’impose encore plus à l’arrivée des nouvelles lactations à partir du printemps. En effet, même si les éleveurs ont la volonté de maximiser le pâturage pour réduire le coût alimentaire, ils ne renoncent pas au maïs ensilage comme source d’énergie toute l’année.

« Au pâturage, nos vaches décident de leur retour vers la stabulation »

Avec un effectif qui peut flirter avec les 115 vaches durant la saison d’herbe, le pâturage apporte également une réponse aux dix à quinze vaches de plus que la capacité de couchage­. Ils ont décidé d’aller jusqu’au bout de cette logique en faisant confiance à leurs animaux. « Depuis 2018, nous ne clôturons pas la parcelle. Entre elle et le bâtiment, ils peuvent aller et venir librement. Selon leur envie et la météo du moment, les vaches choisissent de rester dans la prairie ou de rentrer. » Ils se disent même surpris de leur comportement durant les fortes chaleurs : alors que les 26 ha de prairies naturelles qui leur sont dédiées sont jalonnés de haies, elles préfèrent se réfugier à l’intérieur. Ces 26 ha sont divisés en 8 parcelles : 4 parcelles de jour de 5 ha, et 4 parcelles de nuit de 1,5 ha juste à côté de la stabulation. « Elles y restent une semaine mais le changement des paddocks “jour” et “nuit” s’effectue respectivement en fin et milieu de semaine pour proposer de l’herbe fraîche. » Les 500 mètres de chemins progressivement créés et mis en état depuis dix ans facilitent leurs déplacements. Le couple voit deux autres avantages à cette circulation libre. D’une part, les vaches évitent l’attente debout derrière le fil électrique lors de leur retour vers la salle de traite. D’autre part, elles sont actrices de la conduite qu’il leur propose. Dans le jargon du bien-être animal, on parle « d’émotions positives ». « Nous pourrions la simplifier par une production par vache plus élevée (8 600 kg brut/VL en 2020) pour moins de vaches. Cela demanderait plus de temps de surveillance, que nous n’avons pas, car nous avons tous les deux des responsabilités professionnelles. » Leurs frais vétérinaires inférieurs de 2 €/1 000 l à la moyenne de leur groupe de comparaison (11 €, contre 13 €) et les frais d’élevage quasi équivalents (22 €, contre 21 €) les rassurent.

Claire hue
Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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