
Bilan. Les semis tardifs ont été particulièrement pénalisés par un été torride. Ce cru 2022 est souvent pauvre en amidon et la digestibilité des fibres ne compensera pas cette lacune. La complémentation de ce fourrage impactera le coût alimentaire.
Alors qu’elles restaient stables depuis des décennies (entre 1,4 et 1,5 Mha), les surfaces en maïs fourrage diminuent depuis deux ans (1,27 Mha en 2022). Une tendance sans doute structurelle, liée à la baisse du troupeau laitier. Mais cette année météorologique très particulière a sans doute favorisé les transferts de maïs grain vers le maïs fourrage. Au printemps 2022, l’affaire avait pourtant bien commencé. Les semis, souvent très groupés, fin avril, début mai (dates classiques recommandées), ont bénéficié de températures excédentaires pour des levées et un recouvrement de l’interrang très rapides. On a pu noter une moindre pression des adventices, et globalement, moins de dégâts des ravageurs, même avec les corvidés, du fait d’un tir groupé pour les semis et de l’usage plus fréquent du traitement de semence à base de zirame. Ces bonnes conditions de démarrage et d’implantation des cultures auront joué un rôle non négligeable dans le rendement final constaté. Malgré les conditions extrêmes qui ont suivi, ce qui est acquis est acquis et beaucoup de maïs affichaient encore une belle promesse jusqu’à la floraison. Ce ne fut pas le cas de ceux semés plus tardivement, après des dérobées ou des méteils, dans des sols secs, et qui ont subi un mois de mai déficitaire en pluie.
Un mois de juillet jamais vu
Ensuite, la deuxième partie du cycle végétatif a connu un bilan hydrique très défavorable (en moyenne moins de 10 mm sur le mois de juillet, le plus sec jamais enregistré) avec des températures excédentaires, associées à plusieurs périodes de canicules à plus de 35 °C. La floraison s’est faite avec une avance de dix à quinze jours, ce qui est considérable. Ce stress hydrique et les températures les plus élevées ont eu lieu pendant la phase sensible du maïs, du stade dix feuilles à trois semaines après la floraison. Le blocage des soies a entraîné un défaut de fécondation affectant le nombre de grains par épi. Ensuite, plusieurs de ces grains ont avorté ou se sont mal remplis. Le dessèchement du feuillage a commencé en pleine floraison, courant juillet. Dans les situations les plus critiques, des plantes ont été brûlées par les températures extrêmes et les premiers ensilages ont commencé dès le 20 juillet dans certaines régions (Centre-Est, Rhône-Alpes), du jamais-vu, avec des maïs desséchés et sans grains. Ce sont encore les semis les plus tardifs (après le 10 au 15 mai) qui ont été très pénalisés. Les situations plus favorables concernent les bordures maritimes de la Manche et des sols profonds qui ont pu profiter du retour tardif de la pluie avec les orages de mi-août. Ensuite, le mois de septembre a été plus normal en matière de températures et de pluies. Mais, de manière générale, les chantiers d’ensilage ont eu trois à quatre semaines d’avance.
Petits rendements
Le bilan final est un rendement national bas à 11,3 t de MS/ha. C’est une tonne de moins que la moyenne quinquennale (2017-2021) et un grand écart avec le rendement 2021 (15 t/MS). Certaines régions ont mieux résisté que d’autres, comme la Picardie ou le Nord-Pas-de-Calais. Des régions à forte densité de maïs fourrage, comme la Bretagne et surtout les Pays de la Loire, sont très affectées (voir tableau). Les disparités de rendement intrarégion, voire intradépartement, sont aussi très importantes. Cependant, réaliser 11-12 t de MS/ha après avoir subi un tel stress climatique tient presque de la performance. D’autres années, moins extrêmes, ont abouti à des rendements inférieurs à 2022 : citons 2003, 2006 ou 2016. « Le progrès génétique permet sans doute davantage de rusticité, mais ce sont surtout les bonnes conditions d’implantation des semis précoces qui ont sauvé la mise dans bien des situations », explique Michel Moquet, ingénieur maïs fourrage chez Arvalis.
Stratégies d’évitement ?
Toujours est-il que le maïs est une culture qui se développe à une période de l’année où les effets du changement climatique sont les plus marqués. Quels leviers d’adaptation ou d’évitement actionner ? Utiliser des variétés plus tardives ? « C’est une tendance que nous observons, mais elle comporte des risques. D’abord, la qualité nutritionnelle des maïs tardifs n’est pas équivalente à celle des séries plus précoces. Et certaines années, comme 2021, peuvent encore être froides et n’emmèneront pas ces variétés tardives à maturité », explique Michel Moquet. Semer beaucoup plus tôt permettrait-il d’avancer la floraison à une période moins risquée ? Là aussi Arvalis met en garde. « La météo d’avril peut être très variable d’une année à l’autre. En condition froide, un semis de début avril se traduira par une levée très ralentie avec des risques importants de battance des sols et de dégâts de ravageurs. Or, il faut toujours viser une levée homogène et synchrone. Ensuite, il est impossible de prévoir la période de stress thermique, donc parier sur une floraison précoce n’est pas une assurance tous risques. Aujourd’hui, la meilleure des stratégies est de se préparer aux récoltes précoces de façon à ne pas se laisser déborder par la maturité des plantes et aussi, de prévoir des surfaces tampons récoltées en grain si le rendement est au rendez-vous. »
Peu d’amidon et beaucoup de fibres
Le bilan de campagne d’Arvalis sur la qualité des ensilages se base sur plus de 11 200 analyses provenant de toute la France. La teneur en matière sèche (MS) de ces ensilages est élevée à très élevée. La moyenne est à 35 % de MS mais 25 % des chantiers sont au-delà des 38 %. Il y a eu une évolution très rapide du % de MS (grains et tige/feuilles) en août. Assez curieusement, ce sont les régions les moins touchées par le dessèchement végétatif, comme le Nord-Pas-de-Calais ou la Picardie, qui se sont laissées déborder par la maturité des plantes. Dans l’Ouest, la mobilisation des Cuma et ETA en août a pu limiter les récoltes trop tardives. Même si cela reste anecdotique pour du maïs, la teneur en MAT des ensilages 2022 est assez élevée (7,7 %) en lien avec la faiblesse des rendements qui créé un effet de concentration.
Mais c’est le manque de teneur en amidon qui caractérise ce cru 2022 : une moyenne de 27,5 % (4 points de moins qu’en 2021) et un tiers des ensilages qui sont à moins de 25 % d’amidon. Les Pays de la Loire, le Centre, la Bourgogne paient cher le défaut de fécondation lié au stress thermique et hydrique avec parfois des fourrages à moins de 10 % d’amidon. Globalement, la teneur en grain est faible. Il n’y a guère que la bordure maritime de la Manche et le Sud-Ouest qui présentent des ensilages bien pourvus en amidon.
Ces ensilages de maïs 2022 sont donc riches en fibres et la digestibilité de l’appareil végétatif (tige/feuilles) est supérieure à 2021 du fait d’un cycle raccourci. Elle n’égale pas pour autant la digestibilité des années 2018-19-20. Des feuilles brûlées par les températures extrêmes et un blocage de la photosynthèse ont sans doute pénalisé la teneur en sucres solubles des plantes. « La quantité de fibres indigestibles (NDFnd) des maïs 2022 est la plus élevée de ces dix dernières années. En l’associant à une faible teneur en amidon, cela ne présage rien de bon pour la valorisation par les vaches laitières », avertit Hugues Chauveau d’Arvalis. Résultat, la teneur en énergie est faible avec 50 % des ensilages qui affichent moins de 0,90 UFL/kg de MS. « Il faudra surveiller la qualité de conservation et prendre avec prudence le cubage des silos avec des maïs desséchés pauvres en grains qui présentent une densité très diminuée. Le peu d’amidon de ces ensilages autorise l’utilisation d’une complémentation à base de céréales à paille ou d’aliments liquides. Étant donné la richesse en fibre, l’utilisation de levures ou d’enzyme pourrait être intéressante pour la dégradation de la cellulose. Enfin, avec ces maïs très différents de 2021, la transition entre les silos devra être longue. »
Rendements 2022 : de gros écarts entre régions | ||||
Surface 2022 (Kha) | Rdt 2022 (tMS/ha) | Rdt 2017-2021 (tMS/ha) | Écart % rdt (2022/moy. 5 ans) | |
Bretagne |
276,5 | 12,5 | 13,4 | - 7 % |
Pays de la Loire | 248,4 | 10 | 12,2 | - 18 % |
Basse-Normandie |
182,1 | 13,5 | 14,3 | - 6 % |
Lorraine |
88 | 9 | 10,8 | - 17 % |
Nord-Pas-de-Calais | 62,3 | 15,5 | 15,7 | - 1 % |
Poitou-Charentes |
44,8 | 9,5 | 11,7 | - 19 % |
Haute-Normandie |
44,7 | 14 | 14,7 | - 5 % |
Rhône-Alpes |
44 | 8 | 10,5 | - 24 % |
Picardie |
43,1 | 15 | 14,9 | +1 % |
Champagne-Ardenne |
41,2 | 11 | 11,2 | - 2 % |
Auvergne |
32,9 | 8 | 9,5 | - 16 % |
Midi-Pyrénées |
29,4 | 8,2 | 9,6 | - 15 % |
Centre |
29,2 | 9,5 | 9,7 | - 2 % |
Bourgogne |
27,1 | 7,7 | 9,6 | - 20 % |
Limousin |
25,2 | 8 | 11,3 | - 29 % |
Franche-Comté |
18,9 | 8 | 11 | - 27 % |
Aquitaine |
18,6 | 11 | 14 | - 21 % |
Alsace |
13,3 | 13,5 | 14,7 | - 8 % |
Île-de-France |
1,6 | 10 | 9,9 | + 1 % |
Languedoc-Roussillon |
0,7 | 6 | 7,7 | - 22 % |
Provence-Alpes-Côte d’Azur |
0,4 | 7,5 | 8 | - 6 % |
France métropolitaine |
1 272 | 11,3 | 12,5 | - 10 % |
Source : Agreste-Arvalis |
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