Expérimentation. Deux essais conduits à la ferme d’AgroParisTech valident l’écart de rendement comparé à des maïs cornés dentés. La grande richesse en amidon s’exprime aussi dans les résultats. La digestibilité des fibres est plus difficile à apprécier.
En 2016 apparaissait un nouveau type de maïs hybride appelé denté farineux issu de la sélection Pioneer sous la marque m3 ( « m cube »). Sa souche est une génétique dentée qui a été rendue plus précoce et plus digestible. Sa particularité : elle peut s’ensiler jusqu’à 38-40 % de MS pour plus de souplesse à la récolte. À ce stade de maturité, la plante a continué d’accumuler de l’amidon afin de gagner en rendement. Pioneer annonce 1 à 2 t de MS/ha supplémentaires. Potentiel réalisable avec un corné denté, mais qui présenterait alors un amidon vitrifié peu accessible aux ruminants. À l’inverse, les maïs dentés farineux conservent, à maturité élevée, un amidon tendre, donc très digestible. Et, cerise sur le gâteau, la génétique m3 a été travaillée pour atteindre un stay green suffisant de l’appareil végétatif, capable d’offrir une digestibilité des fibres importante et une bonne conservation au silo. « Car c’est bien la richesse en amidon supérieure qui permet cette teneur en MS élevée », insiste Loïc Aubry, chez Pioneer.
Les annonces du semencier sont séduisantes, si l’on compare à un corné denté : plus de rendement (+ 1 à 2 t de MS/ha), plus d’amidon (+ 1 à 5 %), plus d’amidon digestible (+ 25 %), soit + 100 à 200 €/ha. Ajoutons à cela une plus grande souplesse à la récolte, des grains faciles à éclater, avec un amidon digestible dès l’ouverture du silo à l’automne. Des qualités qui demandaient une validation du terrain, notamment sur le comportement agronomique et les qualités nutritionnelles des hybrides m3. Deux essais conduits à la ferme d’AgroParisTech, à Grignon (Yvelines) en 2016, puis en 2018, apportent des informations objectives sur les performances agronomiques et zootechniques.
+ 3 tonnes de matière sèche par hectare d’écart
Le premier essai a comparé l’hybride denté farineux P8500 à un témoin corné denté de même classe de précocité. Ce dernier a été ensilé le 26 août à 33 % de MS, avec un rendement de 13 t de MS. À ce stade de récolte habituelle d’un ensilage de maïs, on observait déjà un rendement supérieur de 1,2 t pour le P8500 (14,2 t/ha). Quatorze jours plus tard, le 9 septembre, il atteignait la maturité recherchée à 39,1 % de MS avec un rendement de 16 t de MS/ha. Donc 3 t de MS supplémentaires pour le denté farineux récolté à sa maturité optimale. Pour info, à ce stade plus tardif, le corné denté n’avait gagné que 0,8 t, à 13,8 t de matière sèche par hectare.
Plusieurs analyses ont été effectuées en vert et après conservation. PierreHenri Pomport, directeur adjoint de la ferme de Grignon, insiste sur une interprétation prudente de ces données du fait d’un manque de fiabilité. Néanmoins, on peut observer une moindre dessiccation du P8500 par rapport au témoin. Même avec 6 points de MS supplémentaires, cela se traduit par une dNDF (digestibilité de la fibre) supérieure de 5 %. Sans surprise, l’hybride denté est beaucoup plus riche en amidon et plus pauvre en cellulose. Au final, l’écart de production d’UFL par hectare est très net : 12 740 pour le témoin, contre 15 520 pour le P8500.
Un peu plus de lait, mais surtout plus d’ingestion
L’essai zootechnique s’est réalisé sur dix semaines avec deux lots homogènes de 30 vaches. L’un recevait l’ensilage maïs témoin ensilé à 33 % de MS, l’autre l’ensilage de P8500 à 39,1 % de MS. À part cela, les rations étaient strictement identiques avec 53 % d’ensilage maïs, 12 % de maïs épi, 9 % d’ensilage luzerne et 4 % de foin de luzerne. Le correcteur azoté est uniquement du tourteau de colza.
Le premier résultat marquant fut la différence d’ingestion entre les deux lots en faveur du lot m3 : + 2,8 kg de MS/j/VL. « La teneur en MS a un effet positif sur l’ingestibilité du maïs ensilage. La teneur en amidon lent du fait d’une récolte plus tardive accélère aussi le transit, et donc le niveau d’ingestion », explique Pierre-Henri Pomport. La production laitière à 33,5 kg/VL/jour est significativement supérieure de 0,8 kg par rapport au témoin. Idem pour le TP : + 0,7 g/l. Mais le phénomène est inverse pour le TB : - 1 g/l ce qui correspond à une ration plus riche en amidon. La synthèse de matière protéique reste plus élevée alors qu’il n’y a pas de différence sur la synthèse de matière grasse. « D’un point de vue zootechnique, l’efficacité alimentaire s’est dégradée à cause de l’ingestion plus élevée sur le lot P8500 », note Pierre-Henri Pomport. Il faut noter que le profil en acide gras du lait diffère en faveur du lot expérimental avec davantage d’acides gras poly-insaturés et moins d’acide palmitique.
Une marge brute améliorée dans tous les cas
Avec l’outil de simulation Perf’Agro, AgroParisTech a aussi voulu évaluer l’intérêt économique du P8500 en utilisant les données de l’expérimentation et celles de la ferme de Grignon : soit 190 vaches, 1,7 Ml de lait vendus, 377 ha dont 88 ha d’ensilage maïs et 100 ha de prairies, etc. Quels que soient les scénarios : production de lait constante ou en augmentation, l’usage de l’hybride P8500 augmente la marge brute de la ferme de Grignon. Le principal levier est la hausse de rendement de 3 t de MS/ha qui permet de réduire la surface en maïs ensilé pour augmenter la surface en SCOP de + 19 à + 24 ha selon les scénarios. Les ventes de céréales augmentent donc de 17 000 à 23 000 €. Les ventes de lait progressent aussi : + 15 000 € si l’on intègre une hausse des livraisons de 2,4 % et une composition améliorée (+ 2 100 €). « L’introduction du maïs ensilage P8500 améliore la marge brute de l’exploitation dans tous les scénarios entre 2,5 et 3,9 %, sous l’effet de la hausse des ventes des cultures, la baisse du coût de production du maïs ensilage (- 14 €/t de MS) dû à la hausse du rendement mais aussi la hausse du produit lait. Au niveau de l’atelier lait, la marge sur coût alimentaire s’améliore de 7 à 10 €/1 000 l. »
À 42 % de MS, pas d’effet sur le lait
Toujours à la ferme expérimentale de Grignon, un deuxième essai a été conduit en 2017-2018 avec un protocole similaire au précédent, mais en utilisant un autre hybride m3 et des rations intégrant 10,6 kg de matière sèche d’ensilage de maïs. La culture du maïs a connu des conditions froides après le semis et un été sec, conduisant à un stress hydrique important dès la fin juillet.
Mais la particularité de l’essai est une récolte beaucoup trop tardive pour les deux hybrides comme cela se produit trop souvent chez les éleveurs. Au 31 août, le corné denté a été récolté à 36 % de matière sèche pour un rendement de 15,1 t de MS/ha. Le 12 septembre, le P8888 atteignait 17,1 t de MS/ha avec 42 % de MS, beaucoup trop sec aussi. La hausse de rendement est donc de 2 t de MS/ha entre le témoin et le m3 à douze jours d’intervalle. Les résultats zootechniques sont assez différents du précédent essai. Ici l’ingestion est similaire entre les deux lots et l’efficacité alimentaire est quasiment identique. De l’analyse statistique, il ressort que la distribution d’environ 45 % d’ensilage de maïs dans la ration à deux lots de 30 vaches laitières n’a pas eu d’impact sur la production laitière brute. De la même manière, aucune différence significative n’apparaît sur le taux protéique et le taux butyreux. Comme précédemment le profil acide gras du lait diffère en faveur du lot essai (m3). L’observation d’une hausse de la teneur en lactose et d’une moindre teneur en BHB laisse supposer l’augmentation de la production de propionate ruminal. Elle s’expliquerait par une plus forte quantité d’amidon dégradée dans le rumen pour le lot m3 permise par une dégradabilité plus importante de l’amidon ou simplement par plus d’amidon. Logique pour un denté farineux à ce stade de maturité.
Moins d’émissions de méthane
Dans un essai parallèle à celui-ci, AgroParisTech a mesuré l’effet de ces deux maïs ensilage sur les émissions de méthane entérique. La baisse des rejets de méthane observée est de 5 % par jour et de 7 % par kilo de matière sèche ingérée avec le P8888. « Cette baisse des émissions de méthane assez significative est cohérente avec l’hypothèse d’une augmentation de la production de propionate dans le rumen », conclut Pierre-Henri Pomport.
La simulation Perf’Agro appliquée à l’utilisation du maïs P8888 a permis aussi une amélioration de la marge brute de 1,8 % sous l’effet de la hausse des cultures de vente, la baisse du coût de production du maïs ensilage (- 10,70 €/t de matière sèche). Cela est intégralement le fait de la hausse du rendement puisque la production laitière n’a pas augmenté. La marge sur coût alimentaire s’est améliorée de 3 à 5 €/1 000 litres.

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