
Ensilages. En sol séchant, la dérobée fourragère ne pénalise pas le rendement du maïs semé à sa suite. C’est même le contraire, selon un essai de la chambre régionale d’agriculture de Normandie.
En sol séchant, une dérobée fourragère semée en fin d’été, entre une céréale et le maïs, pénalise-t-elle le rendement du maïs implanté dans la foulée de sa fauche ? Ne fragilise-t-elle pas son installation en prélevant l’eau du sol pour ses propres besoins ? Ce phénomène ne s’accentue-t-il pas lorsque les pluies peinent à arriver au printemps ? À ces trois questions, pour le Grand Ouest, la chambre d’agriculture régionale de Normandie répond « non dans la majorité des cas ». « C’est le contraire, indiquent Claire Caraes et Clément Chevalier, deux de ses agronomes. En hiver, sous l’effet des pluies, le sol nu se compacte. Une croûte de battance se forme. Il est alors moins aéré, plus difficile à travailler au printemps. Emmagasinant la chaleur extérieure, sa température est plus élevée de 1 °C à 3 °C que celle du sol avec un couvert végétal, avec une évaporation plus importante de l’eau. » En d’autres termes, le couvert végétal tamponne la température du sol et régule ainsi l’évaporation.
4 à 6 t de MS/ha de plus qu’un maïs seul
Les deux essais menés dans le Calvados et l’Eure en 2020-2021 sur sol séchant illustrent bien le phénomène. Les maïs ensilages précédés d’une culture dérobée ont, a minima, un rendement équivalent à celui du maïs semé dans un sol nu l’hiver. Précisons que le printemps et l’été 2021 ont été bien arrosés. Ils n’ont pas souffert d’un manque de pluie. L’infographie ci-contre présente les résultats du Calvados. « Dans tous les cas, si l’on cumule les récoltes de maïs et de la dérobée, le rendement total est supérieur de 4 à 6 t MS/ha, y compris lorsque la dérobée fourragère ne reçoit pas d’azote minéral en sortie hiver. » Dans ce dernier cas, l’interculture doit être impérativement composée de légumineuses, en pur ou à 70 % d’un mélange avec une graminée. « Les légumineuses sont également bénéfiques pour le maïs. Dans le Calvados, le trèfle d’Alexandrie, conduit sans azote minéral, le montre. Il n’a pu être récolté au printemps mais le rendement du maïs est supérieur de 0,9 t de MS à celui du maïs sol nu. »Relativement sensible au gel, le trèfle d’Alexandrie est plutôt conseillé pour des dérobées récoltées en été ou à l’automne.
Sans surprise, ces essais confirment également que la teneur en matière azotée totale (MAT) augmente avec la proportion de légumineuses… Et selon la date de récolte. « Pour des raisons météorologiques, le ray-grass d’Italie (RGI), pur et en mélange, a été ensilé au stade épiaison (le 4 mai), ce qui a pénalisé la MAT (NDLR respectivement 10,2 % et 12 % kg de MS, voir infographie). Le stade de récolte recommandé est à épi 10 cm dans la gaine », précise Claire Caraes.
Quelle dérobée fourragère choisir ?
La dérobée fourragère doit répondre à trois objectifs : un bon compromis de date d’ensilage pour 4 à 5 t de MS/ha riches en protéines, un travail du sol le plus simple possible avant le semis du maïs et un coût opérationnel raisonnable. « Selon l’interculture, il faut compter entre 80 € et 190 €/ha de charges opérationnelles ou entre 18 € et 30 €/t de matière sèche », indique Clément Chevalier. C’est ce qui ressort d’une nouvelle expérimentation dérobées + maïs, en cours dans le Calvados, à partir de neuf mélanges semés en septembre 2021. Et le conseiller fourrages de préciser : « Sur les mélanges graminées + légumineuses, l’apport de 30 unités d’azote augmente le coût total à l’hectare. Néanmoins, lorsqu’ils intègrent de la vesce, très productive, à la tonne de matière sèche, leur coût descend à la moyenne (encadré p. 49). Les mélanges de trèfles sans azote minéral, eux, sont les moins chers. » Toujours dans cet essai en cours, il est en de même pour le kilo de MAT. « Plus on mise sur une forte proportion de légumineuses et moins sur la fertilisation azotée, moins le mélange est coûteux, résume Clément Chevalier. Encore plus dans le contexte actuel, à près de 2,50 € l’unité d’azote. »
Choisir en fonction du maïs. La culture guide le choix de la dérobée, et non l’inverse. Or, vu la pluviométrie désormais incertaine d’une année sur l’autre au printemps, sur sol séchant, de plus en plus d’éleveurs préfèrent semer autour de la mi-avril pour augmenter les chances d’en bénéficier. « Les mélanges RGI + trèflessont bien adaptés aux récoltes précoces, avancent les deux agronomes. Parmi les trèfles, le squarrosum est un peu plus précoce que l’incarnat, donc à privilégier. Les mélanges seigle + vesce + trèfles sont également bien adaptés en préférant une vesce velue et un seigle fourrager, plus précoces. »
Selon le taux de salissement de la parcelle. C’est l’autre fil conducteur pour définir sa dérobée. « En zone salissante, une dérobée d’uniquement un ou plusieurs trèfles est déconseillée car ils couvrent lentement le sol. Les adventices ont le temps de se développer. Mieux vaut donc les associer à une ou plusieurs graminées (RGI, seigle, avoine) qui s’implantent plus rapidement. » En parcelle saine, si la solution trèfles est retenue,l’essai montre que l’incarnat et le squarrosum semés purs (20 kg / ha) tirent leur épingle du jeu à la fois en biomasse et en MAT (voir infographie). En Normandie, Bretagne et Pays de la Loire, il est recommandé de ne pas les semer avant le 10 septembre pour éviter leur gel en hiver. « L’incarnat est un trèfle délicat. Il demande une fauche à plat pour protéger les feuilles. Cela exige une certaine technicité », complètent les deux conseillers fourrages.
Le ray-grass d’Italie est-il toujours dans la course ?
L’élargissement de la gamme de trèfles et la flambée du prix de l’azote minéral font perdre en intérêt le RGI. « Le RGI pur est intéressant pour sa biomasse. Dans notre essai, il obtient le meilleur rendement des dérobées : 5,6 t MS/ha. En revanche, il demande une forte fertilisation azotée : jusqu’à 90 kg/ha en sortie hiver. » Autre inconvénient du RGI pur : la nécessité de labourer avant le semis de maïs pour désagréger le système racinaire puissant en surface (voir photo page suivante). « L’alternative est de l’associer à une ou plusieurs légumineuses au système racinaire fasciculé aéré qui affine le sol en surface.C’est ce qui s’est passé avec notre mélange RGI + trèfle incarnat. » Cette alternative permet également de réduire la fertilisation à 30 kg d’azote minéral/ha (résultats dans l’infographie).« En mélange graminées + légumineuses, 30 à 40 unités sont la dose optimum pour un gain de rendement de + 0,5 à + 1 t MS/ha, et au moins 12 % de MAT. » Enfin, derniers arguments en défaveur du RGI, en pur ou en mélange : le risque de repousse dans la culture suivante et sa sensibilité à la rouille. « La comparaison des variétés sur le site herbe-book.org aide à en choisir une résistante à la rouille. »
Réaliser une coupe ou deux coupes ?
L’essai sur sol séchant ne répond pas à cette question puisque les résultats portent sur une seule coupe début mai. « Il est plus facile de gérer la dérobée fourragère en une seule coupe qu’en deux, c’est-à-dire l’une en décembre, et l’autre autour de la mi-avril », estiment malgré tout Claire Caraes et Clément Chevalier. En deux coupes, l’interculture doit être semée plus tôt, au maximum au 15 août, pour augmenter la biomasse récoltée en fin d’année. « Mais le risque est des conditions météorologiques ne permettant pas sa fauche, ce qui complique sa gestion les mois suivants. » De plus, sur sols séchants, la stratégie d’un semis du maïs à la mi-avril est moins sécurisée, la date de la deuxième coupe étant plus aléatoire. « Si la dérobée fourragère en deux coupes est privilégiée, le trèfle incarnat, en mélange ou en pur, est à proscrire. Coupé au stade de boutons floraux à l’automne, il ne repousse pas. »
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