Le succès de la filière comté, qui émerveille aujourd’hui tout le monde, s’est joué à quelques riens il y a une cinquantaine d’années.
Une chance pour le massif du Jura que les hauts fonctionnaires soient mutés. Ceux qui y ont sévi dans les années soixante-dix auraient pu avoir la peau des fruitières et de la réussite économique du comté. Ces coopératives villageoises, qui produisent 80 % des tonnages de cette AOP, ont été un frein essentiel à la prise en main de la filière par des groupes industriels. Nul doute que si elles avaient disparu ou s’étaient noyées dans bien plus gros qu’elles, leurs sociétaires n’auraient pas le retour de la valeur ajoutée qui fait approcher leur lait des 600 €/1 000 l. Ces 150 fruitières sont aussi les garantes d’une diversité de goûts, reflet des terroirs, à la base du succès commercial du comté.
À cette époque révolue où Paris décidait de tout, ces fonctionnaires en poste en Franche-Comté avaient en tête de remplacer ces fruitières (400 en 1975) par une poignée d’usines. Des professionnels du Doubs avaient même été invités en Bavière pour découvrir ces sites tout Inox. « Nous ne subventionnerons que ce type d’usines aptes à produire à moindre coût pour concurrencer l’emmental », leur avait-on dit à la fin du voyage.
Des voix précieuses qui, par chance, ont manqué à la FNSEA
Heureusement, ces « visionnaires » n’ont pas fait carrière et ceux qu’on raillait du nom « d’antiquaires », coopératives du Jura en tête très attachées à leur comté, leur ont tenu tête. Ils ont été avantageusement remplacés par un « Draaf », sensible aux terroirs. Il n’était pas jurassien pour rien.
Le comté aurait pu aussi se noyer dans les pâtes pressées cuites et le CIGC, interprofession du comté, ne jamais prendre son envol.
À l’époque, deux thèses s’affrontent. Celle de la FNSEA, portée par Michel Jeannerod, président de la FDSEA 25, prône un prix du lait garanti minimum pour tous, décidé en Criel, et raisonne pâtes pressées cuites (emmental, comté et beaufort) dans leur ensemble au sein du SIGF (Syndicat interprofessionnel du gruyère français), sous l’égide du Cniel. L’autre, plébiscitée par Jean-Marie Pobelle, président de la chambre d’agriculture du Doubs, défend le particularisme local représenté par le comté et une politique de l’offre fondée sur un produit de qualité pour un prix du lait « maximum ». Et pour ce faire, avec l’appui des FDCL, il œuvre au renforcement du CIGC et au développement de son bras armé pour booster la qualité, le CTC (Comité technique du comté), court-circuitant l’ITG (Institut technique du gruyère), sous l’égide du SIGF. Signe patent de ce conflit qui dura dix ans, pour son troisième mandat à la chambre en 1983, Jean-Marie Pobelle ne sera élu, face à un FDSEA, qu’à une voix d’avance, grâce à l’appui du président de la FDCL du Doubs. C’est aussi grâce au non-soutien osé d’un élu FDSEA du Jura que Michel Jeannerod a raté d’une voix la présidence du CIGC. Nul doute qu’avec lui, les discussions sur le renforcement du cahier des charges, force aujourd’hui du comté, auraient pris une autre tournure. Probable aussi que le CIGC se soit dissous dans le SIGF, disparu aujourd’hui.

Les anomalies génétiques qui impactent le troupeau laitier français
Le Herd-Book Charolais propose un outil pour prévoir la longévité des vaches
Les élevages bovin viande bio rentables, malgré seulement 0,05 €/kg de plus qu’en conventionnel
« Nous avons investi 1,1 M€ pour avoir une vie normale »
Les députés adoptent une série d'amendements attendus par les agriculteurs
L'Union européenne veut renforcer le soutien aux jeunes agriculteurs
Savencia et Eurial réduisent ensemble leur empreinte carbone
Forte tension sur les engrais azotés : les prix flambent en Europe
Qui sont les gagnants et les perdants de la Pac 2023-2027 ?
Comment inciter les éleveurs à se lancer en bio ?