
À Guémené-Penfao (Loire-Atlantique), le Gaec des Landelles livre 3 millions de litres de lait chaque année. En cinq ans, les 210 vaches ont augmenté leur production moyenne de 37 % en lait corrigé, grâce notamment à un travail sur l’alimentation.
Francis Fardouet, spécialiste en économie de l’élevage chez Terrena, n’a jamais vu cela. « Avec 3 millions de litres de lait par an, cela représente 1 million de litres par unité de main-d’œuvre, c’est 2,5 fois de plus que la moyenne française ! », s’enflamme-t-il. Pour arriver à un tel niveau de productivité, le Gaec a mis les moyens, depuis cinq ans.
Ce travail commence en 2018, lorsque trois exploitations agricoles fusionnent, sur cette commune située à mi-chemin entre Nantes et Rennes. La nouvelle ferme se déploie sur 520 hectares avec trois ateliers : lait (240 vêlages), engraissement (400 taurillons) et porcs (3 500 en engraissement). 7,5 actifs (5 associés) font tourner la boutique dont la moitié sur l’atelier lait.
Les vaches doivent produire 12 000 litres/an pour amortir le bâtiment.
Ce qu’ils veulent, c’est « travailler mieux pour gagner plus ». Pour cela, il faut rationaliser, optimiser. Cela commence par la construction d’un grand bâtiment de 250 places avec 3 puis 4 robots. « Il y a un coût de départ, 5 600 € la place, on a l’obligation d’avoir des vaches performantes », justifie Amélie Courcoul, l’une des quatre associés. Ils raisonnent donc à la stalle : chaque vache devra produire 12 000 litres pour amortir le bâtiment sur 12 ans. « Quand on met de l’argent sur la table, il n’y a pas d’autre choix que d’aller chercher de la productivité », appuie Francis Fardouet.
Un plan d’alimentation rigoureux
Au départ, ils sont à 655 kg de matière utile. Pour progresser, il faut travailler sur la nutrition. La première étape, c’est l’amélioration du fourrage. Plus d’ingestion, c’est plus de production laitière. Alors ils se mettent au compact feeding, une méthode d’alimentation venue du Danemark qui consiste à mélanger la ration de façon très homogène et compacte en y ajoutant de l’eau. Cela garantit une alimentation équilibrée à chaque bouchée, et cela évite surtout les refus, les vaches ne trient plus. Cela réduit aussi les variations de pH dans la panse.
Pour les vaches taries, l’élevage travaille sur l’acidification de la ration. Principal intérêt : la prévention des fièvres de lait ou hypocalcémie. On force ainsi l’organisme de la vache à mobiliser son calcium dans les os avant le vêlage, ce qui lui permet ensuite, lorsque la lactation reprend, de mieux répondre aux besoins élevés en calcium.
Pour vérifier que la ration est bien calée, les éleveurs font des tests de pH urinaire et de Beta-OH (ß-OH). « Contrôler les pH c’est important, il ne faut pas que cela descende en dessous de 5,5, au risque de décalcifier, appuie Mickaël Lelaure, nutritionniste chez Terrena. L’accès à l’eau est aussi essentiel. »
Protéines by-pass et apports d’énergie diversifiés
En 2023, le Gaec s’équipe d’un robot repousse-fourrage qui permet de gagner encore un ou deux litres. La matière utile a déjà progressé de 25 % en 4 ans.
L’année suivante, ils introduisent des protéines by-pass dans la ration, car « il y a différents types de protéines, qui ne sont pas toutes dégradées de la même manière », raconte Gérard Courcoul, qui pilote l’atelier lait. Ces protéines by-pass ne sont pas dégradées dans le rumen mais dans l’intestin. « Cela permet à la vache d’avoir directement des acides aminés de haute qualité dans l’intestin, très utile pour produire plus de lait et augmenter le TP, mais aussi se maintenir en bonne santé. »
La démarche est identique en ce qui concerne l’énergie : « On essaye d’apporter de l’énergie de façon diversifiée avec du blé qui est très rapide, du maïs humide et de l’ensilage qui sont un peu moins rapides, du maïs grain sec qui est plus lent, ce qui permet différents stades d’assimilation, décrit Gérard Courcoul. Au lieu d’apporter 3 kg de blé, on distribue 1-2 kg de blé, 2 kg de maïs et 1 kg de maïs humide, cela limite aussi les risques de partir en acidose. »
Et puis aujourd’hui, au Gaec des Landelles, on analyse régulièrement le fourrage. « Avant on faisait une analyse de notre ensilage une fois par an, maintenant on en fait tous les mois parce que la valeur se modifie, et on ajuste la ration en fonction. »
« Le coût alimentaire peut représenter jusqu’à 50 % de la paye de lait »
Tout cela a un coût. La ration est passée de 4,50 €/vache/jour à 7,40 € en cinq ans, soit plus de 60 % de hausse. Mais comme le produit lait a lui aussi bondi, la marge sur coût alimentaire a finalement presque doublé, passant de 5,7 € à 10 €. Par mois, cette marge s’élève à 66 000 €. « D’une année sur l’autre il y a tout de même des soubresauts, la progression n’est pas linéaire », tempèrent les éleveurs.
« Contrairement à beaucoup d’élevages, celui-ci exploite le potentiel génétique de ses vaches, constate Francis Fardouet. Quand on investit dans la génétique, il faut ensuite investir dans la nutrition pour que potentiel s’exprime. »
« Le coût alimentaire peut représenter jusqu’à 50 % de la paye de lait, mais cette dernière augmente en fonction, appuie Julien Gaultier, responsable technique vaches laitières chez Terrena. La marge sur coût alimentaire progresse toujours avec le niveau de production. » Et à tous ceux qui s’inquiéteraient des éventuels effets secondaires, tous les techniciens de la coopérative, martèlent le même message : « La productivité n’entraîne pas de dégradation de la santé ou des performances repro. » Actuellement, l’élevage tourne à 2,7 lactations de moyenne par vache.
Au Gaec des Landelles, on essaye aussi d’optimiser la conduite des génisses. La coopérative a proposé un plan d’alimentation, objectif : 1 kg de GMQ par jour. La barymétrie (prendre les mensurations du veau au mètre ruban pour connaître son poids) permet de vérifier qu’il suit bien sa courbe de croissance. Seule ombre au tableau, l’âge au 1er vêlage, 29 mois c’est un peu tard. « Un problème lié au bâtiment », se défend Amélie Courcoul. Il faudra aussi continuer à réduire l’intervalle entre deux vêlages, actuellement de 411 jours.
En tout cas, cinq ans après le regroupement d’exploitations, le pari de « travailler mieux pour gagner plus » semble gagné pour les cinq associés. Leur organisation rigoureuse leur permet de s’accorder deux week-ends de repos sur trois l’hiver et quatre semaines de congé par an.
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