Les consommateurs ont des attentes croissantes sur le bien-être des animaux laitiers. La filière doit se donner les possibilités d’y répondre objectivement, par exemple par des critères observables sur l’animal.
En quoi la cause animale est-elle différente du mouvement environnemental apparu il y a vingt ans ?
Maude Marpault : Les militants les plus convaincus considèrent qu’un animal a autant d’utilité qu’un humain et qu’à ce titre, les humains les traitent de façon discriminatoire. Les végans vont jusqu’à bannir de leur consommation, y compris vestimentaire (chaussures), tout produit d’origine animale. On peut même dire que leurs pratiques s’apparentent à une conviction religieuse. La cause animale prend de l’ampleur en France car les Français ont une relation privilégiée avec les animaux. Un Français sur deux vit avec un animal de compagnie qu’il considère comme un membre de sa famille. Ils ont un capital de sympathie important à leur égard. C’est encore plus vrai pour les bovins : une vache est assimilée à une maman car elle allaite son petit. Leur demande par rapport au bien-être animal peut se concrétiser plus facilement dans leurs actes d’achat que dans la défense de l’environnement.
Au-delà des vidéos chocs en abattoirs de l’association L214, comment s’installe la question du bien-être animal dans la société française ?
M. M. : Les Français méconnaissent l’élevage. Cela se conjugue à une perte de confiance dans les experts et un accès rapide à l’information par internet qui donne l’impression de savoir tout sur tout. La défense du bien-être animal est largement diffusée par Facebook, YouTube, etc. Les jeunes y sont notamment ciblés au travers de « people ». Je pense par exemple à l’humoriste Rémi Gaillard sur son compte Facebook. Aujourd’hui, discuter véganisme dans la cour du collège ou du lycée est fréquent. L’enseignement n’y échappe pas. En septembre dernier, à Limoges, en Haute-Vienne, s’est mis en place le diplôme d’université en droit animalier. Il s’appuie sur la mise en cohérence en 2015 du Code civil avec les Codes rural et pénal qui reconnaissent l’animal comme un être sensible. Une autre conséquence de cette harmonisation est l’apparition dans le paysage politique français d’un nouveau parti : Le Parti animaliste (1). Créé en novembre, il présente près de cent cinquante candidats aux élections législatives.
Le secteur laitier est-il touché par ce phénomène ?
M. M. : Des produits alternatifs aux produits d’origine bovine se développent sur le marché : « steak » de soja, des pseudo-laits liquides et fromages, etc. Ils contribuent à la baisse de consommation des produits laitiers. Une start-up américaine, Perfect Day (2), affirme même fabriquer un lait identique à celui du lait de vache. Elle espère lancer ses premiers produits fin 2017. En France, face aux attentes croissantes des consommateurs, sont en réflexion des cahiers des charges sur des critères spécifiques, par exemple un temps minimum de pâturage pour les vaches, comme on le voit aux Pays-Bas (lire aussi p. 12). Les éleveurs doivent se donner la possibilité de s’adapter à ces nouvelles attentes. Elles peuvent d’ailleurs venir des pays d’exportation et être utilisées comme une arme concurrentielle.
Comment les producteurs laitiers peuvent-ils rassurer les consommateurs ?
Doivent-ils se préparer à investir sur le bien-être animal ces prochaines années ?
M. M. : Les principales attentes des consommateurs concernent le pâturage, le recours limité aux antibiotiques et la taille du troupeau. Soit les producteurs y répondent déjà, soit elles peuvent leur être profitables et être vertueuses pour l’élevage français. Je pense par exemple à l’écornage des veaux dont les préconisations techniques sont écrites depuis l’an passé ou à une meilleure prévention sanitaire qui réduit les coûts et améliore la productivité. Le bien-être animal, c’est surtout des bonnes pratiques d’éleveurs.
(1) www.parti-animaliste.fr (2) www.perfectdayfoods.com
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