Un groupe aveyronnais se lance dès ce printemps

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Démonstration. À l’automne 2017, le constructeur Franquet a présenté dans l’Aveyron son chantier décomposé avec effeuilleuse-arracheuse de 6 rangs à l’avant et chargeuse à l’arrière. Un matériel encore inaccessible au groupe d’éleveurs qui s’est constitué ce printemps. Ils commenceront avec du matériel d’occasion. Le challenge sera aussi de ramasser le moins possible de pierres  dans certaines parcelles.
Démonstration. À l’automne 2017, le constructeur Franquet a présenté dans l’Aveyron son chantier décomposé avec effeuilleuse-arracheuse de 6 rangs à l’avant et chargeuse à l’arrière. Un matériel encore inaccessible au groupe d’éleveurs qui s’est constitué ce printemps. Ils commenceront avec du matériel d’occasion. Le challenge sera aussi de ramasser le moins possible de pierres dans certaines parcelles. (© Dominique Grémy/GFA)

Quinze éleveurs laitiers, séduits par la betterave, moins sensible aux sécheresses estivales que le maïs, ont créé un groupe pour organiser ensemble le semis et la récolte. Ils espèrent en convaincre d’autres pour étoffer ce collectif.

Comme de nombreuses régions d’élevage, l’Aveyron a vu disparaître la betterave fourragère au profit du maïs. Ce printemps, une quinzaine d’éleveurs, dont cinq en agriculture biologique, va relancer cette production. Ils sont soutenus par la FDCuma et la chambre d’agriculture. À l’origine de cette renaissance, Patrick Couderc, éleveur laitier et formateur au centre de Bernussou, qui a impliqué ses étudiants à la création d’une filière locale. En 2017, il a semé chez lui un hectare de betteraves fourragères et son expérience a servi de support pour initier ce groupe. « Chaque année, je récolte entre 8 et 10 ha d’ensilage maïs qui compose 80 % de ma ration hivernale, associé à l’ensilage d’herbe. Le rendement, environ 12 t/ha de MS, peut être très fluctuant selon les aléas climatiques. La betterave amènera une sécurité dans le système fourrager avec une autre source d’énergie et peu d’encombrement : 0,6 UEL seulement. Il y avait aussi l’option ensilage de méteil, mais les valeurs nutritionnelles sont assez irrégulières. Cet automne, j’ai pu récolter 14 t de MS de betterave sur 1 ha. »

En 2017, il a semé la betterave avec son semoir monograine (50 cm d’interrang). La récolte a été réalisée avec une arracheuse-chargeuse Franquet en démonstration.

L’observation du jus de rumen est convaincante

« J’ai semé le 14 avril dans une parcelle profonde, en étant attentif à la régularité du semis (4 km/h). Le désherbage s’est bien déroulé avec trois passages : au semis (Goltix 0,8 kg/ha) et deux post-semis (Goltix 0,4 kg/ha, Bettapham 0,8 l/ha, Tramat 0,2 l/ha) le 8 et le 20 mai. Dès que la betterave commence à lever, il faut la surveiller presque tous les jours pour ne pas se laisser déborder. Fin juin, elle couvrait l’interrang. »

La betterave a été stockée sous un hangar. « Il faut concevoir un tas qui respire : 1,50 à 2 m de hauteur. Début décembre, il a gelé à - 6°C. J’avais placé un thermomètre sur le tas qui n’est pas descendu sous le 0°C. » Les racines sont reprises avec un godet hacheur de marque Robert et coupées devant le front d’attaque du silo de maïs pour composer la ration : 12 kg de maïs, 2 kg d’ensilage d’herbe, 3 kg de betterave et 4 kg de correcteur azoté. « Cela me prend dix minutes supplémentaires d’introduire la betterave dans la ration. Avec une variété assez riche en matière sèche comme Corindon (20 % de MS), le fait de couper les racines facilite la consommation. » La ration est ainsi équilibrée à 30 litres/vache.

La betterave a été introduite progressivement sur deux mois. « L’appétence de la ration est la première chose que j’ai remarquée. D’octobre à février, la production moyenne s’est stabilisée entre 28 et 29 kg/vache alors que le mois moyen de lactation augmentait. Nous avons donc eu une meilleure persistance de la production. La betterave a permis aussi de gagner 2 points de TB et 2 points de TP. Il n’y a rien à dire sur la qualité du lait. En fin d’hiver, je note un bon état corporel et les réformes qui consomment la ration des laitières ont gagné en poids de carcasse (330 kg) par rapport à l’an dernier », explique Patrick.

Son vétérinaire, Pierre Casenave, ne tarit pas d’éloges sur cet aliment, en complément de l’ensilage maïs : « L’apport des sucres de la betterave permet, à UFL égales, de diminuer la quantité d’amidon. La ration est plus variée, donc plus digeste. Nous avons pu le vérifier chez Patrick en prélevant le jus de rumen sur quatre vaches en lactation. L’observation au microscope montre une flore (protozoaires, bactéries) beaucoup plus nombreuse et mobile que sur une ration à dominante maïs, sans betterave. Et un rumen qui fonctionne mieux aboutit à de meilleures performances zootechniques et à moins de problèmes sanitaires. »

Un budget de 65 000 € pour le matériel d’arrachage

L’expérience de Patrick Couderc aura donc séduit quinze autres éleveurs laitiers du département pour implanter environ 30 ha de betteraves au total ce printemps (entre 1 et 4 ha chacun). Le groupe s’est organisé avec la FDCuma pour réaliser un service complet du semis et de la récolte avec tracteur et chauffeur. Un semoir équipé de disques de distribution betterave avec un interrang de 50 cm sera emprunté à une Cuma. Il est prévu de semer dès la mi-avril, à la première fenêtre météo favorable. Afin de simplifier le chantier, les éleveurs ont choisi la même variété : Merveille, classée moyennement riche en matière sèche (15,37 %, résultat de l’année 2017 de l’Association pour le développement de la betterave fourragère monogerme).

Fin mars, le matériel de récolte n’avait pas encore été acheté. Les éleveurs se sont donné un budget d’environ 65 000 € pour un équipement d’occasion en chantier décomposé : sans doute effeuilleuse sur le relevage avant, et arracheuse-chargeuse à l’arrière. Avec un risque de pierres dans certaines parcelles, un système d’arrachage à roues Opel serait plus approprié car il soulève moins de terre pour extraire la racine.

« La maîtrise du désherbage en bio ne m’effraie pas »

Frank Delagne , producteur de lait bio depuis dix ans, fait partie de l’aventure betterave cette année. Pour ses 60 vaches (jersiaises et prim’holsteins), il a prévu 2 ha. « C’est une source d’énergie qui va compléter nos apports de céréales et de méteil, et qui devrait nous éviter d’acheter 30 tonnes de maïs épi. » Les betteraves seront stockées dans un ancien silo-couloir et la distribution se fera via la mélangeuse à pales avec l’ensilage d’herbe. En système de production biologique, le fait de ne pas maîtriser les adventices n’est-il pas une crainte ? « Cela ne m’effraie pas plus que cela. On essaiera d’être réactif. Je prévois un précédent prairie, un faux semis, le passage de la herse étrille à deux-trois feuilles de la betterave et le binage. Les éleveurs bio du groupe sèmeront plus tard que les conventionnels, début mai, de façon à assurer une pousse rapide. »

« C’est l’efficacité alimentaire améliorée qui me motive »

Gilles Brast , éleveur laitier à Druelle-Balsac, sèmera cette année 4 ha de betteraves pour son troupeau de 150 vaches (brunes et prim’holsteins). « Ce n’est pas l’augmentation des taux qui me motive, mais plutôt l’efficacité alimentaire que l’apport de sucres devrait améliorer. J’ai aussi des parcelles séchantes où, sans irrigation, le rendement en maïs peut être aléatoire. La betterave, moins sensible au déficit hydrique estival, permettra de sécuriser la production d’UFL sur l’exploitation. »

Les vaches laitières reçoivent une ration complète toute l’année (deux tiers ensilage maïs, un tiers ensilage d’herbe et foin). La betterave permettra d’arrêter la distribution de maïs grain humide. En limite du Causse et du Ségala, la présence de pierres ne serait-elle pas un handicap à la culture de la betterave ? « J’ai choisi cette année une parcelle sableuse, pas trop caillouteuse, et le choix de l’arracheuse sera aussi important pour ne pas amener trop de pierres. »

D. G.

- Distribution. Patrick Couderc utilise un godet hacheur devant le silo de maïs avant d’intégrer les 3 kg de MS/VL de betterave à la ration composée aussi d’ensilage de maïs (12 kg) et d’ensilage d’herbe (3 kg).

Un retour en force dans les rations
Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,46 €/kg net =
Vaches, charolaises, R= France 7,23 €/kg net =
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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