
Certifiée HVE 3, l’exploitation de Pommerit, dans les Côtes-d’Armor, a rénové son atelier laitier autour de l’amélioration des conditions de travail et des nouvelles technologies au service des performances.
À Pommerit (Côtes-d’Armor), l’ambition éducative du lycée privé (savoir-faire, compétences et surtout savoir-être) est un marqueur fort reconnu dans toute la région Bretagne. La préparation aux métiers de l’agriculture (reprise d’exploitations) et, plus largement, l’insertion professionnelle pour rester au pays sont la colonne vertébrale de l’établissement qui propose treize diplômes dont une licence professionnelle management des organisations agricoles, avec l’Université catholique de l’Ouest (UCO) de Guingamp.
Rénovation du pôle laitier engagée en 2014
Tous les apprenants (1 000 dont 700 internes et 190 apprentis) passent sur l’exploitation, en particulier les secondes bac pro. Plus valorisée que dans les années 1970-1980, la ferme sert d’appui pédagogique aux professeurs et encadrants. Ces derniers, toutefois, ne se contentent pas de cet outil pour éclairer les jeunes sur la diversité des systèmes de production et des situations. Il y a aussi les visites d’exploitation, les sorties terrain (facilitées par la présence d’un parc autonome de cars (1) ), les stages en France et à l’étranger. Très actif dans ce domaine, l’établissement a développé de nombreux partenariats avec des lycées de différents pays. Plus proche, un échange a été mis en place avec le lycée hôtelier de Lannion. « Leurs élèves viennent visiter nos ateliers lait et porcs, explique Marc Janvier, le directeur du lycée. Les nôtres passent une journée à cuisiner et voir comment les produits agricoles sont transformés. C’est une ouverture et un enrichissement réciproques. » À la suite d’une réflexion menée au sein du conseil d’administration avec des partenaires extérieurs, une rénovation du pôle laitier a été engagée en 2014. L’atelier était vieillissant. Il fallait rendre la ferme et la production laitière attractives.
Le 100 % herbager n’était pas envisageable
Le contexte local de forte pression foncière dans cette zone légumière et les contraintes de parcellaire ont été pris en compte. Alors que les vaches, nourries avec une ration maïs-herbe, pâturent malgré tout 200 jours par an, seuls 8 ha autour des bâtiments sont accessibles. Le 100 % herbager n’était donc pas envisageable. L’option bio a été examinée. Mais, outre une surface insuffisante, les conditions de marché ne semblaient pas favorables. « En tant qu’exploitation de lycée, nous avons vocation à anticiper les choses tout en restant cohérent avec les débouchés, pointe Marc Janvier. Positionnement premium, le bio exige à notre avis une valeur ajoutée indispensable pour être durable et donc un contingentement de la production par rapport à la demande. Ces conditions ne nous semblaient pas réunies. Les réflexions engagées sur l’atelier porcs ont abouti au même résultat. Nous ne sommes pas pour autant fermés au bio. Nous faisons découvrir aux élèves cette forme d’agriculture en organisant sur notre site différents événements tels que “La terre, notre futur métier” avec le GAB (Groupement des agriculteurs biologiques). »
Convaincus de la qualité de l’agriculture conventionnelle, même si elle doit encore progresser, les responsables de Pommerit ont choisi de travailler sur son champ qualitatif en mettant en œuvre toute la technologie au service des transitions agroécologiques. Cette ambition s’est concrétisée par la construction d’un nouveau bâtiment lait et par l’obtention d’une certification HVE 3 (haute valeur environnementale).
De 380 000 à 580 000 litres à surface identique
Depuis la mise en route de la nouvelle stabulation, la production laitière est passée de 380 000 à 580 000 litres, à surface identique. La production par vache, 10 000 litres en moyenne, est réalisée avec une consommation de concentré (non OGM) en baisse (145 g par litre de lait en 2021-2022 contre 187 g par litre en 2016-2017). Cette évolution est due au confort du nouveau bâtiment qui est équipé d’un robot de traite (2,7 traites par jour), à une alimentation plus pointue (elle aussi robotisée) et à vingt ans de progrès génétique. « Dans la construction de notre projet rénovation, ce gain de productivité était indispensable pour couvrir les coûts d’investissement, précisent Marc Janvier et Yann Ruvoen, le référent transition écologique EPA (Enseigner à produire autrement). Un million d’euros, couverts à 300 000 € par des aides régionales, a été nécessaire pour financer la stabulation, les robots, les salles pédagogiques et les vestiaires. » Depuis trois ans, l’exploitation a réduit ses phytos au-delà des 50 % réglementaires. L’IFT (indice de fréquence de traitement) est passé de 1,41 IFT global/ha en 2018 (avant le passage en HVE) à 0,53 en 2021. Le bilan carbone est stable grâce au travail réalisé sur la diminution du concentré et à l’abaissement de l’âge au vêlage des génisses (24 mois en 2021 contre 26 mois en 2018) et ce, malgré l’augmentation de la consommation de carburant lié au désherbage mécanique sur maïs. L’exploitation est aussi engagée sur une Maec (mesure agroenvironnementale et climatique) bocagère (implantation et gestion durable de 2,8 km de haies). Les copeaux de bois sont utilisés pour chauffer le pôle BTS du lycée.
La HVE ne génère pas de valorisation particulière sur les produits vendus
Les investissements en matériel réclamés par le travail mené sur la réduction des phytosanitaires (un roto étrille en propre et une herse en Cuma) ne se justifient que par leur intérêt pédagogique. En effet, la certification HVE ne génère pas de valorisation particulière sur le lait et les céréales vendues. Seuls les 20 000 litres de lait par an, autoconsommés dans la cantine, contribuent à remplir l’objectif de la loi Égalim bientôt requis dans l’approvisionnement des collectivités, à savoir 50 % de produits sous signe de qualité dont 20 % de bio. À Pommerit, le respect de la réglementation se fait au prix d’un tarif des repas supérieur à la moyenne des lycées. Les steaks bio sont fournis par un ancien élève, comme les laitages et les yaourts, sur la base d’un prix Égalim. « C’est un choix politique que nous assumons, souligne Marc Janvier. Il faut saisir les opportunités qui donnent du sens. »
Sur l’exploitation, l’intérêt d’une unité de méthanisation et d’une installation photovoltaïque avait également été étudié, mais à l’époque, elles n’étaient économiquement pas rentables. À Pommerit, où l’on est convaincus que l’agriculture française est la plus durable du monde, les responsables s’interrogent plus largement sur l’avenir de l’élevage, dans un contexte de pression des antispécistes, d’enjeux climatique et économique. Outre une meilleure attractivité du métier, axe prioritaire pour le lycée, une très forte valorisation des prix de vente est indispensable. Égalim seul ne pourra pas absorber les hausses de coût de l’aliment et de l’énergie. « La durabilité d’un système est basé sur trois piliers : environnemental, social et économique », rappellent Marc Janvier et Yann Ruvoen.
(1) Trois véhicules conduits par du personnel titulaire du permis bus.
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