Au lycée de Ressins, deux ateliers lait différents sous un même toit

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Plutôt que de partir en bio, l’exploitation diversifiée de Ressins, dans la Loire, a opté pour deux systèmes laitiers et une orientation transformation-vente directe très impliquante.

À Ressins, lycée agricole privé catholique situé dans la Loire, pépinière de responsables professionnels, plus que les injonctions du ministère de l’Agriculture, c’est le conseil d’administration de l’établissement qui définit les objectifs pédagogiques, techniques et économiques de l’exploitation. Celui-ci est composé d’un tiers de parents d’élèves, d’un tiers de représentants d’organisations professionnelles et d’un tiers d’anciens élèves. Ainsi, plutôt que de partir sur un atelier lait en bio, le choix a été de rester en conventionnel en montrant aux élèves deux systèmes de production différents. Le premier troupeau en 100 % herbe (pâture jour et nuit, foin séché en grange) dispose d’une salle de traite classique (épi 2 x 7 avec identification des animaux et décrochage automatique). Le second est géré sur la base d’une ration maïs-herbe, zéro pâturage, avec un parcours extérieur et une traite robotisée. Les lots ont été constitués pour être génétiquement homogènes, à partir des index et de la production des animaux. La cohabitation de deux types d’alimentation, deux types de logettes (creuses avec digestat pour les vaches au robot, sur matelas pour les autres), deux systèmes de traite, constitue un support pédagogique très intéressant. « On va jusqu’à l’analyse du lait et à son aptitude à la transformation, précise Samuel Thollet, le directeur de l’exploitation. On observe des différences au niveau de la longévité des animaux, des cellules, de la mortalité des veaux, etc. »

Apprendre en faisant

La ferme, située au milieu du campus, est totalement intégrée à l’enseignement. Ici, conformément au projet éducatif qui s’inscrit dans la pédagogie salésienne de Don Bosco, basée sur la confiance entre le jeune et l’adulte, le mot d’ordre est d’apprendre en faisant et non pas en montrant. « La ferme est le poumon de l’établissement, souligne Samuel Thollet. Elle est totalementintégrée à l’enseignement. Les élèves y sont mis en situation réelle de travail, y compris ceux des secondes générales (2 à 3 gardes par an). Malgré leurs aptitudes initiales différentes (1), l’objectif est de les faire progresser et de leur faire toucher du doigt la réalité de l’agriculture. »

Les jeunes sont impliqués concrètement dans le fonctionnement des quatorze ateliers de l’exploitation : lait, petits ruminants, porcherie, transformation, commercialisation, atelier mécanique, maintenance, maraîchage, jardin et espaces verts, etc. Cela modifie certains a priori : la fromagerie, longtemps considérée comme réservée aux filles, donne aujourd’hui à certains garçons l’envie de s’orienter vers un certificat de spécialisation fromagère. Un tel fonctionnement est exigeant en temps d’encadrement. Parmi les douze salariés, un responsable d’atelier s’occupe de la pédagogie. La note donnée aux élèves sur l’exploitation compte autant qu’une matière générale, ce qui valorise le travail manuel et responsabilise les jeunes. « Les missions que nous leur confions sont adaptées, explique Samuel Thollet. C’est une vraie école de la vie. L’imbrication entre la ferme et l’école constitue notre force. Les professeurs et éducateurs sont informés de tout ce qui se passe sur l’exploitation et inversement. »

Le magasin, moteur de l’exploitation

La commission exploitation se réunit une fois par semaine avec le directeur du lycée.

Agrandi récemment (de 30 à 150 m2 en septembre 2021), le magasin de vente directe, ouvert en 2007, commercialise une partie importante des produits de la ferme ainsi que ceux d’agriculteurs du territoire. Il est aujourd’hui le moteur de l’exploitation. Le passage de 60 à 130 montbéliardes ainsi que la capacité de la nouvelle stabulation construite il y a deux ans et demi ont été définis non pas à partir d’une production laitière souhaitée, mais sur la base du potentiel de viande commercialisable dans le magasin (50 femelles croisées charolais et 50 veaux de lait). Le besoin en génisses de renouvellement a aussi été pris en compte. « Un bilan d’autonomie alimentaire réalisé il y a sept ans a montré que nous avions de la surface et des ressources fourragères à optimiser. Au lieu de continuer à vendre du fourrage, nous avons fait le choix de valoriser nos ressources pour satisfaire le magasin en viande. En même temps que le nouveau bâtiment (2), nous avons installé une unité de méthanisation (160 kWc en cogénération) qui valorise nos fumiers et lisiers. La chaleur est récupérée pour le séchage en grange, et pour chauffer lycée et internat. »

Satisfaire la clientèle, rentrer de l’argent, montrer aux élèves la diversité des systèmes possibles, telle est la philosophie qui guide le développement de l’exploitation. Avec, depuis 1990, la nécessité et le choix de la création­ de la valeur ajoutée. « À l’époque, nous n’étions pas sortis des quotas et, économiquement, il était difficile d’équilibrer les comptes de l’exploitation, rappelle Samuel Thollet. En créant une fromagerie, nous avons fait le choix de la fourche à la fourchette. » L’atelier viande a été lancé en 2007 dans le cadre d’un collectif de sept exploitations, dont celle du lycée. « Nous avons commencé par les porcs (élevés sur paille) puis nous nous sommes développés pour couvrir la demande du magasin en viande de bœuf et de veau. Nous avons travaillé sur l’engraissement des vaches et des génisses pour avoir des carcasses lourdes, persillées mais pas trop grasses. Les pesées sont faites par les élèves. Les animaux sont abattus à Charlieu à 10 km de là. Les données et les observations analysées par les étudiants. »

Deux mille repas produits par jour

Deux mille repas sont également produits quotidiennement dans l’atelier. Ils sont commercialisés en partie à l’extérieur, par le biais d’une société de restauration privée. Celle-ci écoule également les produits excédentaires de la ferme, tels que les salades, les courgettes « Il faut se placer en prix. C’est un équilibre à trouver. » Pour répondre à la demande du conseil d’administration de montrer aux élèves un cahier des charges bio, et parce que l’exploitation a une demande du magasin pour ce type de légumes, un atelier maraîchage a été lancé au printemps dernier. « À terme, il sera en bio, si nous trouvons une rentabilité économique. Il faut d’abord maîtriser la technique. »

Le pôle petits ruminants va encore évoluer avec un nouvel atelier brebis laitières et une nouvelle salle de traite. Des essais de blé panifiable ont été réalisés avec l’idée de vendre la farine en magasin.

La ferme de Ressins évolue en permanence, en s’adaptant aux exigences du monde dans laquelle elle vit, en innovant et en donnant aux jeunes de l’agriculture une image réaliste et positive.

Anne Bréhier

(1) 40 % d’élèves sont issus du monde agricole, un taux bien supérieur à la moyenne nationale (10 %).

(2) Une vidéo de la nouvelle stabulation laitière est disponible sur YouTube (Jeannet-Débit).

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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