CAPTAGE : LA CONCERTATION POUR UN RAPPORT GAGNANT-GAGNANT

Agriculteurs et élus ont choisi la concertation pour un plan d'actions gagnant-gagnant. De gauche à droite, Michel Frouin sur son exploitation laitière, au bord du lac de Ribou avec ses collègues Daniel Coutant, éleveur laitier, et Dominique Girard, président de l'Association des agriculteurs de Ribou, Verdon et Rucette, Marc Grémillon, élu en charge de la protection des ressources en eau de la Communauté d'agglomération de Cholet, et Christophe Puaud, ingénieur
Agriculteurs et élus ont choisi la concertation pour un plan d'actions gagnant-gagnant. De gauche à droite, Michel Frouin sur son exploitation laitière, au bord du lac de Ribou avec ses collègues Daniel Coutant, éleveur laitier, et Dominique Girard, président de l'Association des agriculteurs de Ribou, Verdon et Rucette, Marc Grémillon, élu en charge de la protection des ressources en eau de la Communauté d'agglomération de Cholet, et Christophe Puaud, ingénieur (©)

Les agriculteurs du bassin versant de Ribou se sont constitués en association en 2000 pour faire entendre leur voix. Ils craignaient des exigences trop élevées de l'Agglomération de Cholet.

LA GROGNE S'INSTALLE DANS LES CAMPAGNES. La définition de zones de protection de captage d'eau potable contre les pollutions diffuses (pesticides, etc.) et accidentelles fait réagir un certain nombre d'agriculteurs. Ainsi, sous l'impulsion de deux associations du Calvados et du Cher, le collectif France Captages vient d'être créé. Il rassemble une trentaine d'associations d'une vingtaine de départements. Les agriculteurs craignent des périmètres trop vastes, définis de manière pas assez transparente, et des exigences trop grandes.

LEVÉE DE BOUCLIERS... DANS UN PREMIER TEMPS

Dans le sud-ouest du Maine-et-Loire, près de Cholet, les agriculteurs partageaient ces craintes au début des années 2000. Sous l'impulsion de l'administration sanitaire, la ville de Cholet souhaitait des périmètres de protection avec un cahier des charges plus ou moins exigeant selon la proximité avec le captage d'eau concerné. Objectif : préserver la ressource en eau de pollutions accidentelles et diffuses.

Elle s'attaque d'abord à l'usine de prise d'eau en aval du lac de Ribou (voir carte ci-dessus). « Le plafond de concentration en matières organiques autorisé était dépassé. L'administration sanitaire acceptait de nous fournir une dérogation pour le prélèvement en eau, à condition de mettre un plan d'actions en place », raconte Marc Grémillon, élu en charge de la protection de la ressource en eau de la Communauté d'agglomération de Cholet (Cac). Les matières organiques proviennent pour une moitié des ruissellements du bassin versant, pour l'autre elles sont produites dans le lac de Ribou (eutrophisation).

Dans un premier temps, les services sanitaires départementaux s'emparent du dossier… et s'y prennent mal. « En 1998, ils organisent dans les communes concernées une réunion d'information. Les agriculteurs y sont invités par voie de presse. Les invitations ne sont pas nominatives. De ce fait, beaucoup n'y assistent pas », se souvient Dominique Girard, aviculteur et président de l'Association des agriculteurs du Ribou-Verdon. Seulement, dans cette petite région de Mauges, au tissu agricole dense, le bouche à oreilles fonctionne, et pas dans le bon sens. « Nous avions l'impression qu'ils mettaient la barre très haut », dit-il. La nécessité de s'organiser s'impose vite. Une démarche qui coulait de source, eux qui ont l'habitude de travailler ensemble. « Nos parents exploitaient de petites structures de 20 à 30 ha. Ils s'entraidaient beaucoup. La génération suivante a fait un pas de plus en lançant les Cuma, un réseau encore bien vivant aujourd'hui », décrypte Michel Frouin, éleveur laitier à La Tessouale, à la tête 48 ha, dont une partie dans les périmètres rapprochés sensibles et complémentaires (voir photo). « Nous échangeons beaucoup durant les réunions et les travaux en Cuma, mais chacun garde ses opinions politiques et syndicales pour soi, complète Daniel Coutant, lui aussi éleveur laitier en Gaec à Maulévrier, avec 150 ha en périmètre rapproché sensible ou complémentaire. Sous l'impulsion des présidents de Cuma, l'Association des agriculteurs de Ribou, Verdon et Rucette se constitue en 2000 avec 60 % des exploitations adhérentes sur les 220 concernées alors par la délimitation du bassin versant. « Avec une étiquette syndicale, nous aurions touché moitié moins de collègues. » Sans doute aussi jugeaient- ils préférables de gérer eux-mêmes ce dossier plutôt que par la chambre d'agriculture, basée à Angers à 70 km de là. Cette dernière apporte aujourd'hui ses compétences techniques. « Au départ, nous étions dans la colère, reconnaît Dominique. Nous revendiquions en particulier que tous les agriculteurs bénéficient d'une information correcte. »

Ayant pris le relais de l'administration, la ville de Cholet puis la Cac (créée en 2003), saisissent la balle au bond. Elles comprennent qu'avoir des interlocuteurs identifiés pour mener à bien le projet est une réelle opportunité. « Soit nous jouions le jeu de la concertation avec une chance de réussir. Soit nous refusions d'écouter leur point de vue, nous foncions et le tribunal nous donnait raison. Mais au moment de lancer le plan d'actions, nous nous serions heurtés à un blocage, avance Marc Grémillon. Nous avons préféré la première option. »

BAUX ENVIRONNEMENTAUX

Christophe Puaud, animateur du programme à la Cac, fils d'éleveur laitier et ancien conseiller de gestion agricole en Vendée, contribue à initier le dialogue. « Il est pédagogue », apprécient les trois éleveurs. « Nous sommes arrivés là où ils voulaient, analyse Dominique. Les discussions ont retardé la mise en place des contraintes. Cela nous a permis de prendre conscience qu'il fallait s'y mettre. À une condition : que nous nous y retrouvions financièrement. Nous sommes d'accord pour participer aux efforts de qualité de l'eau, mais nous voulons que nos exploitations soient aussi performantes que celles du reste du département. » En clair, la Cac doit mettre des fonds ou aider à en décrocher.

Le message est entendu. « Si l'on veut être crédible, il faut se mouiller », confirme Christophe Puaud, qui bénéficie d'un budget autonome, autofinancé par la facturation de l'eau.

Ainsi, de 2007 à 2011, la Cac dégage 1,2 M€ pour la mise en place des périmètres de protection et 1,5 M€ pour le plan d'actions contre les pollutions diffuses (financement des MAE à hauteur de 3 %, par exemple). Avec la première enveloppe, elle résout en particulier la question épineuse du foncier. Elle acquiert 77 des 115 ha de SAU du périmètre sensible autour du lac de Ribou. Pour cela, elle achète les terres qui se libèrent dans le secteur en vue de les échanger contre les parcelles le long du lac avec les propriétaires. Aujourd'hui, elle durcit le ton avec les récalcitrants par des procédures d'expropriation. « L'association nous a soumis l'idée de baux environnementaux sur ces parcelles. Certes, nous y avions pensé mais, avec son feu vert, c'est évidemment plus facile », confie Christophe Puaud.

« C'est du gagnant-gagnant, confirme Michel Frouin. Nous bénéficions d'un bail de neuf ans pour 30 /ha et un cahier des charges, et nous déclarons ces surfaces en Pac. Eux sont assurés d'avoir les bords du lac de Ribou entretenus et à pas cher. » Cette concertation porte ses fruits dans un autre domaine : les mesures agro-environnementales. Cac, association et chambre d'agriculture sont allés négocier auprès de l'administration le renouvellement de celles qui arrivent à échéance, ce qui n'est normalement pas possible pour des MAE territoire-captage.

DES EFFETS POSITIFS SUR LA QUALITÉ DE L'EAU

Opération réussie à condition de proposer des modalités plus sévères que les deux partenaires construisent actuellement (pesticide, aménagement du territoire). « Les exploitations vont se renouveler. Si l'on veut que la démarche se poursuive avec la nouvelle génération, il faut continuer à soutenir les efforts », affirme le président. Après plus de cinq ans d'actions, les premiers résultats sont positifs. La teneur en matière organique dans l'eau baisse. Celle du phosphore aussi (0,12 mg/l contre 0,20 mg en 2005 pour un déclenchement de l'eutrophisation à 0,05 mg). Le pic de nitrates dans l'année ne dépasse pas les 25 mg/l. Un bon point en vue de la concertation qui s'ouvre, celle pour les captages Grenelle.

CLAIRE HUE

Agriculteurs et élus ont choisi la concertation pour un plan d'actions gagnant-gagnant. De gauche à droite, Michel Frouin sur son exploitation laitière, au bord du lac de Ribou avec ses collègues Daniel Coutant, éleveur laitier, et Dominique Girard, président de l'Association des agriculteurs de Ribou, Verdon et Rucette, Marc Grémillon, élu en charge de la protection des ressources en eau de la Communauté d'agglomération de Cholet, et Christophe Puaud, ingénieur

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
journée technique sur la tuberculose bovine

La tuberculose bovine fait frémir les éleveurs bas-normands

Maladies
Thomas Pitrel dans sa prairie de ray-grass

« La prairie multi-espèce a étouffé le ray-grass sauvage »

Herbe

Tapez un ou plusieurs mots-clés...