
Après le départ à la retraite des parents, Anne et Jean-Marc Le Vourc’h se sont retrouvés noyés sous le travail. Le service de remplacement, les investissements dans une salle de traite rotative et des petits équipements les aident à refaire surface.
Aline et Jean Le Vourc’h, éleveurs aujourd’hui à la retraite à Plounévez-Lochrist (Finistère), avaient anticipé l’installation de leur fils Jean-Marc. Lors de la mise aux normes en 1999, ils avaient prévu 100 places de logettes pour 45 vaches et un quota de 318 000 litres.
Quand Jean-Marc s’est installé, il a repris une exploitation pour monter sa référence à 600 000 litres. En 2002, l’élevage comptait 75 holsteins et travaillait avec trois associés avec une salle de traite 2 x 6. Les parents et leur fils étaient libres un week-end sur deux.
Aline a pris sa retraite en 2007 et Anne s’est installée en 2008. Elle a repris une ferme avec 300 000 litres de quota. Le bâtiment a continué de se remplir. Plus récemment, le couple a demandé du lait supplémentaire à sa laiterie Even pour monter à 1,05 million de litres, afin de saturer le bâtiment et d’assurer un niveau de chiffre d’affaires.
C’est avec la croissance du troupeau que l’organisation du travail s’est grippée. Jean était peu présent du fait d’importantes responsabilités professionnelles. Le couple passait deux heures et demie à la traite matin et soir. À la suite d’un problème de santé, Anne ne pouvait pas supporter une charge de travail physique soutenue. « On manquait de temps pour construire notre famille », raconte-t-elle. « J’ai vu mes parents travailler tout le temps, week-end compris. Je m’étais juré de ne jamais vivre ça. Et nous sommes tombés dans ce piège », poursuit Jean-Marc.
Réduire le temps de traite
Les éleveurs ont d’abord cherché à alléger la contrainte de la traite pour pouvoir traire seul. D’emblée, ils ont écarté le robot. « Nous pensons que l’astreinte des alertes n’est pas gérable en couple », justifie Jean-Marc. Après de nombreuses visites, ils ont été séduits par la traite rotative. Ils ont choisi un roto extérieur de 24 postes, mis en service en 2010. L’investissement se monte à 210 000 € sur douze ans : le bâtiment, un Dac, une porte de tri et des racleurs automatiques.
En 2011, ils ont adopté deux enfants. Grâce au roto, la traite ne prenait qu’une heure et quart. Anne pouvait s’occuper d’eux. Mais le problème des week-ends restait entier.
En 2010, les éleveurs avaient pris un apprenti pour deux ans. Un réel soulagement qu’ils ont voulu conserver en embauchant le jeune à l’issue de la formation. « Nous l’avons licencié au bout de quelques mois. C’était parfait sur le plan du travail, mais cela coûtait trop cher. Cette expérience nous a démoralisés », raconte le couple. Ils se sont demandé s’ils étaient condamnés à travailler tout le temps, faute d’une rentabilité suffisante pour se faire aider.
Le découragement n’a pas duré. Le Gaec adhérait au service de remplacement (Finistère Remplacement) pour être sûr d’être aidé en cas de coup dur. Jean-Marc s’est arrangé avec eux pour prendre quelqu’un dix jours par an. Mais il ne voulait pas voir une nouvelle tête à chaque fois. Il a donc demandé à tourner avec trois personnes qu’il a pris le temps de former. Il a ensuite renforcé son engagement et planifie désormais chaque semestre le remplacement pour un week-end par mois. Ce service répond aussi pour les vacances. « Il faut un peu de temps pour former les salariés mais au moins, quand ils arrivent, ils sont autonomes. » Le coût moyen s’élève à 165 €/jour HT. Le Gaec dispose d’un crédit d’impôt de 50 % pour 14 jours par associé et par an. Le coût réel s’établit donc à 82,50 € HT.
« Les jeunes sont pleins de vitalité, on rigole avec eux »
Il y a un an, les éleveurs ont pris un nouvel apprenti, Willane Tanguy, étudiant en bac pro. Il est présent deux semaines sur quatre. Il les soulage d’une partie des traites en semaine et participe au travail un week-end par mois, mais il n’est pas autonome. « Cela nous coûte environ 1 000 €/mois. » Cette année, une stagiaire a rejoint l’équipe. Cora Dupont est en bac pro et vit en Seine-Saint-Denis. Elle connaît peu le métier mais se montre extrêmement motivée. Elle sera présente par intermittence pendant deux ans. Bien sûr, la former prend du temps, mais « elle a un très bon contact avec les animaux et elle apprend vite », souligne Anne. Le couple apprécie la vitalité de ces jeunes. En plus de leur travail, ils apportent une ouverture enrichissante.
Les éleveurs ont aussi réfléchi à la délégation de l’élevage des génisses. Lors d’une porte ouverte, ils ont découvert Heatime, un système de détection des chaleurs. « On s’est équipés et c’est vraiment bien. Cela contribue à alléger la charge mentale. » L’intervalle entre vêlages est passé de 410 à 376 jours. Il y a moins d’animaux à manipuler, à échographier. Cette amélioration permet aussi de réduire un peu l’effectif, et donc le travail. Un investissement à 11 000 € qui « se paie tout seul », selon les éleveurs. Anne et Jean-Marc ont également arrêté d’élever toutes leurs génisses. Ils ne conservent que le nombre nécessaire au renouvellement.
Tous les aménagements sont pensés dans le but de gagner du temps. Depuis août, ils ont installé des matelas dans les logettes. En hiver, le paillage, qui était quotidien, ne sera à faire que tous les deux ou trois jours. De plus, les éleveurs cherchent à augmenter la productivité par vache pour limiter l’effectif, et donc le travail. Ils misent sur une ration semi-complète. Les reprises successives ont conduit à un parcellaire morcelé qui complique le pâturage. Les vaches sortent néanmoins pendant six mois.
Jean-Marc assure l’essentiel des travaux des champs, hors récolte. Il a fait l’expérience de la délégation totale une année à la suite d’un accident. Ça a fonctionné, mais il n’est pas prêt à continuer. « J’ai besoin de savoir ce qui se passe dans les champs. » Il a calculé que cette pratique coûterait 40 €/1 000 litres de lait.
« La rentabilité du lait reste insuffisante pour embaucher »
Aujourd’hui, la charge de travail est jugée acceptable. Anne s’occupe des enfants, puis des veaux le matin. Le soir, elle ne trait presque plus quand Willane est là. Et en général, la journée est terminée à 18 h 30. La famille profite d’au moins un week-end par mois. Anne et Jean-Marc ont pris un peu de vacances pour fêter leurs dix ans de mariage.
Mais ces solutions ne suffisent pas. Quand ils sont tous les deux, la charge de travail est lourde. Et puis, Jean, 71 ans, donne toujours un coup de main évalué à deux heures par jour. Cela ne durera pas. L’apprentissage de Willane passe vite, il faudra le remplacer.
La rentabilité n’est toujours pas suffisante pour embaucher, alors qu’il y a du travail pour trois. Grandir encore dans l’espoir de pouvoir prendre un salarié ne les intéresse pas. « Notre outil est saturé. Pour produire davantage, il faudrait se lancer dans de gros travaux. On n’a pas assez de visibilité en lait », analyse Anne. « Nous sommes au taquet, nous ne voulons pas prendre le risque d’être dégoûtés du métier. Et puis, nous voulons préserver notre santé aussi », renchérit Jean-Marc.
Dans trois ans, les annuités vont chuter. Ils verront alors s’ils peuvent enfin prendre un salarié pour les aider au quotidien.
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