
Avoir un confort de vie tout en développant l’exploitation faisait partie du cahier des charges d’Adeline Fontaine et de Tanguy Pinel quand ils ont repris la ferme familiale.
«P roduire du lait français de qualité est une fierté », lance d’emblée Tanguy Pinel, qui a beaucoup voyagé en Inde, au Brésil ou en Turquie, avant de reprendre, en 2018, avec sa conjointe Adeline, la ferme de son père et de son oncle quand ces derniers ont pris leur retraite.
Installé dans un bassin laitier encore dynamique (avec Cuma, groupe robot, etc.), à proximité de l’une des unités de transformation de leur coopérative Eurial-Agrial (beurre et lait UHT), le Gaec du Bois Denial possède un bon outil pour produire. La stabulation aux normes dispose de 70 places de logettes et d’un robot de traite, installé à l’automne 2019. Elle est équipée d’une caméra pour surveiller les animaux. La pose d’un filet amovible en fond de bâtiment ainsi qu’un pignon en bois assurent du confort et de la fraîcheur aux animaux l’été. Les couloirs de circulation sont nettoyés à l’aide d’un système chasse-d’eau, avec des bacs de décantation naturelle. « C’est un très bon système pour prévenir les dermatites », estime Tanguy. Près de 80 % de l’azote est récupéré sous forme de fumier.
Enfants d’éleveurs laitiers, Tanguy Pinel et Adeline Fontaine ont choisi le lait en toute connaissance de cause. « Nous étions parfaitement conscients des contraintes de la production. Mais nos parents respectifs avaient su s’organiser pour se libérer et nepas subir leur métier. » En Gaec, le père et l’oncle de Tanguy prenaient un week-end sur deux et des vacances. Chez Adeline, la monotraite le dimanche et les vacances ont toujours permis à la famille de profiter de la plage, à trois quarts d’heure de là, et de s’ouvrir sur l’extérieur. « Nous savions qu’il était possible de faire du lait sans en être esclave. Nous avons voulu renforcer cette philosophie avec le robot de traite. » Jeunes parents d’une petite fille de bientôt 2 ans, Adeline et Tanguy aiment leurs animaux mais aussi leur vie familiale. Ils se relaient matin et soir auprès de leur enfant. Installés à la sortie de la commune de Chevaigné, à 20 kilomètres de Rennes et à 300 mètres d’un réseau de bus, les éleveurs ne peuvent ignorer les modes de vie des non-agriculteurs. Outre l’image d’une exploitation bien tenue, ils veulent aussi donner celle de personnes bien dans leur peau et dans la société. « Nous sommes toujours prêts à communiquer sur ce qu’on fait et sur ce qu’on est. »
« Nous ne nous obligeons pas à faire tout notre volume »
En plus d’apporter de la souplesse dans l’organisation du travail, le robot a contribué à développer la production laitière sur l’exploitation. De 530 000 litres de lait fin 2018, les livraisons de lait sont montées à 815 000 litres en novembre 2021 avec une surface inchangée, celle du père et de l’oncle de Tanguy (77 ha). « Lors de notre installation, Agrial nous a accordé 200 000 litres de références gratuites supplémentaires chacun, portant notre référence à 930 000 litres, précisent les jeunes éleveurs. Un volume que nous avons pris par sécurité, mais que nous ne nous obligeons pas à faire pour autant. » Il faut tenir compte des ressources fourragères de l’exploitation, du plan d’épandage, de la capacité du robot et du potentiel de valorisation de pâturage (15 ha). Un point que les JA tiennent absolument à conserver pour des raisons économiques, sociétales et de plaisir. « Marcher dans l’herbe, aller chercher les vaches est un plaisir. » Outre l’effet robot (2,5 traites par vache et par jour), plusieurs éléments ont permis cette évolution rapide. Un an et demi avant la reprise de l’exploitation, un travail en amont avec le père de Tanguy et son oncle a été entrepris pour préparer l’augmentation de production : recours aux semences sexées, élevage de génisses supplémentaires.
L’arrêt des taurillons a libéré de la surface pour les laitières
Alors que tous les mâles étaient initialement engraissés jusqu’à 24 mois, la production de taurillons a été arrêtée, ce qui a dégagé des surfaces pour les laitières. « Nous pouvons aller chercher la qualité en fauchant l’herbe plus jeune. » Outre l’utilisation de nouvelles variétés de maïs, les jeunes éleveurs ont introduit des espèces d’herbe et de fourrages différentes en les testant à chaque fois prudemment. « Alors que nous étions plus sur des dérobées RGI, aujourd’hui nous sommes davantage sur des trèfles et RGA, pointe Tanguy. Les méteils seigle-trèfle-vesce donnent de bons résultats : ils nous apportent de la protéine et améliorent la structure du sol. »
Pour la première fois en 2021, trois hectares de betteraves fourragères ont été implantés sur des parcelles saines, limoneuses, non caillouteuses. Elles ont rendu 150 tonnes brut. La culture et la récolte sont déléguées à une ETA. Les tubercules sont ramassés en trois fois (septembre, mi-octobre et décembre), ce qui permet de les conserver au champ. Après passage dans un godet broyeur, elles sont intégrées dans la mélangeuse et distribuées à raison de 8 kg brut par vache. « Ce n’est pas une quantité énorme, mais ça diversifie le fourrage. La betterave améliore la digestibilité du maïs, augmente l’appétence de la ration et favorise le TP (+ 0,5). Avec une ration variée, on gagne en efficacité alimentaire et en reproduction. Les bêtes sont en état. Des transitions alimentaires plus longues favorisent la stabilité ruminale et évitent les à-coups de production. » L’augmentation en lait s’est faite avec une part de maïs limitée (10 kgMS, soit 60 % de la ration des prim’holsteins) et en gardant la santé des vaches.
Les agriculteurs comptent aller plus loin dans la diversification fourragère. Cinq hectares de luzerne ont été semés au printemps dernier après chaulage. La récolte pourrait se faire en quatre coupes : la première en ensilage avec un conservateur, la seconde sera déshydratée, les troisième et quatrième seront, selon la météo et la qualité, déshydratées ou enrubannées. « Nous avons la chance d’avoir l’usine Déshyouest à notre porte. Alors que la betterave, dépourvue de fibres, apporte des sucres, la luzerne fournit les fibres et les protéines. » Depuis deux ans, la conduite du pâturage tournant a été améliorée avec une parcelle par jour sans fil avant ni arrière. Il se pratique de fin février à fin décembre si possible, sur 15 ha accessibles depuis le bâtiment par une porte intelligente. En février, l’accès à l’extérieur est d’abord assuré entre 11 heures et 16 heures, puis autorisé 24 heures sur 24. Composées de RGA et de trèfle pour l’essentiel, les pâtures sont éloignées d’au maximum 600 m.
Optimistes quant à l’avenir du lait
Le maïs ensilage apporté à l’auge est diminué de moitié et le maïs grain augmenté jusqu’à 2,5 kg en moyenne. Les prairies fauchées ainsi que les parcelles destinées aux génisses sont constituées d’un mélange « breton » : plantain, trèfle, fétuque, RGA. En mai 2021, 64 vaches à 43 kg de lait en moyenne étaient traites au robot. L’outil était au bord de la saturation.
Trois ans après leur installation, Adeline, 30 ans, et Tanguy 33 ans, ont le sentiment de bien vivre. Ils se prélèvent 1500 € chacun par mois en moyenne sur l’année. « Nous consommons notre lait, notre viande de bœuf et de veau. Nous habitons sur place. » Ils croient en l’avenir du lait. « Même si la consommation globale diminue, il faudra toujours des producteurs. Ici, on arrive à se démarquer par la qualité de notre lait. C’est un atout pour la fabrication de produits finis et de poudre export. À 15 km de la laiterie, nous sommes bien placés pour l’empreinte carbone. La coopérative, qui investit dans ses outils, envoie aux nouveaux installés des signaux positifs et nous encourage à produire », observe Tanguy, depuis peu délégué lait Agrial du secteur.
Au Gaec du Bois Denial, les objectifs de production ont été atteints, les projets personnels et familiaux aussi, ce qui donne envie de faire de nouveaux projets. Depuis le 1er janvier, l’exploitation s’est agrandie : Marie-Jeanne, la mère d’Adeline, a rejoint le Gaec, alors que son mari, Hervé, prenait sa retraite.
Regroupement de deux structures équivalentes
Les deux exploitations familiales, de structure équivalente et au système de production voisin, ont été réunies. Seule, Marie-Jeanne, qui a encore six ans devant elle, ne se voyait pas gérer un salarié. « Rejoindre les enfants me permettra de finir plus tranquillement ma carrière », explique l’agricultrice. Le regroupement des deux exploitations permet aussi de conserver le patrimoine familial (75 ha de SAU avec une stabulation logettes aux normes et fonctionnelle, et un troupeau normand de bonne valeur génétique produisant 600 000 litres de lait), tout en mutualisant un certain nombre de coûts.
Les deux fermes travaillaient d’ailleurs avec les mêmes fournisseurs sur la même base de ration. Mis à part l’installation d’un robot de traite (une stalle) et le remplacement de la vieille désileuse par un bol pailleur, aucun autre investissement n’a été nécessaire.
L’agrandissement du Gaec sécurise le système de production. « Avec la pression mise sur les nitrates, on sait que l’on va vers une diminution du chargement à l’hectare, analyse Tanguy. Plus de surface nous permettra de faire plus de rotation, de porter notre autonomie fourragère à 100 % et de produire nos protéines. » À terme, pour produire 1,4 million de litres de lait, il faudra embaucher un salarié ou renforcer la robotisation.
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