« Des animaux plus toniques au vêlage et en bonne santé »

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À la SCEA de l’Aizy, l’acidification de la ration des vaches taries depuis deux ans se traduit par un impact positif sur la santé, la reproduction et la production laitière.

Maxime Bigot s’est installé hors cadre familial il y a dix ans sur la ferme de l’abbaye Notre-Dame de Grâce, avec un droit à produire de 800 000 litres de lait. Après cinq ans d’activité, il s’engage dans la voie de l’augmentation des volumes en misant à la fois sur le renouvellement interne et sur l’intensification de la production individuelle. Il y a deux ans, il est rejoint par sa compagne, Pauline Leloup. Elle est actuellement salariée dans l’attente de concrétiser leur projet d’association. « Nous sommes clairement à la recherche d’une productivité laitière élevée, dans le but de maximiser la marge par vache. En parallèle, cela correspond à un objectif de maîtrise du coût alimentaire autour de 100 €/1000 litres. » Depuis deux ans, sur les conseils de leur nutritionniste, Jean-Louis Hérin (Hérin Nutrition), l’acidification de la ration des vaches pendant la phase de préparation au vêlage répond à cette recherche d’optimisation des performances.

« Confrontés à des problèmes de rétentions placentaires et de diarrhées »

« À travers cette approche, nous avons compris qu’avant de s’attaquer à l’alimentation des vaches laitières pour monter en lait, une première étape indispensable porte sur la gestion des vaches taries », souligne Maxime. En effet, les relevés réalisés sur la ferme par une élève ingénieur, dans le cadre de son mémoire d’études, valident cette pratique qui se traduit par une réduction significative des pathologies post-vêlages (voir infographie). Compte tenu d’une main-d’œuvre limitée, à la suite du récent départ du salarié et à la très grande difficulté de recruter, la réduction du temps consacré aux soins des fraîches vêlées contribue à soulager la charge de travail du couple.

Ici, c’est Pauline qui s’occupe plus particulièrement du suivi des vaches taries et de la préparation au vêlage, soit, dans un contexte de vêlages étalés toute l’année, un lot de 14 animaux en moyenne élevés sur une aire paillée (13 x 10 m²). Initialement, au cours de cette période, la minéralisation des « prépa vêlage » reposait sur la distribution d’un minéral spécial vaches taries à Baca négative. « Après la mise-bas, nous étions confrontés à des problèmes récurrents de rétentions placentaires pénalisantes pour la mise à la reproduction et le démarrage en lactation, souligne Pauline. Les pesées systématiques de colostrum dès la mise-bas se révélaient également de qualité médiocre. Une situation associée à un nombre important de diarrhées chez les veaux. » Les éleveurs généralisent alors la vaccination des vaches taries 15 jours avant vêlage avec Trivacton, afin d’induire une immunité passive des veaux contre les diarrhées néonatales à Escherichia coli, rotavirus et coronavirus.

« Difficile de faire consommer les pastilles de chlorure de magnésium »

Parallèlement, afin de soutenir la santé des vaches en début de lactation, ils mettent donc en place un protocole d’acidification de la ration pendant les trois semaines précédant la mise-bas. La baisse de la Baca se fait d’abord par la distribution de 150 g par vache/jour de chlorure de magnésium sous forme de pastilles mélangées à la ration. Résultat : une acidification insuffisante au regard de pH urinaires mesurés autour de 7,5 et sans amélioration notable de la situation sanitaire. En cause, l’inappétence des vaches pour cette solution acidifiante : « La principale difficulté était de faire consommer les pastilles de chlorure de magnésium aux animaux, car bien que mélangées manuellement à la ration, les vaches parvenaient à les trier. Nous retrouvions les pastilles de chlorure fondues au fond de l’auge. De plus, d’un point de vue pratique, c’est un produit inerte qui a tendance à prendre en masse dans le sac après ouverture. »

Avec leur nutritionniste, les éleveurs décident alors de tester une solution moins acide mais plus appétente (voir tableau ci-dessous) : il s’agit d’Animate (Phibro Animal Health Corporation), un complément fourni par la clinique vétérinaire spécialement formulé à base de sels anioniques enrichis en mélasse de canne à sucre et en gluten de maïs. Le bon dosage du produit a d’abord réclamé une phase d’ajustement : avec 450 g/vache/jour et des pH urinaires autour de 4,5, l’acidification s’est avérée excessive ; désormais les quantités sont bien calées à 380 g, soit un coût de 87 centimes par vache/jour pour un produit rendu ferme au prix de 2300 €/tonne. « Cette option représente un surcoût au début, admet Maxime. Mais l’investissement se justifie par l’amélioration de la santé et de la reproduction. Le phénomène le plus marquant est d’observer des animaux beaucoup plus toniques autour de la mise-bas : cela se traduit par des vêlages plus rapides, des vaches qui se relèvent sans attendre pour aller boire et se nourrir et surtout qui délivrent bien. » Les éleveurs évoquent aussi l’amélioration de la valeur du colostrum dont une partie est commercialisée auprès de leur coopérative en fonction de sa qualité, « même le colostrum des génisses affiche des valeurs toujours supérieures à 20 brix ».

Présenté sous forme de semoulette, Animate dégage une légère odeur de caramel et ne pose aucun problème d’ingestion. D’un point de vue pratique, Pauline l’intègre à un prémix comprenant le calcium, le colza et le gruau qu’elle prépare quotidiennement en pesant précisement chaque ingrédient. Ce mélange fermier est distribué manuellement sur une ration de base distribuée tous les deux jours par la désileuse automotrice de la Cuma : soit une ration de préparation au vêlage composée de 20 kg brut de maïs ensilage, 4,5 kg de paille hachée en brins de 3 cm, 3,2 kg de tourteau de colza, 800 g de farine de gruau (sous-produit de blé dur), avec un complément de 80 g de calcium sous forme de semoulette et de 100 g du même minéral que les vaches laitières. Nul besoin en effet d’une formule spéciale taries avec la distribution d’Animate.

« Un gain de 1,5 à 2 litres de lait en début de lactation »

Le contrôle de la bonne acidification repose sur des mesures de pH urinaire. À l’aide de bandelettes de papier pH, elles sont réalisées tous les 15 jours dans l’après-midi, au moins six heures après la distribution de la ration. Objectif : un pH urinaire compris entre 5 et 6,5 maximum. « Dès que l’on change un ingrédient de la ration, ou que l’on ouvre un nouveau silo, il ne faut pashésiter à faire despHurinaires quotidiens pendant quelques jours pour contrôler les résultats. » Avec leur praticien, les éleveurs ont également fait des analyses de calcium sanguin en début de lactation pour s’assurer du statut calcique des vaches en début de lactation (> 95 g/litre).

« Depuis que le protocole est bien calé, le niveau d’ingestion permet de faire l’impasse sur l’apport systématique de propylène en vue de soutenir le bilan énergétique des fraîches vêlées. Le passage du chlorure de magnésium à l’Animate s’est même traduit par un gain de 1,5 à 2 litres de lait/vache en début de lactation. » Les mesures réalisées par l’élève ingénieur sur un nombre limité d’animaux semblent montrer que l’augmentation de production laitière concerne plus spécifiquement les vaches en troisième lactation ou plus (+ 2,3 kg de lait à 7 jours et + 3 kg de lait à 30 jours).

Ensemble, les jeunes éleveurs ont ainsi produit pas moins de 1,93 Ml lors de la dernière campagne sur la base d’un troupeau à plus de 33 litres/jour de moyenne conduit en zéro pâturage (avec quelques hectares de parcours extérieur) et une ration complète un quart ensilage d’herbe et trois quarts maïs, pour un coût alimentaire de 108 €/1000 litres.

Jérôme Pezon
Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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