« Pas assez de marge pour ne pas être précis »

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Au Gaec de la Courtais, rien n’est laissé au hasard. Tout est pesé, analysé dans le moindre détail afin d’ajuster une complémentation énergétique, azotée et minérale au plus près des besoins du troupeau.

L’installation de Corentin avec son père Didier s’accompagne d’une phase d’agrandissement du troupeau. L’objectif est de passer progressivement de 680 000 litres de lait livré, il y a deux ans, à 1,1 million de litres, avec un troupeau bien calé à 10 000 kg de lait, trait par deux robots, dans une stabulation équipée de 125 places en logettes­. Aujourd’hui, les 90 vaches produisent 10 242 kg de moyenne, à 44,7 de TB, 34,6 de TP pour un coût alimentaire de 140 €/1 000 litres, malgré quelques « vieilles » vaches à 20-22 kg, conservées pour faire un maximum de lait dans le cadre d’un agrandissement voulu uniquement par renouvellement interne. Ici, rien n’est laissé au hasard ! Tous les fourrages sont analysés à la récolte, jusque dans le détail de leur composition en 9 minéraux et oligo-éléments.

Concentré de production et minéral à la carte

En effet, la teneur des fourrages en phosphore, calcium, magnésium ainsi que tous les oligo-éléments étant dépendants de la qualité des sols, ces analyses (18 €) permettent de choisir le minéral au plus près des besoins. Depuis 2014, le concentré de production distribué au robot est également composé sur mesure, principalement sa part d’amidon lent ou rapide en fonction du profil du maïs ensilage (voir infographie). Le calibrage de la dose de concentrés est contrôlé à chaque livraison. « La densité du granulé peut changer, indique Didier Sureau. Cela ne prend que dix minutes pour éviter les problèmes. »

Toujours à la récolte, un prélèvement de maïs est réalisé pour analyse des mycotoxines. En fonction du niveau de contamination, un simple capteur à base d’argile sera ajouté à la ration, ou un capteur associé à un détoxifiant. Les analyses de valeurs alimentaires sont renouvelées au silo deux ou trois fois en cours de campagne. Même l’herbe enrubannée est analysée en vert à la récolte et les balles triées en fonction de leur valeur : les meilleures pour les laitières. « Le retour sur investissement du budget d’analyses ne fait pas débat, compte tenu des prix des aliments, minéraux et additifs. C’est la base d’une alimentation de précision pour conduire un troupeau vers de bonnes performances technico-économiques », indique Denis Denion, le consultant nutrition de Seenovia.

60 % de réussite en première IA et un IVV de 387 jours

En cours de lactation, avec le vétérinaire, les éleveurs font occasionnellement des prises de sang à des vaches à différents stades de lactation, afin de contrôler leur profil sanguin en minéraux et oligo-éléments. Cette complémentation minérale de précision contribue aux performances de reproduction, au même titre que le travail mené depuis dix ans avec leur conseiller sur l’alimentation des vaches taries.

Après une première étape de quatre semaines à l’extérieur avec du foin, la préparation au vêlage de trente jours est basée sur une ration à 12,5 % en MAT et 10 UFL/jour : 4,5 kg de paille broyée, 5,5 kg de MS de maïs ensilage, 3 kg de colza matière première, 200 g de minéral spécial taries, 120 g de chlorure de magnésium, 80 g de chlorure de calcium, 50 g de carbonate de calcium et 50 g de sel. L’ensemble est mouillé avec 3 litres d’eau pour homogénéiser le mélange et limiter le tri. Les chlorures sont des acidifiants qui visent à baisser la Baca. Objectif : un pH urinaire entre 6 et 6,2. L’acidification de la ration permet une mobilisation du calcium osseux à l’approche du vêlage.

« À l’instar d’un sportif de haut niveau qui s’entraîne avant une épreuve sportive, cette technique de nutrition permet à la vache le jour du vêlage de pouvoir mobiliser plus intensément le calcium nécessaire à sa production laitière sans accident métabolique, explique Denis Denion. Ainsi, les démarrages en lactation sont boostés. » Les éleveurs contrôlent une fois par semaine les pH urinaires ainsi que les dosages en Brix des colostrums à chaque vêlage. Ces vérifications permettent de contrôler que la ration apporte les résultats attendus. « Le temps consacré aux taries est amorti par la rareté des interventions d’urgence, souligne Didier Sureau. Je n’ai pas eu plus de deux fièvres de lait en dix ans, et les frais vétérinaires ont baissé de manière notable sans dépasser 6 à 7 €/1000 l. » Résultats : un taux de réussite en IA 1re de 60 % sur les multipares et de 68 % sur les primipares. Cela permet de ne pas déraper sur l’IVV (387 jours), afin de ne pas encombrer le robot avec des vaches avancées en lait. L’objectif est un mois moyen entre 5 et 6.

L’affouragement en vert autorise un gain de 15 €/1 000 litres

Ce souci du détail quasi quotidien repose d’abord sur la recherche de fourrage de qualité. Objectif : zéro concentré azoté à l’auge et diminution du soja aux robots. Pour cela, une part croissante de fourrage riche en MAT sous forme d’herbe fraîche est intégrée à la ration. Ainsi, les vaches ont à disposition, par une porte de tri, 21 ha de pâtures conduites en pâturage tournant dynamique sur des paddocks de 1 jour (1 are/vache/jour), soit jusqu’à 8 kg de MS/vache/jour pendant la pleine pousse de l’herbe, avec une fréquentation aux robots de 2,5 traites/VL/j.

Sous l’impulsion de Corentin, les éleveurs ont investi dans une remorque autochargeuse d’occasion. L’affouragement en vert a permis cette année de distribuer à l’auge l’équivalent de 5 kg de MS/vache/jour d’herbe issue de prairies RGA-TB ou 3 kg de luzerne de mi-mars à début août. Après deux mois d’arrêt, il a repris le 15 octobre pour valoriser la pousse d’automne, soit jusqu’à 4 coupes de 2 tonnes de MS. Le suivi de la qualité de l’herbe, pour savoir quand débrayer un paddock pour la fauche, mais aussi le recours systématique à l’herbomètre, pour évaluer par mesure de densité les volumes consommés, permettent d’ajuster la complémentation.

« Être deux sur la ferme dégage du temps pour se consacrer au suivi des prairies afin de réduire les coûts, témoigne Didier. S’il est gourmand en temps et en carburant, l’affouragement pratiqué pendant six mois a permis de baisser le coût alimentaire global de 15 €/1000 litres. »

Ajuster finement la ration avec des acides aminés

Les vaches ont toujours à l’auge au moins 5 kg de maïs. Un maïs coupé à 50 cm, pour maximiser sa valeur UF, et haché entre 12 et 14 mm selon sa teneur en MS. Là encore, la précision commence dès le semis à travers une baisse progressive des doses de semis passées de 95 000 pieds par hectare, à 82 000, puis 75 000 pieds dans une terre bien affinée. « Il faut essayer d’être précis sur tous les postes. Nous n’avons pas assez de marge pour avoir le droit à l’erreur. »

En vue de la prochaine campagne, les éleveurs ont implanté pour la première fois en dérobés des méteils riches en protéagineux. Ils envisagent aussi le semis de mélanges de type luzerne-dactyle pour prolonger au maximum l’affouragement en été. Et pour ajuster encore plus finement l’alimentation, ils participent à une réflexion avec Seenovia portant sur l’apport d’acides aminés (méthionine et lysine) afin de réduire la quantité de correcteur azoté.

jérôme pezon

© j.p. - Ration semi-complète. La complémentation du troupeau est ajustée en fonction de la valeur d’analyses des fourrages, répétées plusieurs fois en cours de campagne. j.p.

© J.P. - Affouragement en vert. La reprise de la distribution mi-octobre a permis de réduire de 700 grammes le correcteur azoté à l’auge.J.P.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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