« Nous avons racheté 2,1 millions d’euros une ferme qui en vaut 3,7 »

anne brehierTjebbe (le garçon) et Baukje Hettinga, éleveurs laitiers en Hollande dans leur étable
anne brehierTjebbe (le garçon) et Baukje Hettinga, éleveurs laitiers en Hollande dans leur étable (©)

Pays-Bas. Il aura fallu un an et demi de négociations et l’intervention de médiateurs pour aboutir au compromis qui a installé Tjebbe et sa femme Baukje aux commandes de la ferme des parents du jeune homme.

Située dans le nord de la Hollande, dans l’une des régions les plus laitières du pays, l’exploitation de Tjebbe et Baukje Hettinga produit sur 75 ha(1), un million de litres de lait avec 120 vaches. Depuis novembre 2017, elle est détenue et gérée par Tjebbe. À 35 ans, le jeune homme voulait avoir les rênes de la ferme. « Plus longtemps on attend, plus ce sera long avant d’avoir remboursé les emprunts. Je veux que cela soit réglé le jour où mes deux enfants voudront à leur tour reprendre, si c’est leur choix. Transmettre à la génération suivante, c’est ce que tout agriculteur souhaite. »

Pour la transmission de l’exploitation, les discussions avec les parents de Tjebbe ont été difficiles. Il a fallu un an et demi pour trouver un terrain d’entente sur le prix de reprise. « Nous avons dû faire appel à deux médiateurs, précise le jeune couple. L’un pour gérer les aspects émotionnels, l’autre pour la partie économique. »

« Les négociations avec la banque ont été difficiles »

Alors que la valeur de l’exploitation était estimée à 3,7 millions d’euros, Tjebbe n’a finalement payé « que » 2,1 millions pour l’ensemble de l’entreprise, dont les 50 ha en propriété. Ces terres lui ont été cédées à moitié prix, soit 25 000 €/ha. Pour financer la reprise, Tjebbe a emprunté 1,75 million d’euros à la banque sur une durée de trente ans à 2,7 et 2,75 %. Le reste, 300 000 €, lui a été prêté par les parents. Cette somme leur sera remboursée dans cinq ans. Entre-temps, Tjebbe leur paie des intérêts (du même niveau que ceux de la banque). « Les négociations avec la banque ont été difficiles, se souvient le jeune couple. Il a fallu s’engager à augmenter la production de plus de 200 000 litres. » Tjebbe n’a pas eu d’aides publiques pour la reprise de la ferme, à l’exception d’une prime destinée aux JA de 30 €/ha par an pendant cinq ans.

La signature officielle de l’acte de transmission de l’exploitation en novembre 2017 a été suivie d’une fête. « Nous avons invité famille et amis à une party pour célébrer notre nouveau départ, racontent Tjebbe et Baukje. Nous voulions aussi tourner la page de la période conflictuelle. » Aujourd’hui, les relations familiales sont apaisées. Les parents de Tjebbe habitent à 10 km dans une maison qu’ils avaient achetée en 2005 et qui avait été louée au jeune couple entre 2006 et 2009.

Le père donne toujours un coup de main

Le père vient cinq jours par semaine sur l’exploitation. Il aime donner un coup de main. Pas besoin de lui dire quand on fauche, il le sent. Il aide aussi à la traite. Par contre, la mère n’a plus remis les pieds à la ferme. Elle a eu plus de mal à faire le deuil d’une ferme qu’elle avait contribué à développer avec son mari depuis son achat, en 1979. Avec 70 vaches sur 35 ha, l’exploitation produisait alors 500 000 kg. « Chaque transmission se fait dans un contexte différent, notent les jeunes agriculteurs. Dans certains cas, il n’y a pas besoin de médiation. Dans d’autres, les discussions n’aboutissent pas et la ferme est vendue. »

Depuis longtemps, Tjebbe s’était projeté à la tête de l’exploitation laitière. Il a suivi des études d’agriculture, complétées par une année de formation en management. En 2002, alors que l’exploitation produit 600 000 kg de lait avec 80 vaches sur 50 ha, une société est constituée avec le père et la mère de Tjebbe. Les bâtiments, les animaux et le matériel y sont intégrés. Le foncier est géré à part. Tjebbe ne détient pas de capital dans cette société, mais perçoit 40 % des bénéfices. À l’époque, le jeune agriculteur habite chez ses parents, travaille sur l’exploitation et commence à se constituer un capital avec sa part de revenu. La ferme étant malgré tout trop petite pour trois, Tjebbe travaille en partie à l’extérieur : il trait chez des voisins cinq fois par semaine, intervient dans les champs avec les machines de l’exploitation ou est employé par un entrepreneur du village.

L’année 2009 marque une étape dans la vie des agriculteurs et de l’exploitation. Alors que les parents de Tjebbe ont 60 et 56 ans, une nouvelle stabulation pour 120 laitières et les génisses de 1 et 2 ans est construite. Elle remplace l’ancienne, trop petite, datant de 1973. C’est un projet porté par Tjebbe. Il a alors 26 ans. « Mon objectif est d’avoir une taille d’exploitation et de troupeau que je peux gérer seul avec des occasionnels. Je ne veux pas m’agrandir. »

« Je dois avoir remboursé le gros des emprunts dans les dix ans qui viennent »

Toutefois, pour réaliser le plan financier validé par la banque (1,2 million de litres à 311 €/1 000 l), il doit produire 200 000 litres supplémentaires. Sa laiterie, Friesland Campina, accepte tout le lait sur la base d’un prix unique (pas de A ni de B). Entre mai 2017 et mai 2018, son lait a été payé 400 € les 1 000 litres. En juillet dernier, le prix était de 350 € (+ 15 € de bonus pour le pâturage et 25 € de ristournes). Depuis la reprise de l’exploitation il y a presque un an, les laitières sont traites trois fois par jour. Trois jeunes du village viennent l’aider le soir (sauf le week-end) et son père assure la traite de 13 heures, quand il n’est pas en vacances ou parti avec sa femme en caravane. Avec la TPA 2 x 12, il faut deux heures pour traire le troupeau (nettoyage et petits veaux compris).

Tjebbe s’implique à fond. « Le plus gros des emprunts doit être remboursé dans les dix ans qui viennent. Dans trente ans, il faut que l’endettement de l’exploitation soit le plus bas possible pour faciliter une reprise éventuelle de l’exploitation par l’un des enfants. »

Anne Bréhier

(1) + 10 ha achetés par la ferme en 2008 à 55 000 €/ha. Ils avaient été mis au nom de Tjebbe.

© a. B. - Canaux.La présence d’eau garantit des rendements fourragers élevés : 12,5 t de MS/ha pour l’herbe ensilée, 17 t de MS/ha pour le maïs.a. B.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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