La recherche travaille pour indexer la thermotolérance

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Israël. Malgré un climat torride et grâce à une conduite rigoureuse, les holsteins israéliennes produisent, en moyenne, 12 000 kg de lait par lactation et ont une durée de vie productive de trois ans.P.Le Cann
Israël. Malgré un climat torride et grâce à une conduite rigoureuse, les holsteins israéliennes produisent, en moyenne, 12 000 kg de lait par lactation et ont une durée de vie productive de trois ans.P.Le Cann (©P.Le Cann)

Peut-on commencer à sélectionner les animaux les plus résistants à la chaleur ? Les scientifiques y réfléchissent et l’on sait déjà qu’il existe des gènes favorables.

De nombreux éleveurs gardent en mémoire la canicule de 2003. Baisse de la production laitière, échec lors de la mise à la reproduction : les vaches ont souffert d’une hausse prolongée des températures. Avec le réchauffement climatique, de telles périodes vont devenir plus fréquentes et pourraient durer plus longtemps. On peut donc s’interroger sur l’opportunité de préparer les laitières à mieux supporter les fortes chaleurs.

Par ailleurs, on constate que certaines vaches résistent mieux que d’autres. Cela suggère une variabilité génétique et donc une voie de sélection.

Aujourd’hui, les catalogues de taureaux ne proposent rien pour s’adapter. Mais la recherche a pris conscience de l’enjeu. Pour Sophie Mattalia, qui anime l’unité mixte de technologie e-Bis, la première action que les éleveurs peuvent mettre en œuvre vise à réduire l’impact de leur élevage sur le réchauffement. Tout ce qui améliore la longévité des animaux va dans le sens d’une réduction des gaz à effet de serre (GES). « Nous devons préparer des outils pour réduire les émissions car des contraintes réglementaires pourraient un jour s’imposer », souligne Sophie Mattalia.

Un lien entre efficacité alimentaire et émission de GES

Un gros projet est en cours autour de l’efficacité alimentaire, car les émissions de méthane y sont liées. Le but est de développer des outils génétiques pour améliorer la transformation de la ration en lait.

Un autre projet est sur le point de démarrer avec l’université de Liège (Belgique). Celle-ci a mis au point une équation permettant d’estimer les émissions de GES en fonction du spectre infrarouge du lait.

Reste à vérifier que l’équation fonctionne partout car elle a été élaborée sur la base de vaches laitières holsteins conduites de manière intensive.

Ensuite, il sera possible de développer des évaluations génétiques. Cela supposera néanmoins de longs débats pour définir le caractère. Car selon que l’on regarde les émissions par vache et par jour, par litre de lait, ou à l’échelle de la carrière, on ne sélectionne pas les mêmes profils. Il faudra aussi évaluer les éventuelles corrélations, positives ou négatives, avec d’autres caractères. Le jeu en vaut la chandelle car avec une héritabilité de 0,20, la sélection sur ce type de caractère peut être efficace. Des mesures sur de petits troupeaux ont permis de l’évaluer. Une meilleure compréhension des interactions entre la génétique et le milieu devrait aussi permettre une sélection vers des vaches adaptées à la chaleur. Sur ce point, l’UMT s’est rapprochée de pays aux climats chauds pour partager les connaissances.

Et puis certains travaux conduits à l’étranger prouvent qu’il existe des gènes favorisant la résistance à la chaleur. Après avoir observé des élevages holsteins et jersiais durant onze ans, des chercheurs australiens ont conçu un index (THI, Temperature humidity index) évaluant le thermotolérance. Ils ont mesuré les performances laitières de 400 laitières vaches indexées sur ce poste et exposées à de fortes chaleurs. Au quatrième jour, la production a baissé de 2,5 litres par jour chez les 24 vaches les mieux indexées contre 4 l chez les 24 moins bien loties. La variabilité génétique est donc une réalité dans ce domaine, l’indexation et la sélection sont tout à fait envisageables. Les Australiens ont estimé l’héritabilité de ce caractère entre 0,2 et 0,3. Ils poursuivent leurs travaux pour évaluer l’effet de la chaleur sur la fertilité.

Préférer les vaches à poils courts

En race holstein, il est démontré que les vaches à poils courts régulent mieux leur température et produisent davantage en été. Ce caractère est conditionné par un gène : slick hair.

D’autres travaux conduits par l’Inra sont prometteurs à long terme. Directeur de recherche, Dominique Rocha suit, avec son équipe, un projet sur des charolais qui pourrait avoir des retombées pour les races laitières. « Il y a une centaine d’années, Cuba importait des animaux charolais. Puis l’île s’est retrouvée isolée, sous embargo pendant des décennies », raconte-t-il. Les bovins sont restés et les éleveurs ont conduit une forme de sélection naturelle. Les plus résistants à la chaleur et aux maladies ont survécu. Aujourd’hui, la recherche compare leur génome à celui de leurs cousins français, sélectionnés sur le volume musculaire. Elle pourra ainsi identifier les marqueurs génétiques favorables aux muscles ou à la thermotolérance.

De plus, le génome de vingt animaux a été séquencé. Les chercheurs vont ainsi descendre à l’échelle des bases qui caractérisent les gènes. On pourra ensuite rechercher ces mêmes bases sur des animaux d’autres races. Si elles sont présentes, la sélection sera possible.

En attendant, on peut déjà agir en sélectionnant les animaux les plus robustes. Car une vache plus fertile ou plus résistante aux maladies que la moyenne aujourd’hui sera aussi supérieure à son groupe sous un climat plus rude.

Sur ces postes, il existe des variations interraces, mais aussi intrarace. Le Maroc achète des montbéliardes car elles semblent s’adapter à son climat. Les holsteins vivant sous des climats chauds (Californie, Israël) peuvent se montrer très productives, mais leurs carrières sont parfois courtes. Les croisées sont, en moyenne, plus robustes que les vaches de race pure. Mais avant de s’engager dans le croisement ou le changement de race, on peut déjà choisir les meilleurs dans sa propre race.

Pascale Le Cann
Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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