« Mes salariés constituent mon meilleur investissement »

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Bruno Pinel travaille avec trois salariés sur son élevage. Il a mis au point une organisation axée sur la rigueur et l’écoute. Cela fonctionne bien.

Installé en 1994 et converti en bio il y a dix ans, Bruno Pinel a toujours travaillé avec un, puis plusieurs salariés. « J’ai démarré avec 25 vaches sur 40 ha, je voulais mener mon affaire seul, ne pas devoir rendre de comptes. Je visais un week-end libre sur deux et au moins trois semaines de congés, sans m’appuyer sur mes parents », raconte-t-il.

Il a d’abord embauché des étudiants ponctuellement pour les week-ends et les vacances. En développant l’élevage, il a pris un salarié à mi-temps et deux ans avant que celui-ci ne parte à la retraite, Bruno a embauché un jeune en contrat de professionnalisation qui est devenu salarié à temps plein.

Aujourd’hui, Bruno emploie trois salariés à 35 heures par semaine. Tous sont titulaires d’un BTS. « La formation de base me semble essentielle. S’ils ont peu d’expérience, ils ont la capacité d’apprendre. Cela demande juste un peu de curiosité et de temps. » Il attache de l’importance aussi au comportement, au savoir-être. Un nouvel embauché commence par assurer une traite par jour. Progressivement, il assume toutes les autres tâches liées à l’élevage et aux cultures. Bruno a essayé différentes formules et considère que la polyvalence est l’une des clés de la réussite. Il fixe le planning pour l’année avec, pour chacun et en alternance, des horaires différents chaque semaine et un week-end travaillé sur quatre. Il prévoit une pause à 9 h chaque matin pour faire le bilan de la veille et distribuer les tâches du jour. S’il est absent, il laisse des consignes écrites. Il veille à ce que les trois soient présents ensemble un jour par semaine afin de favoriser l’esprit d’équipe.

Le patron doit assumer une part du travail d’astreinte

Bruno se charge de l’organisation et de l’administratif, et bouche les trous ! « Je travaille un week-end sur quatre comme eux et je trouve très important de prendre ma part dans l’astreinte. » Il peut ainsi vérifier le temps nécessaire à chaque tâche. « Mes salariés travaillent 35 heures pleines. Il ne doit pas y avoir de temps morts pour des raisons de rentabilité de l’élevage. Mais il ne faut pas non plus les mettre en difficulté avec une charge trop lourde. Sinon, ils partent. »

Au début, Bruno s’appuyait sur la Cuma pour les travaux des champs. Puis il a investi dans du matériel. Il préfère les salariés aux automates. « Ça coûte moins cher de faire le travail quand on dispose de main-d’œuvre », affirme-t-il. Même si cela implique de s’équiper avec des outils neufs ou récents pour limiter les pertes de temps dues aux pannes et pour assurer un bon niveau de confort aux salariés. Un tracteur neuf s’amortit pour peu qu’on le fasse travailler. Il s’est aperçu que les conditions de travail déterminent la fidélisation des employés.

Quand il doit renouveler un matériel, il demande leur avis aux salariés. C’est un moyen parmi d’autres de les impliquer dans la vie de la ferme. De même, il s’assure que chacun suit plusieurs jours de formation par an. « Je leur donne le programme et on choisit en fonction de ce qui les intéresse. Cela ramène des compétences sur la ferme et leur donne aussi l’occasion de recevoir des messages techniques par un autre canal que le mien. »

Impliquer les salariés suppose aussi de les informer de la vie de la ferme, des résultats et des projets. Bruno planifie régulièrement des réunions avec ses trois salariés pour aborder tous ces sujets. Une fois par mois, il leur parle de sa stratégie à court terme et les interroge sur leurs projets, leurs envies. Lorsqu’il reçoit les résultats technico-économiques de l’élevage, il en informe son équipe. Il a également mis au point un système de prime de 10 € pour une chaleur détectée débouchant sur une gestation. Car il se rendait compte que les salariés remontaient très peu d’information sur ce sujet. Désormais, chacun empoche 150 à 200 € de primes par an et la détection des chaleurs s’est améliorée.

Les salariés sont efficaces car ils appliquent les protocoles

Et pour assurer la cohésion de l’équipe, il avait l’habitude, avant la pandémie, de les inviter ensemble au restaurant le midi toutes les trois semaines. « Les salariés sont tous différents. Il revient au patron d’être à l’écoute, de sentir si quelque chose ne va pas, et de faire preuve de souplesse parfois. C’est l’exploitation qui s’adapte aux personnes et pas l’inverse. » Dans le même esprit, Bruno ne manque jamais de mener les entretiens annuels.

Cette organisation s’est mise en place progressivement. L’éleveur y a beaucoup réfléchi et a lui-même suivi des formations pour apprendre à gérer ses salariés. Il ne transige pas sur le respect du droit du travail. Aujourd’hui, il pense que pour qu’un salarié reste à son poste, il faut lui proposer un temps plein et la polyvalence.

Il reconnaît qu’il a commis des erreurs au début. Considérer le salarié comme un copain, par exemple. Ou encore, recruter dans l’urgence et embaucher la première personne disponible. Il a pu constater que cela ne marche pas. Il remarque aussi que quand des difficultés surviennent, c’est souvent parce qu’il n’a pas été assez clair dans l’expression de ce qu’il attend.

L’exploitation tourne bien sur le plan technique, l’économie suit. Les salariés appliquent bien les protocoles quand ils sont clairs. Le prix d’équilibre s’établit à 450 €/1 000 l, main-d’œuvre incluse. Bruno ne se sent pas débordé. Les salariés lui apportent de la sérénité et grâce à eux, il a le temps de réfléchir à de nouvelles pistes d’évolution et de construire des projets. « J’estime que les salariés ne coûtent pas cher compte tenu du niveau de revenu qu’ils permettent de dégager. »

Pascale Le Cann
Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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